Septembre : le début d’une nouvelle ère sur les marchés ?

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Par Nathalie Benatia Publié le 15 octobre 2021 à 5h00
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60 à 70 milliards d'eurosLes achats nets d'actifs mensuels de la BCE seront désormais de 60 à 70 milliards d'euros

Après avoir connu sept mois consécutifs de hausse, les actions mondiales ont significativement baissé en septembre (-4,3 % pour l'indice MSCI AC World en dollars). Leur progression depuis le début de l'année a ainsi été ramenée à 9,8 %. Si les marchés émergents ont fait à peu près jeu égal en septembre (-4,2 % pour l'indice MSCI Emerging en dollars), leur recul par rapport à fin 2020 (-3,0 %) reflète les difficultés spécifiques qui ont affecté les places asiatiques au cours des dernières semaines.

Deux éléments à l'origine des évolutions récentes des actions

D'une part les inquiétudes sur la situation en Chine, qu'elles portent sur un facteur très spécifique, à savoir les doutes sur les capacités d'un important promoteur immobilier chinois à faire face à ses échéances, ou plus généralement, sur la situation conjoncturelle du pays. Dans le premier cas, un défaut de cet acteur majeur pourrait peser sur les marchés financiers par contagion, sur l'activité immobilière et sur la confiance des ménages.

Parallèlement, l'évolution des enquêtes d'activité, de la production industrielle et des ventes au détail laisse envisager un ralentissement de la croissance chinoise au 3e trimestre, conséquence de la recrudescence de l'épidémie de Covid-19 au cours de l'été et du durcissement des réglementations dans de nombreux secteurs. Les injections de liquidités annoncées par la Banque centrale (PBoC) ont sans doute permis d'éviter de plus violentes turbulences sur les marchés financiers sans rassurer pleinement quant aux intentions des pouvoirs publics pour la suite.

D'autre part, les tensions observées sur les taux longs suite à des décisions et des déclarations moins accommodantes de plusieurs grandes banques centrales ont pénalisé les actions partout dans le monde. Les investisseurs craignent en effet que la remontée des taux (nominaux et réels) ne remette en cause les valorisations élevées des marchés actions. A ce titre, les brutales tensions des taux longs américains (+19 pb sur le rendement du T-note à 10 ans entre la réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine du 22 septembre et la fin du mois) ont accentué la fébrilité des investisseurs en actions.

Les banques centrales infléchissent leur discours

De fait, le Dot plot (graphique à point qui reflète les niveaux de taux directeurs jugés « appropriés » par les membres du FOMC- Federal open market committee) a reflété la coexistence de deux groupes. Neuf membres jugent nécessaire de remonter les taux dès l'année prochaine alors que les neuf autres envisagent une première hausse plus tard. Par ailleurs, et cet élément a retenu l'attention des observateurs, le comité semble divisé sur l'interprétation du cadre de ciblage flexible de l'inflation moyenne. Certains membres estiment que les taux directeurs peuvent rester durablement bas (autour de 1 % en 2024) alors que d'autres (comme, sans doute, le vice-Président Richard Clarida au vu de précédents commentaires) considèrent qu'une bonne partie du chemin vers le taux d'équilibre devra être fait à horizon 2024. La préannonce du tapering, bien préparée, a été plutôt bien accueillie mais le débat sur la remontée des taux directeurs commence à peine.

A l'occasion de sa réunion de politique monétaire du 9 septembre, la Banque centrale européenne (BCE) a indiqué qu'elle allait adopter un rythme « légèrement plus faible d'achats nets d'actifs au titre du programme d'achats d'urgence face à la pandémie (Pandemic emergency purchase programme, PEPP) par rapport aux deux derniers trimestres ». Cette décision, qui n'a pas surpris, a été justifiée par des conditions de financement favorables et intervient dans un contexte où les prévisions de croissance (pour 2021) et d'inflation (sur toute la période de prévision, soit jusqu'en 2023) ont été revues à la hausse. Les achats mensuels seront désormais de 60 à 70 milliards d'euros (contre près de 80 milliards en moyenne depuis avril). Christine Lagarde a précisé qu'il s'agissait d'un « recalibrage » du PEPP pour les trois prochains mois. Par ailleurs, l'enveloppe du PEPP reste de 1 850 milliards d'euros et le programme doit s'achever en mars prochain. La BCE n'a pas communiqué sur ces deux éléments et rendez-vous a été fixé, du moins dans l'esprit des investisseurs, à la réunion du 16 décembre.

Inflation : réalité, perception, anticipation, débats

D'ici là, nul doute que les discussions au sein du Conseil des gouverneurs sur le devenir des programmes d'achats de titres seront animées. La réaction de Christine Lagarde à certains commentaires montre que la BCE souhaite éviter un débat public sur ces sujets alors que plusieurs membres se sont démarqués des prévisions en matière d'inflation (1,3 % en 2021, 1,4 % en 2022 et 1,5 % en 2023 pour les prix hors alimentaire et énergie) qu'ils jugent encore trop basses.

