Risque de pénurie d’eau en France: mythe ou réalité?

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Par Michel Delapierre Modifié le 13 novembre 2019 à 9h57
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Cet été, les pics de chaleur constatés dans l’hexagone ont atteint des sommets. Ils semblent avoir contribué à une prise de conscience inédite des français concernant les conséquences du dérèglement climatique actuel. Parmi les nombreuses questions soulevées, l’eau tient une place prépondérante. Les risques de stress hydrique (pénurie d’eau) en France font l’objet de débats passionnés dans lesquels se mêlent souvent fantasme et réalité.

Afin d’y voir plus clair, Economie Matin a interrogé Maximilien Pellegrini, directeur général délégué Eau France chez Suez.

La France est-elle touchée par le stress hydrique ?

Le stress hydrique est un phénomène dont on ne prend réellement conscience qu’en été mais qui est bien réel en France. Même si depuis 15 ans les prélèvements et la consommation d’eau sur le territoire restent stables en dépit de l’augmentation de la population, nous constatons, sous l’effet du changement climatique, des périodes de sècheresse de plus en plus longues qui posent de réels problèmes. Cet été par exemple, jusqu’à 94 départements ont été placés en vigilance ou en alerte sècheresse. Début octobre, 82 départements étaient toujours concernés par des restrictions d’eau.

Quels départements sont les plus touchés ?

Les régions du Nord et de l’Est sont les plus touchées par le phénomène en particulier du fait de fortes consommations d’eau pour des usages agricoles et industriels. C’est le cas du Valenciennois notamment qui a connu cet été un stress hydrique particulièrement élevé.

Plus généralement, en France, à l’horizon de 40 ou 50 ans, la baisse, en proportion et dans le temps, du niveau d’enneigement affectera de manière significative l’alimentation des fleuves et des cours d’eau en été. Ceci aura des répercussions sur la ressource en eau qui bénéficiera de moins en moins de l’effet château d’eau de la couverture neigeuse au moment de sa fonte. Ce sera le cas dans le Massif Central, les Alpes et les Pyrénées.

Quelles conséquences cela aura-t-il sur le prix de l’eau ?

Les tarifs sont et seront impactés de façon très différente d’un territoire à l’autre. En effet, d’une part, le changement climatique n’impacte pas les territoires de manière homogène et d’autre part, l’eau est un produit local dont la gestion l’est tout autant. Chaque région se trouve est dans une situation particulière sur le plan de la ressource et de son accès, de la topographie ou encore des enjeux en matière d’investissements dans les réseaux ou les équipements. Cette disparité engendre une disparité tarifaire, certes difficile à comprendre pour le grand public, mais pourtant bien une réalité.

Quelles mesures sont à prendre pour diminuer le stress hydrique ?

Tout d’abord, il faut éduquer le public concernant les défis liés à l’eau. Les citoyens doivent, par exemple, prendre conscience de leur consommation d’eau. Sur ce sujet, les compteurs intelligents que SUEZ met en place sont un bon outil d’accompagnement pour une gestion optimisée de sa consommation.

Ensuite, il est nécessaire d’améliorer la performance et la qualité des réseaux. Aujourd’hui, 1 litre d’eau sur 5 est perdu dans les réseaux d’eau potable. Ces réseaux sont renouvelés tous les 150 ans en moyenne, il faudrait qu’ils le soient tous les 70 ans. SUEZ a mis en place des outils digitaux pour aider les collectivités à diagnostiquer leurs réseaux, savoir où et quand intervenir. Cela nécessite des investissements très importants : le besoin global en France se situe à 1 milliard d’euros/an. Pour aider les collectivités, l’État a mis en place des aqua-prêts.

Enfin, réduire le stress hydrique revient à penser la question de l’usage d’eaux alternatives pour diminuer la pression sur la ressource. Réutiliser les eaux issues du traitement des eaux usées ou réalimenter des nappes sera une nécessité dans le futur. Aujourd’hui, la règlementation française offre très peu de marges de manœuvre. Pourtant, nous n’avons pas besoin de la même qualité d’eau pour nettoyer les voiries, arroser les espaces verts, irriguer les champs ou boire au robinet. Il faudrait définir une qualité par typologie d’usage. Les solutions techniques existent. En France nous réutilisons

uniquement 0,8% de l’eau usée traitée, c’est trop peu. Pour vous donner une idée, en Italie ce sont 8%, 14% en Espagne et 90% en Israël.

Est-il possible d’intervenir à la source, dans les nappes phréatiques ou dans la mer ?

Oui, Il existe des techniques de dessalement d’eau de mer ou de réalimentation des nappes avec des traitements adaptés. A Hyères par exemple, SUEZ réalimente les nappes l’hiver en puisant dans les fleuves et les rivières pour faire face aux pics de consommation l’été. Sur ce terrain, les nouveaux outils numériques nous aident énormément. Nous sommes désormais en mesure de surveiller le niveau des nappes en continu afin de les alimenter uniquement quand cela est nécessaire.

Quelle est la situation du reste du monde face à ce stress hydrique ?

Au niveau mondial, les régions les plus touchées par le changement climatique (Australie, Moyen Orient, Chili, Californie, Afrique du Sud…) doivent obligatoirement mettre en œuvre des solutions alternatives (dessalement, réutilisation des eaux usées). Elles n’ont pas le choix, c’est une question de survie. En Californie par exemple, SUEZ produit dans l’usine de West Basin, cinq types d’eau différentes. Nous y traitons les eaux usées de Los Angeles, lesquelles sont réutilisées par les industriels pour l’irrigation des terres agricoles, pour la réalimentation des nappes, etc., et ce, à chaque fois avec un niveau de qualité différent.

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