Nouveaux chefs, mêmes morts

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Par Ludovic Grangeon Publié le 6 mai 2015 à 5h29
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3,5 MILLIONSIl y a en France 3,5 millions de chômeurs à plein temps.

Entre guerre 14-18 et « années honteuses » actuelles, les causes des deux désastres se ressemblent cruellement.

Dans un ouvrage discret et minutieux en 1980, le Colonel Pierre Rocolle, auteur de nombreux ouvrages militaires, a pris soin d’analyser avec recul « l’hécatombe des généraux » de la guerre 14-18. Le terme « limoger » fut remis à la mode avec l’épuration de près de 160 généraux responsables d’autant de désastres durant la grande guerre, et de millions de morts. La plupart furent mis aux arrêts, puis assignés à résidence dans des villes éloignées, mais finalement nommés « inspecteurs généraux » sans autres suites. C’est un nombre équivalent de hauts fonctionnaires qui a transformé en autant de Titanic un bon nombre de nos entreprises nationales depuis 1980. Ce phénomène diminue seulement parce qu’il reste de moins en moins d’entreprises. Les deux exemples récents dans l’audiovisuel font penser que le mal perdure.

Monuments aux morts ou Pôle Emploi, des victimes aussi nombreuses

25 ans plus tard, en 2004, la journaliste Ghislaine Ottenheimer a recensé les mêmes hécatombes dans la grandeur et décadence de la caste des inspecteurs des finances : « les intouchables », avec environ le même nombre de désastres et de responsables, et de millions d’emplois détruits. La plupart furent aussi « limogés », dessaisis de leurs fonctions, mais restent fonctionnaires avec de confortables émoluments, contrairement à leurs victimes.

Il faut croire que nous ne savons pas tirer enseignement du « Mal Français ». Déjà, comme le soulignait Hervé Coutau-Begarie dans « Politique étrangère », l’incapacité des généraux de 1870 avait été « phénoménale » : Frossard, Bazaine, Ladmirault… La débâcle de 1940 doit beaucoup à Gamelin et Georges. En 1914-18, Joffre a destitué 2 généraux d’armée, 9 de corps d’armée, 33 de division, 6 de cavalerie, 90 de brigade, près de 160 chefs de guerre au total.

Elite de connivence au lieu de compétence

Dans les années précédant la guerre, les suites de l’affaire Dreyfus avaient permis de basses manœuvres politiques (l’affaire des fiches) consistant à nommer des officiers « amis » pour mieux contrôler l’Etat-major. La plupart de ces officiers étaient notoirement incompétents et n’ont pu accéder à leurs postes que grâce à ces manipulations. Des millions de morts ont payé leur inaptitude.

A la suite des nationalisations de 1981, puis des privatisations, et enfin des reventes, ce sont à chaque fois autant de membres de cabinets ministériels qui se sont rués aux manettes des entreprises placées sous leur contrôle. Ils s’y sont préparé des fauteuils dorés. La plupart n’avaient jamais vu d’entreprise de leur vie ni dirigé d’équipes, sans autre bagage que leur orgueil avide.

Dans les deux cas, ces compromissions ont donné lieu à des scandales multiples dus à la « reconnaissance » des nouveaux promus envers les politiques qui les avaient chaperonnés. Dans les deux cas, de sombres affaires de financement, de sexe, de détournement, de dissimulation ont fini par les discréditer.

Dans les deux cas, des millions de morts, d’exclus, restent sur le carreau, et finissent, eux, par payer le prix de toutes ces incuries. La seule différence, c’est que les morts ne peuvent pas se relever. Les chômeurs et les familles sous le seuil de pauvreté sont des morts vivants qui pourraient bien un jour se rappeler au souvenir des petits chefs, et ils sont des millions…

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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