Réversion : laissons les Français décider !

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Par Philippe Delerive Publié le 16 novembre 2018 à 5h38
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3,2Le taux d'emploi est en hausse de 3,2 points en dix ans.

De nos jours, avec un taux d’emploi des femmes égal à 67,6% contre 75,5% pour celui des hommes, taux d’emploi en hausse de 3,2 points en dix ans, la question d’une vision individualisée des pensions se pose.

Une évolution sociologique

Les régimes de retraite par répartition ont été inventés après la deuxième guerre mondiale à une époque où le modèle familial dominant était celui de l’homme au travail et de la femme à la maison. Dans ce schéma traditionnel, c’était à l’homme de subvenir aux besoins du foyer familial. La création des retraites par répartition, qui ont permis de servir instantanément des pensions à des personnes qui n’avaient pas cotisé à ce nouveau système, s’est logiquement accompagnée d’une garantie de réversion permettant au décès du mari le versement d’une pension à sa veuve.

C’est ainsi que Jean-Paul Delevoye, dans un document de travail présenté aux partenaires sociaux en juin dernier, a posé la question suivante : « Compte tenu des évolutions en matière de taux d’emploi des femmes et de conjugalité, doit-on maintenir des pensions de réversion ? »

L’expression « évolution de la conjugalité » est une allusion au nombre de divorces (pourquoi une réversion ensuite ?), aux remariages (les réversions ARRCO et AGIRC sont versées au prorata de la durée des mariages au jour du décès), aux unions libres (pas de réversion) qui ont fait évoluer le modèle traditionnel de la famille qui était la norme après la deuxième guerre mondiale.

Cette coexistence de situations différentes avec des retraités en couple, mariés ou non, seuls, avec ou sans enfants à charge, avec des enfants qui ne sont pas les leurs, … légitime l’interrogation de Jean-Paul Delevoye : faut-il raisonner au niveau du foyer ou au niveau de l’individu lorsque l’on souhaite repenser le régime de retraite ?

S’inspirer des assureurs

C’est avec sagesse que le haut-commissaire à la réforme des retraites s’est penché sur les pratiques de différents pays pour étudier leur régime de retraite. Il serait tout aussi utile de voir quelles solutions les assureurs français, placés en situation concurrentielle et avec la nécessité d’innover, ont progressivement apporté à cette question sous la pression de leurs clients qui, depuis des décennies, vivent ces évolutions sociétales.

Les assureurs sont en effet confrontés à une grande variété de situations et ont bien compris qu’ils devaient proposer des solutions variées afin que chacun y trouve son compte plutôt que de vouloir imposer à tous un modèle unique.

C’est ainsi que les réponses apportées par les assureurs correspondent aux situations rencontrées par les assurés. L’assuré, le jour de son départ en retraite, choisit entre plusieurs solutions : une pension de retraite non réversible, une pension de retraite réversible à 50%, 60% ou 100% au profit de la personne qu’il désigne (qui peut être son conjoint actuel, son concubin, la personne avec laquelle il vit en union libre), une rente réduite qui sera majorée en cas de dépendance, une rente majorée pendant quelques années et qui sera réduite ensuite (pour ceux qui ont encore des enfants à charge), et même la possibilité de garantir un nombre minimum d’années de versement à ses héritiers, même en cas de décès prématuré de l’assuré ou de son conjoint.

A chacun de ces choix correspond un montant de rente initial différent, de telle manière que chacune de ces solutions corresponde au même montant probable versé par l’assureur : le choix est actuariellement neutre.

Le pari de la liberté

Le futur régime par répartition pourrait utilement reprendre à son compte ces innovations. Des actuaires pourraient construire les tableaux d’équivalence permettant à chacun, au moment de son départ en retraite, de choisir librement dans le futur régime universel de retraite, s’il souhaite une pension individuelle, une pension réversible au profit de son conjoint actuel à 50%, à 60%, à 80% ou à 100%, et pourquoi pas là aussi une pension majorée pendant quelques années puis réduite ensuite s’il a encore des enfants à charge ou un emprunt en cours, une pension réduite et majorée en cas de dépendance, …

Faisons le pari de la liberté : ce n’est pas parce qu’il n’existe plus un modèle familial dominant qu’il faut basculer dans un système purement individualiste. Laissons chaque famille et chaque personne s’organiser comme elle le souhaite en fonction de ses choix de vie et de sa situation personnelle.

L’objectif de la réforme de nos retraites est de faire en sorte que « un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Ajoutons le principe que ces droits soient utilisés librement par celui qui a cotisé, à son profit et à celui de son conjoint, si telle est sa volonté, sans que cela influence la pension des autres, grâce à la garantie de la neutralité actuarielle.

Introduire de la souplesse et de la liberté ne peut être que de nature à augmenter l’adhésion à cette réforme.

Sources:
1 de 15 à 64 ans
2 Tableaux de l’économie française, édition 2017
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Diplômé de l’École Polytechnique et de l’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique, Philippe Delerive a débuté à l’UAP en retraite d’entreprise puis à l’UAP Collectives comme responsable technique en prévoyance et santé. En 1998, il rejoint la direction innovation santé d’AXA France pour contribuer au projet d’expérimentation santé, puis, en 2001, devient directeur technique et financier d’AXA Courtage pour le marché des particuliers et professionnels. En 2002, il intègre GAN Assurances comme directeur des assurances de personnes avant de devenir successivement directeur de la région Paris-Centre-Picardie en 2007, directeur général adjoint en 2011, et finalement directeur général de GAN Assurances de 2012 à 2016.  En 2017, il rejoint Exponens en tant qu’associé et prend la direction du pôle Gestion du risque et Assurances.

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