Tabac : 100 spécialistes appellent l’OMS à revoir sa politique sur les produits sans combustion

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Par Philippe Get Modifié le 26 octobre 2021 à 9h50
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40%L'introduction du tabac chauffé au Japon montre une chute de 40% du volume de cigarettes conventionnelles vendus dans ce pays entre 2015 et 2020.

À l’occasion de la 9ème session de la conférence internationale sur le contrôle du tabac (COP9) organisée en novembre prochain, 100 experts en science et politique du tabac et de la nicotine ont rédigé une lettre ouverte, le 18 octobre dernier, demandant aux gouvernements membres de la CCLAT (la Convention-cadre pour la lutte antitabac) d’encourager l’OMS (organisation mondiale de la santé) à moderniser son approche de la politique sur le tabac, en promouvant notamment les alternatives aux cigarettes conventionnelles.

Le 18 octobre dernier, 100 experts indépendants ont adressé une lettre ouverte pour demander aux parties de la CCLAT d’inviter l’OMS à adopter une approche plus ouverte, basée sur la science en matière de réduction des risques liés aux tabac. Cette communication survient deux semaines avant l’ouverture de la conférence internationale sur le contrôle du tabac.

En préambule, les spécialistes demandent aux Parties de la CCLAT « d’encourager l’OMS à supporter et promouvoir l’inclusion de la réduction des méfaits du tabac dans la Convention-cadre de l’organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac ». En effet, les signataires de la lettre regrettent le manque de considération de l’organisation mondiale de la santé à l’égard du marché des alternatives à nicotine sans fumée, qui offre selon eux une voie prometteuse pour réduire les méfaits du tabagisme.

Par conséquent, les experts considèrent que l’OMS « tourne le dos à une stratégie de santé publique qui pourrait éviter des millions de décès liés au tabagisme », et dressent 7 points à analyser, avant de fournir des recommandations.

7 éléments clés pour une réduction des dommages causés par le tabagisme :

- Réduire les méfaits du tabac pour renforcer la santé publique

La lettre, s’appuyant sur un essai scientifique rédigé par la Société américaine pour la recherche sur la nicotine et la tabac (SRNT), plaide pour un rééquilibrage de la politique en matière de tabac afin d’exploiter les possibilités offertes par les produits à risque réduit (RRPs). Il est demandé aux gouvernements de « prêter attention et sensibiliser les fumeurs adultes au potentiel du vapotage ».

- L’apport des cigarettes électronique dans la réduction du tabagisme

Selon les signataires de la lettre, les résultats scientifiques démontrent de manière convaincante que les alternatives sans fumée supplantent le tabagisme. Les cigarettes électroniques semblent jouer un rôle majeur dans le sevrage tabagique. « Ces dispositifs électroniques à base de nicotine aident probablement les gens à arrêter de fumer pendant au moins six mois », déclarent les experts.

- Réduire les méfaits du tabac fumé répond aux objectifs de développement durable

Pour atteindre la cible 3.4 des objectifs de développement durable (ODD) visant à réduire d’un tiers, à l’horizon 2030, la mortalité prématurée due aux maladies non transmissibles (MNT), la lutte antitabac doit être une priorité pour les gouvernements du monde entier. Les spécialistes regrettent le retard accumulé par les nations dans la réalisation de cette cible. Pour eux, « les mesures de lutte antitabac les plus rapides combineraient la force motrice des mesures MPOWER avec l’offre d’une réponse comportementale plus simple pour la plupart des fumeurs : le passage du tabac conventionnel aux produits sans fumée ».

- Le tabac chauffé légitimé par les chiffres et les évaluations réglementaires

Selon une évaluation de la Food and Drug Administration (FDA) citée dans la lettre, le tabac chauffé est « approprié pour la protection de la santé publique. Divulguer au public que ce dispositif permet de réduire considérablement les expositions humaines aux substances toxiques est appropriée pour la promotion de la santé publique ».

