Suppression des normes : vraie fausse bonne idée ?

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Par Aurélien Castel Publié le 27 novembre 2016 à 5h01
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400 000Il y aurait 400 000 normes, lois et règlements ayant trait à la fabrication de produits en France.

Mi-septembre, le Sénat dénonce les normes insupportables qui tuent l’agriculture. Quelques semaines plus tard, Monsieur Nicolas Sarkozy évoque une loi de portée générale pour abroger toutes les normes françaises supérieures aux normes européennes.

Et si la problématique des normes n’était pas leur niveau d’exigence mais bien leur cohérence et leur stabilité ?

Imposées par des organisations éloignées du terrain, les exigences règlementaires évoluent en permanence, rendant impossible l’activité des entreprises. Quand les industriels, les agriculteurs remontent les problématiques auxquels ils font face, les politiques traduisent cela par la suppression des normes. Mais quid de la compétitivité ? de la crédibilité ? De la qualité Française, le fameux Made in France, un label d’état adoubé et promu par ces mêmes politiques ? Les normes et exigences reglémentaires, c’est un peu un pas en avant et deux pas en arrière. Un imbroglio dans lequel les entreprises se trouvent prises en otages malgré elles. Mal comprises et mal aimées, les normes doivent exister pour aider les entreprises à s’organiser, pas leur mettre des bâtons dans les roues.

La question des normes supérieures

Pour pouvoir abroger les normes françaises supérieures aux normes européennes, il faut d’abord en définir les critères : une mesure supérieure pour les agriculteurs peut ne pas l’être pour des défenseurs de l’environnement ! Le vrai problème réside donc ailleurs, il est dans la cohérence entre les normes et les activités des entreprises.

Savez-vous qu’un apprenti agricole par exemple à l’interdiction de conduire un tracteur ? Un ouvrier du bâtiment ne peut pas utiliser un escabeau comme poste de travail ? Envie de sourire ? C’est pourtant la réalité.

Le problème se trouve aussi dans la cohérence des règlements et exigences normatives entre les organismes. Des contradictions qui peuvent conduire parfois à des situations ubuesques. C’est le cas des bâtiments agricoles ayant fait le choix d’installer des toitures photovoltaïques. Ils sont bien évidemment soumis à des normes incendies. Là où le Ministère de l’Environnement oblige la mise en place de réserves d’eau en cas d’incendie, le Ministère de l’Intérieur, lui, interdit aux pompiers de lancer de l’eau sur un toit photovoltaïque en feu.

Des entreprises réalisent donc les investissement (importants) demandés par l’un qui se voient au final interdit par l’autre… La Norme exige une chose, la règlementation en exige une autre. Les entreprises ne savent plus où aller ! Personne ne se positionne clairement sur ces exigences règlementaires. Au lieu de supprimer les normes, commençons d’abord et simplement par les rendre cohérentes …

L’instabilité du système règlementaire

Ainsi, les normes et exigences évoluent en permanence. En 1988, une directive européenne est prise pour encadrer l’ensemble des produits de construction (DPC) : placo, laine de verre…). S’ensuit un arrêté français imposant le marquage CE de certains produits. Au moment même où l’état français impose ce marquage CE, l’Europe est déjà en train de rédiger une Règlementation des Produits de Construction (RPC) visant à supprimer et à remplacer la directive européenne de 88 et à rendre facultatif le marquage CE. Le marquage CE a coûté des centaines de milliers d’euros aux entreprises françaises concernées, un investissement obligatoire rendu facultatif à peine deux ans après…

On voit bien qu’outre ces aspects de suppression de normes, les entreprises ont surtout besoin d’un contexte réglementaire stable et cohérent pour pouvoir s’organiser. En modifiant les niveaux d’exigences on prend le risque de redéfaire les organisations. En supprimant les normes, on retouche encore un peu plus à la stabilité normative… Résultat : on ne règle pas le problème, on perd même en compétitivité.

Que le niveau normatif français soit supérieur au niveau européen participe aussi à la compétitivité de la France. La France s’exporte pour son niveau de qualité. Si elle s’aligne où est son avantage commercial ? Dans une telle situation on perd en avantage tout en maintenant la lourdeur normative…

Ce n’est qu’en hissant le problème de l’instabilité et de l’incohérence des normes aux premiers rang des préoccupations des politiques, que les entreprises obtiendront la politisation du débat et l’ébauche de vraies solutions.

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Aurélien Castel est le co-fondateur et le Président de SymaleaN, un éditeur de solutions de pilotage des systèmes Qualité, Sécurité, Environnement, fondé en Vendée en 2013. Il poursuit des études de Maintenance & Automatisme Industriel à l’ICAM, une école d’ingénieur, avant de commencer sa carrière dans un groupe de construction métallique. Aurélien Castel y gravit les échelons jusqu’au poste de Responsable QSE qu’il occupera pendant 5 ans. De cette expérience, il retient la difficulté pour les PME de lancer les processus et le maintien des certifications. Il crée alors SymaleaN avec un associé, Damien Casteret, lui-même issu du monde de l’industrie et passionné par la qualité. Ensemble, ils développent un nouveau logiciel destiné aux entreprises qui veulent mettre en place la certification. L’outil SymaleaN contient une gestion électronique de documents pré-paramétré (processus, procédures, modes opératoires) et de suivi (gestion des non-conformités, des audits, suivi de la compétence, de la satisfaction clients, etc..) Depuis 2013, SymaleaN est commercialisé en France et à l’international en mode SaaS et en mode licence, par la société mère ou par un réseaux d’intégrateurs labellisé SymaleaN.

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