Retraite chapeau de Mestrallet & Co., et si l’Etat ne savait pas de quoi il parle ?

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Par Emma Simon Modifié le 26 novembre 2014 à 15h21

Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, a entendu les protestations d’une partie des syndicats. Donc acte. Après les remous provoqués par les annonces successives des retraites chapeau versées à l’ex-PDG de France Télécom, Didier Lombard et au PDG de GDF Suez, Gérard Mestrallet, Macron a annoncé vouloir la peau de ces émoluments. Le ministre souhaite les remplacer par un « régime de droit commun plus lisible pour les Français ». Si l’on ne peut pas reprocher au gouvernement d’écouter les syndicats, on est en droit de souligner que, pour une fois qu’il le fait, il aurait sans doute mieux valu s’abstenir. Dommage.

Des retraites chapeau pour les grands dirigeants, mais pas seulement

L’affaire Gérard Mestrallet a mis le feu aux poudres. Dans le viseur du gouvernement, les retraites chapeau, perçues comme des privilèges dont useraient et abuseraient les dirigeants de grandes entreprises. Précédent l’arbitrage gouvernemental, les parlementaires viennent de se pencher sur la question, et de trancher : après les sénateurs, les députés ont adopté lundi 24 novembre une hausse de l’ordre de 30 à 45 % de la contribution additionnelle, à la charge des employeurs, sur les retraites chapeau. But de la manœuvre : « dissuader » l’employeur d’accorder ces retraites à prestations définies, selon Gérard Bapt (PS), rapporteur du projet de budget.

Le Conseil constitutionnel devrait censurer cet amendement. Il y a quelque temps, il avait déjà jugé le taux de 21 % qui devait être appliqué pour les rentes supérieures à 24 000 euros par an « confiscatoire ». Deux principes constitutionnels viennent entraver l’Etat dans sa volonté d’interdire ou de décourager les retraites chapeau accordées aux salariés d’entreprises privées : la liberté d’entreprendre et le droit de propriété.

Mais le vrai problème est ailleurs. Le problème, c’est que sous la pression populaire, nos chers dirigeants semblent opérer une confusion totale entre retraites chapeau et parachutes dorés. Si ces derniers sont en effet contestables, puisqu’ils ne concernent que des dirigeants de grandes entreprises et n’entretiennent a priori aucun lien avec leurs performances à la tête des entreprises en question, les premières concernent de nombreux salariés, et sont quant à elles indexées sur le mérite.

En France, les retraites chapeau concernent un million de personnes (200 000 personnes les touchent déjà, 800 000 les toucheront en fin d’activité). Le montant moyen de ces retraites est de 5 000 euros par an. Plus de la moitié des bénéficiaires touchent moins de 2 000 euros sur douze mois. Près de 50 % des bénéficiaires sont des cadres de PME, et 32 % des agents de maîtrise. En s’attaquant aux retraites chapeaux tout à trac, Macron et les députés PS pourraient ainsi faire plus de mal que de bien aux petits salaires, en les pénalisant involontairement, par ricochet.

En 2011, l’Etat avait déjà durci la fiscalité concernant les retraites chapeau. Effet assuré. Si 4 milliards d’euros de cotisations avaient été versés en 2009, en 2013 on n’en comptait plus qu’1,5 milliard. Seul hic, selon l’Adresse (Association de défense des retraites supplémentaires d’entreprise), seuls les patrons et cadres de petites entreprises avaient payé cette rigidification légale, « les grandes entreprises ayant les moyens de payer pour leurs cadres dirigeants ».

La retraite chapeau, un mécanisme déjà bien encadré

Quitte à faire des lois, autant qu’elles soient utiles. Un truisme que semblent avoir perdu de vue Macron et une partie des députés, puisqu’en cherchant à dissuader les entreprises d’accorder des retraites chapeau à leurs employés, ils mettent à mal un mécanisme de financement de la sécurité sociale – qui n’avait pas besoin de ça. Surtout, ils s’attaquent à un dossier déjà bien balisé par le code Afep-Medef, que se charge de faire respecter le Haut comité de gouvernement d’entreprise.

Ce code fixe des règles, parmi lesquelles l’obligation pour les retraites chapeau de ne pas dépasser 45 % du revenu de référence. Il pose également des critères de performance, à l’aune desquels le montant de ces émoluments est calculé. Selon le Haut comité de gouvernement d’entreprise « les recommandations du code Afep-Medef sont très largement respectées par les sociétés françaises, et la dernière année a encore apporté des améliorations significatives à la qualité de leur gouvernance et de l’information qu’elles donnent à ce sujet ».

Equilibré, le code Afep-Medef a à coeur que l’argent gagné par chaque patron soit cohérent par rapport à un certain nombre d’éléments : le risque, l’importance du poste occupé, les enjeux, le prix du marché, etc. Il est le fruit de longues années de réflexion et apparaît ad hoc. En voulant le remplacer par une loi balourde aux effets pervers potentiellement désastreux, exécutif et législatif se trompent de combat. Plutôt que de répondre à la pression populaire par des effets de manche, peut-être aurait-il fallu s’attaquer à ce qui fait vraiment désordre : les parachutes dorés. On apprend ainsi que les députés viennent de supprimer un article qui avait été ajouté au Sénat, visant à accroitre la taxation des parachutes dorés. On nage en plein paradoxe.

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Ancienne chargée d'études marketing pour un grand groupe canadien, Emma Simon est revenue en France travailler à son compte il y a quelques années. Elle met aujourd'hui sa connaissance des marchés au service de ses analyses sur l'avenir de nos entreprises.      

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