Un regard sur le monde : entre enchaînements et calendrier

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 22 février 2019 à 10h55
Pierens Extrait 2 Un Regard Peut Tout Changer
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Les exportations continuent de souffrir et pourtant la demande intérieure se porte plutôt bien. Combien de temps le contraste peut-il se maintenir ? A défaut de savoir répondre à la question, l’impatience quant à la capacité des Américains et des Chinois de forger un compromis ne peut que grandir.

Tentons de caractériser l’environnement économique international à l’heure actuelle. Commençons par rappeler le questionnement principal du marché.La croissance, qui a bien ralenti au cours de l’an passé, surtout en Europe et en Chine, va-t-elle conserver cette tendance, ou doit-on s’attendre à une stabilisation, voire à une certaine inflexion haussière ? La réponse viendra principalement de la dynamique du commerce mondial, puisque la demande intérieure semble continuer à bien se comporter. C’est du moins un avis assez largement partagé au sein de la communauté des investisseurs.

L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a publié il y a 48 heures la mise à jour de son indicateur des perspectives du commerce mondial. Disons qu’il reste mal orienté ; ce qui ne fait pas anticiper une reprise des échanges internationaux à brève échéance. Cette mauvaise orientation persistante est le fait des commandes à l’exportation, du côté de la demande, et de l’automobile et de l’électronique, du côté de l’offre.

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La première estimation des indices PMI de la Zone Euro pour le mois de février envoie un message similaire, mais sur une géographie plus étroite. Les commandes à l’exportation continuent de baisser, avant tout du fait de l’Allemagne. En France, le recul se fait moins prononcé. Il est très probable que cette faiblesse de la demande à la grande exportation est une raison essentielle à une activité manufacturière qui dorénavant reculerait légèrement. En revanche le jugement plus positif sur le développement des affaires, porté par les branches de services, vient plutôt confirmer l’impression que la demande domestique « tient le choc ». Au final, le PMI composite estimé pour l’ensemble de la région est un peu en hausse sur un mois. De quoi accréditer l’idée que le point bas en termes d’évolution d’un trimestre à l’autre de la croissance du PIB est probablement en vue. Mais avec un sentiment assez fort que ce début de diagnostic appelle confirmation.

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L’idée d’une bonne étanchéité entre une demande intérieure qui résiste et une demande extérieure qui continue de s’affaiblir doit être questionnée ; au moins, revisitée à dates rapprochées. Il y a en effet une courroie de transmission de la deuxième vers la première. Il s’agit de l’investissement des entreprises. Aux Etats-Unis, certains indicateurs deviennent moins favorables en la matière. Ainsi les commandes de biens d’équipement non-militaires (hors aviation) sont orientées à la baisse depuis quelques mois.

Qui dit interrogations sur le tempo du commerce mondial dit nécessité de suivre de près les discussions entre la Chine et les Etats-Unis. Où en sommes-nous ? On sait que les échanges s’accélèrent. Le Vice-premier ministre chinois en charge de la politique économique, Liu He, est à Washington et on apprend ce matin qu’il rencontrera le Président Trump plus tard dans la journée. On connait à la fois, l’étendue des sujets couverts (du rééquilibrage des échanges commerciaux bilatéraux au transferts de technologie et à la propriété intellectuelle en passant par le cyber-vol, les services, la monnaie, l’agriculture et la politique industrielle), la volonté de l’Administration américaine de ne pas se contenter de déclarations d’intention et le désir partagé des deux parties d’arriver à un accord. Les informations manquaient jusqu’à maintenant sur la forme que prendrait cet éventuel accord. Sans doute parce que les discussions n’étaient pas assez avancées pour que cet aspect apparaisse. On a appris hier que l’éventuel accord prendrait la forme d’un « mémorandum d’entente multiple ». Le concept, d’après ce que je comprends, s’apparente en droit international public à un traité, mais ne présuppose pas forcément un caractère contraignant. Ces points, tout à fait importants, seront à préciser. Il n’empêche que, si les aspects juridiques sont dorénavant sur la table, des progrès significatifs ont dû être enregistrés sur le fond des dossiers. Avec qui plus est l’impression nouvelle que l’accord pourrait être plus complet qu’on ne le pensait il y a encore peu de temps.

On en est là ; avec donc le double espoir qu’un compromis sino-américain permette au commerce mondial de mieux se comporter et que la demande intérieure, un peu partout autour du monde, continue de « tenir le choc ». Le plus tôt la confirmation de cet espoir, le mieux en termes de consolidation d’anticipations positives sur le tempo de l’activité. La difficulté est évidement qu’on n’a pas vraiment la capacité de préciser les éléments de calendrier. C’est à ce niveau qu’il faut introduire le débat de politique monétaire. A aujourd’hui, une communication « accommodante » s’impose. Mais prendre des mesures d’assouplissement ne se justifie sans doute pas, si demain l’environnement économique à la fois s’éclaircit et s’améliore. Etre crédible en jouant sur les deux tableaux en même temps n’est pas un exercice très facile à réaliser.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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