Le Royaume-Uni va mal finir

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Par Fabien Pirollo Publié le 26 mai 2015 à 5h00
Royaume Uni Crise Sortie Europe
90 %La dette publique du Royaume-Uni représente 90 % de son PIB.

J'ai précédemment écrit un article dans lequel j'exposais les raisons pour lesquelles la prochaine récession (1) en Europe et plus généralement dans les pays de l'OCDE risquait de se transformer en crise majeure (2), notamment à cause de l'absence de politique économique contra-cyclique (3). J'illustre mes propos avec le cas actuel du Royaume-Uni.

(1) Qu'est-ce qui pourrait faire que le Royaume-Uni entre en récession ?

Le principal risque qui pèse aujourd'hui sur l'économie britannique est l'explosion de la bulle sur le marché immobilier.

On le voit sur le graphique ci-dessus, les prix de l'immobilier au Royaume-Uni sont actuellement supérieurs à ceux d'avant la crise de 2008 et croissent depuis peu de manière exponentielle. Cela est inquiétant car parmi les pays développés qui ont subi une forte correction de leurs prix immobiliers après la crise des subprimes (voir le graphique), le Royaume-Uni est le seul dans cette situation (prix supérieurs à 2008 + forte croissance des prix). Depuis 2 ans, les prix ont ainsi augmenté de 15 %.

(2) Pourquoi cette récession se convertirait en crise importante ?

Comme aux Etats-Unis ou la zone euro, le Royaume-Uni a utilisé tous les instruments de la politique économique dont il disposait afin de faire face à la crise et relancer son économie. Cela s'illustre par :

- Une politique monétaire très expansionniste avec :

- un maintien des taux d'intérêt proche de 0 (0,5 % depuis 2009) :

- la mise en place d'un Quantitative Easing : lancé dès janvier 2009, l'Asset Purchase Facility (APF) a permis d'injecter 375 milliards de livres dans l'économie britannique.

- Une politique budgétaire accommodante : la dette publique, qui n'était qu'à 45 % du PIB en 2007, est aujourd'hui à 90 %. De même, le pays a laissé filer son déficit public jusqu'à 11 % du PIB.

La conséquence de ces politiques économiques expansionnistes est qu'en cas de nouvelle récession (dans notre cas l'explosion de la bulle immobilière), le pays n'aura aucun outil économique pour la contrer, comme ce fut le cas en 2008. D'où un risque de crise économique majeure.

En fait, le pays pourra tenter d'apaiser la crise par certaines mesures, comme par exemple l'achat de dette publique par la Banque Centrale sur le marché primaire ou la mise en place de taux d'intérêt négatifs, mais cela risquerait fortement de (très) mal finir.

(3) Pourquoi le pays ne retourne pas à des conditions de politique économique "normales" afin de mieux appréhender la prochaine récession ?

Il peut paraître étrange que le déficit public soit toujours élevé et que la Bank of England (BoE) ne remonte pas ses taux directeurs alors que la situation économique s'améliore :

- Le Royaume-Uni connaît des taux de croissance élevés :

- Le taux de chômage recule nettement :

En fait, en ce qui concerne le déficit public, D.Cameron assure qu'il sera à l'équilibre en 2019. De toute façon, Bruxelles ne peut prendre aucune sanction à l'égard du Royaume-Uni sur ce sujet car le pays ne fait pas partie de la zone euro. Il est donc assez libre en matière de politique budgétaire.

En outre, comme toutes les autres Banques Centrales, la BoE a un objectif de stabilité des prix des biens et services (inflation cible : 2 %), et le problème aujourd'hui est que le Royaume-Uni est en proie à la déflation :

La BoE n'a donc pas d'autres choix que de maintenir ses taux directeurs très bas. Si elle les relevait, elle risquerait de déprimer la croissance du pays et d'empêcher le retour de l'inflation à un niveau proche de son objectif. Mais en les maintenant bas, elle laisse gonfler la bulle immobilière qui, quand elle explosera, aura des conséquences importantes pour l'économie du pays car rien ne pourra atténuer ses effets. Bref, le Royaume-Uni va mal finir.

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Fabien Pirollo est diplômé de l'ESCP Europe avec une spécialisation en économie. Ancien chargé de mission à la Communauté d'Agglomération des Hauts-de-Bièvre, il est également le créateur du blog http://www.economx.pe.hu/ et analyste financier sur le site http://fr.investing.com

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