Retraites : les vraies questions arrivent sur le tapis

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Par Jacques Bichot Publié le 19 février 2019 à 5h48
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57%Selon un sondage réalisé par Elabe, plus de la moitié des personnes interrogées considèrent que le système actuel est mauvais (57%).

La concertation sur la réforme des retraites se hâte avec lenteur. Je ne dirai pas « une sage lenteur », car les discussions interminables auraient dû céder la place depuis des mois à la prise de décisions. Au lieu de quoi, on en est encore à se poser la question d’une indexation des pensions sur les salaires, indexation à laquelle JP Delevoye aurait dit être favorable (Les Echos du 18 février). Ce qui prouve que la logique des points n’a pas été comprise.

En effet, le recours aux points a parmi ses objectifs l’efficacité de la gestion : la valeur du point peut être révisée, chaque fois que c’est nécessaire, en fonction des rentrées de cotisations. C’est ce qu’on appelle une « variable de commande », l’équivalent des pédales d’accélérateur et de frein sur une automobile. Lorsque les rentrées de cotisations sont bonnes, on peut accélérer – augmenter la valeur du point. Et si par malheur ces rentrées sont mauvaises, on peut « lever le pied », ou même freiner, c’est-à-dire diminuer la valeur du point, en cas de nécessité absolue.

Certes, l’existence de réserves, indispensable, doit permettre de maintenir la valeur du point lors d’une récession, pour ne pas aggraver celle-ci, mais il s’agit là d’une règle de conduite analogue à celle que pratique un conducteur prudent, qui évite de donner de grands coups de frein si ce n’est pas indispensable, de peur de se faire percuter par le véhicule qui le suit. La valeur du point doit faire partie de la responsabilité de la direction du régime unifié ; elle ne doit être ni indexée ni planifiée d’aucune autre manière : ce serait lier les pieds et les mains au conducteur de la voiture !

D’ailleurs le Haut-Commissaire évoque à juste titre la prise en compte d’un « coefficient démographique », en gros le rapport entre cotisants et retraités. Si ce coefficient se détériore, à moyen et long terme la diminution de la valeur du point et le relèvement de l’âge pivot sont inéluctables. Rappelons que l’âge pivot est l’âge fixé pour calculer une pension notionnelle, qui sera multipliée par un coefficient actuariel inférieur ou supérieur à 1 selon que la liquidation a lieu avant ou après l’âge pivot. Son relèvement impacte les futurs retraités, tandis que modifier la valeur du point impacte toutes les pensions déjà liquidées. Ces deux variables de commande sont différentes et complémentaires.

Reste la question des cotisations. A notre avis, leur taux a beaucoup trop servi de variable d’ajustement, toujours dans le sens de l’augmentation. Il ne faut certes pas s’interdire toute modification, mais il ne faut le considérer comme le dernier recours. Pour reprendre la comparaison automobile, aucun conducteur ne se sert du frein à main, dans des conditions ordinaires, pour ralentir son véhicule. Mais si les freins ont lâché, alors là, bien sûr, il essaye d’éviter le pire en actionnant le frein à main.

Enfin, nous serons mal barrés, dirait-on en passant de l’auto au bateau, tant que l’on mettra nos difficultés sur le dos du papy-boom, comme c’est le cas dans l’article cité. Le problème n’est pas qu’il y ait trop de personnes nées dans les années 1945 à 1970 ; c’est que ces personnes n’aient pas eu assez d’enfants. En auraient-elles mis au monde autant que leurs parents, nos problèmes de retraites seraient bien plus faciles à résoudre.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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