Ajouté à cela, l’introduction du tabac chauffé au Japon montre une chute de 40% du volume de cigarettes conventionnelles vendus dans ce pays entre 2015 et 2020. Les porteurs de la lettre dénoncent l’absence de ces résultats dans le récent document de l’OMS pour la COP9 sur les produits du tabac nouveaux et émergents. L’OMS ne tiendrait donc pas compte du potentiel en matière de santé publique.

- Des décisions politiques qui renforcent involontairement le tabagisme

Les experts précisent que l’OMS « plaide régulièrement en faveur de l’interdiction pure et simple des alternatives sans fumée aux cigarettes conventionnelles ou de la réglementation et de la taxation des produits sans fumée équivalents aux cigarettes conventionnelles ».

Cependant, les 100 signataires estiment que ni l’un ni l’autre ne sont appropriés pour la santé publique. Cette approche serait même dangereuse dans le sens qu’elle constitue une protection réglementaire de facto du commerce des cigarettes traditionnelles, causant des dommages en perpétuant le tabagisme.

- Contextualiser l’utilisation des cigarettes électroniques par les adolescents

Les jeunes, en particulier les Américains, ont de plus en plus recours à la cigarette électronique. A raison, les décideurs politiques s’inquiètent de cette évolution. Une analyse des données américaines se veut cependant rassurante.

« Malgré l’augmentation de l’utilisation des cigarettes électroniques par les adolescents, il n’y a pas eu d’augmentation de la dépendance à la nicotine. Aux Etats-Unis, le déclin anormalement rapide du tabagisme chez les jeunes à coïncidé avec l’adoption du vapotage », peut-on lire dans la lettre ouverte. En conséquence, le vapotage est en train de supplanter la cigarette conventionnelle chez les adolescents et les fumeurs invétérés.

- La santé publique soutient la réduction des risques dans la lutte antitabac.

La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte contre le tabagisme reconnaît la réduction des risques comme une composante de la lutte antitabac. « Pour des millions de personnes qui luttent pour arrêter de fumer ou qui veulent continuer à consommer de la nicotine, ces produits représentent une voie supplémentaire importante pour échapper aux modes d’utilisation les plus mortels de la nicotine », indiquent les experts.

Cependant, selon l’OMS, ce concept de réduction des risques liés au tabac est une stratégie de l’industrie visant à saper la lutte antitabac. « Mais cela ignore le soutien substantiel des experts en faveur de la réduction des méfaits du tabac dans les domaines de la santé publique et de la lutte contre le tabagisme et l’expérience de millions de fumeurs qui ont réussi à changer de mode de vie », déplorent-ils.

Les recommandations des 100 spécialistes :

Après avoir listé les sept points, les 100 experts appellent les gouvernements à « adopter une approche plus interrogative et plus affirmée du plaidoyer de l'OMS en faveur des alternatives au tabagisme sans tabac » et à prendre les 6 mesures suivantes :

- Positionner la réduction des méfaits du tabac comme partie intégrante de la stratégie mondiale visant à atteindre les objectifs de développement durable en matière de santé

- Demander à l'analyse politique de l'OMS de procéder à une évaluation correcte des risques et des avantages de ces produits alternatifs à la cigarette conventionnelle

- Prendre en compte les conséquences involontaires, comme les augmentations potentielles du tabagisme, des décisions politiques au sujet des cigarettes sans fumée.

- Appliquer l'article. 5.3 de la CCLAT, afin de lutter contre les véritables abus de l’industrie du tabac, mais sans créer d'obstacle aux bénéfices de santé publique des produits à risque réduit (RRPs)

- Rendre les négociations de la CCLAT plus ouvertes aux parties prenantes (consommateurs, experts en santé publique, entreprises spécialisées) ayant des perspectives de réduction des risques.

- Lancer un examen indépendant de l'approche de l'OMS et de la CCLAT en matière de politique du tabac, à l'instar de ce qu'a fait le Groupe indépendant sur la préparation et la réponse aux pandémies (IPPPR) pour évaluer la réponse à la COVID-19.

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