Regards croisés sur la croissance

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 29 avril 2019 à 11h06
Croissance France Bdf Trimestre 1
2%Aux Etats-Unis, parier sur un rythme de progression du PIB d?entre 2% et 2,5% semble raisonnable.

Quel est l’ampleur du rebond à attendre en matière de croissance aux Etats-Unis, en Chine et en Zone Euro ? Cette dernière va-t-elle être à la traine des deux autres ? Quelles seront les implications en termes de politique économique ?

Le questionnement du marché sur l’environnement économique mondial paraît se modifier. Jusqu’à récemment, le point d’attention concernait la sortie du passage à vide en matière de croissance, enregistrée au cours des trimestres précédents. Le diagnostic, assez largement partagé, est que celui-ci est dorénavant derrière. De plus, amélioration il devrait y avoir ; même si elle ne doit pas être très forte.

Les interrogations nouvelles sont au nombre de trois. Peut-on être plus précis sur l’ampleur du rebond à venir, celui-ci va-t-il concerner chacune des grandes régions du monde et quelles seront les implications en termes de réglage de la politique économique ?

Avant de discuter la tendance de la croissance demain, rappelons les performances enregistrées au premier trimestre. En Chine, la croissance mesurée d’une période à l’autre n’a qu’à peine ralenti : en rythme instantané, +1,4% après +1,5% en T4 2018. Ce fût reçu par le marché comme une bonne surprise. Aux Etats-Unis, le PIB a progressé de 3,2% en rythme annuel et d’un trimestre à l’autre ; on l’a appris vendredi dernier. C’est beaucoup mieux qu’en fin d’année dernière et au-delà de l’estimation du consensus des économistes (respectivement, +2,2% et +2,3%). S’agit-il d’une « divine surprise » ? En fait non, car le poids de l’exceptionnel – des contributions très positives de la formation de stocks et des exportations nettes – dans la performance enregistrée est important. La dynamique de la demande intérieure finale reflète sans doute de façon moins biaisée la performance de l’économie américaine en T1 2019 : +1,5% après +2,1% précédemment. En Zone Euro, ce n’est que demain que le PIB du premier trimestre sera connu. Le consensus parie sur une progression, mesurée d’une période à l’autre et en rythme instantané, de 0,2%. Elle serait alors identique à celle de T4 2018. Des données « en dur » sur les deux premiers mois de l’année plus encourageantes que les résultats d’enquête pourraient suggérer que le biais autour de la projection est plutôt haussier. Dans tous les cas, le chiffre publié devrait être modeste.

Alors quid de la période au-delà de ce premier trimestre ? Amélioration sans doute, au titre d’une confiance plus élevée et du soutien apporté par la politique économique. Il n’empêche que l’ampleur de l’inflexion haussière devrait modérée. En Chine, dans un contexte d’économie pilotée, assurer un tempo de 1,5% trimestre après trimestre paraît faire consensus. Aux Etats-Unis, parier sur un rythme de progression du PIB d’entre 2% et 2,5% (toujours en rythme annuel et d’un trimestre à l’autre) semble raisonnable. Mais comment appréhender une telle projection ? Elle est certes supérieure à la performance de la demande intérieure finale de T1 (+1,5%) ; mais elle est inférieure à celle du PIB (+3,2%). En Zone Euro, il paraît raisonnable d’anticiper une accélération de la croissance à compter du T2 2019, après trois trimestres de contre-performance. Retrouver un momentum de 0,4% paraît atteignable. Mais pour l’instant les éléments de preuve manquent encore un peu.

Essayons de mettre en cohérence ces trois regards. Aujourd’hui, on a envie de dire que l’activité économique envoie des signaux plus favorables en Chine et aux Etats-Unis qu’en Europe. Cette dernière région va-t-elle s’inscrire dans le sillage des deux autres ou doit-on se résigner à ce qu’elle reste à la traine ? En termes d’allocation géographique des actifs sous gestion, la question vaut pour les investisseurs. Disons que si la Chine retrouve un certain allant économique, même si les moteurs sectoriels et en termes de demande sont différents des expériences passées, alors les pays européens, en commençant par ceux les plus exposés à la « grande exportation », doivent en profiter. Qu’est-ce qui pourrait faire obstacle à ce type d’enchainement ? Avant tout un repli de la confiance, qui trouverait sans doute son origine dans une dégradation de l’environnement politique. L’hypothèse n’est pas à privilégier. En revanche, il faut être attentif à l’impact du renchérissement du prix du pétrole sur le pouvoir d’achat des ménages.

Si les perspectives de croissance se dégagent, à défaut de vraiment s’améliorer, quel sera l’accompagnement par la politique économique ? Les autorités chinoises ont déjà apporté une réponse. Elle a déçu les marchés. Pousser plus avant les feux de la relance n’est pas utile. Il faut trouver le bon équilibre entre pilotage de la conjoncture et approfondissement des réformes de structure. Aux Etats-Unis, l’interrogation du moment se porte sur la politique monétaire. Que va faire la Fed ? Dans l’immédiat, réaffirmer le réglage en cours. Rappelons que le comité de politique monétaire se réunit demain et après-demain. A un horizon un peu plus éloigné, l’attitude ne devrait pas être modifiée. Si tant est que la croissance du PIB reste sur la trajectoire envisagée et que l’inflation ne réserve pas de surprises (ni à la hausse, ni à la baisse). Remarquons que le marché a retenu de la livraison des comptes nationaux du premier trimestre que le déflateur des dépenses du consommateur avait été particulièrement « sage ». Au point de raviver les anticipations de baisse de taux ? En Zone Euro, le débat sur la politique économique est aujourd’hui moins présent. Avant tout parce que les doutes sur le profil de la croissance ne sont pas encore entièrement levés.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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