L'inflation sous-jacente s'est établie à 1,6 % en août et les estimations préliminaires disponibles pour septembre laissent envisager une poursuite de l'accélération vers un niveau proche de 2 %. Le scénario retenu par la BCE reste celui d'une accélération de l'inflation liée aux déséquilibres entre la demande et l'offre et, de ce fait, temporaire. Des risques haussiers sont toutefois évoqués par certains membres (comme la persistance des goulets d'étranglement) et retiennent davantage l'attention des observateurs que les propos rassurants de Christine Lagarde.

Plus généralement, alors que les Banques centrales ont commencé à évoquer la persistance des goulets d'étranglement, les investisseurs ont eu tendance à réviser à la hausse leurs anticipations inflationnistes. Ce mouvement a été alimenté par la hausse des cours des matières premières et singulièrement de l'énergie. Le cours du pétrole est monté de 9,5 % par rapport à fin août, le baril de WTI s'inscrivant au-dessus de 75 dollars pour retrouver ses plus hauts de l'année touchés en juillet.

Nette surperformance des actions japonaises en septembre

L'indice Nikkei 225 a terminé le mois en hausse de 4,9 %. Le mouvement a été déclenché en tout début de mois par la décision surprise de Yoshihide Suga de ne pas se porter candidat à l'élection à la tête du Parti libéral démocrate fin septembre et donc, de renoncer, de fait, à son poste de Premier ministre. La gestion de la crise sanitaire, jugée inefficace alors que le variant Delta a frappé l'archipel de plein fouet cet été, avait entraîné une nette baisse de sa popularité. Pour les investisseurs, cette décision ouvre la voie à plus de stabilité au sein du parti majoritaire et à la mise en place de mesures supplémentaires de soutien alors que les élections parlementaires doivent se tenir d'ici fin novembre. En fin de mois, la désignation de Fumio Kishida est venue valider cette hypothèse, l'équipe gouvernementale pressentie s'inscrivant dans la continuité de la précédente.

Aux Etats-Unis, les grands indices ont pâti de la remontée des taux longs, en particulier parce que le poids des secteurs susceptibles d'être pénalisés par cette situation est important. Le S&P 500 a baissé de 4,8 % par rapport à fin août, retrouvant en fin de mois son plus bas depuis le 19 juillet.

Dans la zone euro, le recul a été un peu moins important (-3,5 % pour l'Eurostoxx 50), essentiellement parce que le secteur financier, qui représente 14 % de l'indice MSCI EMU (contre 11 % environ pour le MSCI USA) a profité du mouvement de repentification de la courbe des taux.
Au niveau mondial, deux secteurs ont échappé à la baisse en septembre : l'énergie et les banques. A contrario, les secteurs cycliques ont été fortement pénalisé : les plus fortes baisses ont été enregistrées par les matériaux de base, sur fond d'inquiétudes sur la croissance mondiale et de pénuries, et par la technologie au sens large.

Comment aborder la transition ?

Le regain de nervosité qui a saisi les investisseurs en septembre peut s'expliquer par des éléments spécifiques (situation en Chine, anticipations sur la politique monétaire américaine) qui ont limité la visibilité sur de nombreuses classes d'actifs (hausse des taux longs, recul des actions). Cette fébrilité reflète aussi, et sans doute plus fondamentalement, plusieurs inquiétudes latentes.

L'hypothèse d'un retour rapide à la vie normale grâce à la vaccination de masse a été remise en question par la violente vague de contaminations due au variant Delta. Du point de vue sanitaire, cette vague a, fort heureusement, reflué en septembre mais ses conséquences sont encore visibles, pas tellement sur la demande, qui est repartie très fortement et reste dynamique, mais sur l'offre. Dans de nombreux secteurs, l'activité pâtit du manque de matières premières, de pénuries de biens en amont du processus de production et, dans certains cas, de difficultés à recruter du personnel qualifié.

L'analyse qui peut être faite de cette phase de transition, qui devrait logiquement se résoudre par la disparition des goulets d'étranglement et donc la reprise de la production, est perturbée par plusieurs facteurs. D'une part, les déceptions sur la croissance en Chine, qui amènent les investisseurs à s'interroger sur la capacité des autorités à réagir et sur leur volonté de le faire. D'autre part, les débats au sein des banques centrales autour du caractère transitoire ou non de l'inflation, qui font craindre à certains observateurs une remontée plus rapide qu'attendu des taux directeurs.

Tout porte à croire que la « normalisation » des politiques monétaires aux Etats-Unis et dans la zone euro sera prudente et progressive mais la direction plus agressive prise ailleurs, même si elle répond à des réalités différentes, inquiète.
L'environnement que se dessine nous paraît toujours être favorable aux actions, puisque l'activité des entreprises devrait bénéficier de la disparition des goulets d'étranglement, et moins aux obligations gouvernementales, qui vont être moins soutenues par les achats des banques centrales en 2022. Les rendements obligataires devraient ainsi peu à peu retrouver des niveaux un peu plus élevés, plus conformes aux fondamentaux.

Nbenatia

Nathalie Benatia est macroéconomiste, BNP Paribas Asset Management

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