Les oeuvres d’art, l’ISF et les entrepreneurs : Selon que vous serez puissant ou misérable…

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Par Sophie de Menthon Modifié le 29 octobre 2012 à 16h32

Ou bien l’ISF est un impôt juste et efficace car il fait payer les riches plus que les autres, mais alors on ne voit pas à quel titre les œuvres d’art en seraient exonérées. Ou bien il n’est que symbolique - comme le précisait le Président de la République - et là encore on ne voit pas en quoi les œuvres d’art n’en feraient pas partie car elles sont justement hautement symboliques. Mais comme l’ont fait observer probablement les collectionneurs proches du pouvoir, il faut prendre en compte les effets négatifs que cela engendrerait pour le patrimoine artistique national. C’est pour cela qu’il faut les sortir de l’ISF !

En décidant d’exonérer les œuvres d’art, le Premier Ministre a rendu un arbitrage difficile à comprendre. Les députés socialistes qui ont défendu leur intégration dans l’assiette de l’ISF avaient au moins le mérite de la logique et de l’honnêteté. Comme chacun sait, collectionner des œuvres d’art au point d’atteindre le niveau d’assujettissement à l’ISF, n’est pas une activité fortement répandue dans les classes moyennes !

Pourquoi ce qui est valable pour les œuvres d’art, ne l’est pas pour les patrimoines productifs ? Sortir les œuvres d’art de l’ISF ne fait donc qu’augmenter le gain d’opportunité accordé aux collectionneurs. Une « fenêtre fiscale » ! Une niche qui devient un chenil ! Voilà qui en tout cas ne va pas vraiment encourager l’investissement productif dans un pays dont les entreprises sont à genoux, ou encore l’investissement immobilier plus que nécessaire. Un Matisse plutôt que dix F3. A moins peut-être aussi, parce qu’on est incapable d’évaluer la valeur d’une œuvre d’art qui est extrêmement fluctuant : qui expertiserait ? Voilà une idée nouvelle pour recruter des fonctionnaires « artistiques » à Bercy !

Les services du Premier Ministre vont devoir convaincre que les emplois créés à Richelieu-Drouot aideront à résorber un chômage qui passe la barre des 3 millions. Une exception méprisante pour les entrepreneurs qui eux n’ont aucun échappatoire d’aucune sorte. Voilà le signe que les décisions prises par le pouvoir ne le sont pas sur la base d’une vraie stratégie économique, d’un cap clair et cohérent, mais bien en fonction de lobbies sectoriels. Ainsi on ne touche pas une virgule d’un accord social sans demander la permission aux syndicats de peur qu’ils ne bloquent les transports ou ne paralysent le pays... Mais on passe en force par exemple sur le mariage homosexuel, sans aucune concertation ni même une saisine du Comité d’éthique (alors même que la réforme met à bas tout le droit de la filiation depuis Napoléon). Tout simplement parce que les opposants au projet ne pèsent pas sur le pouvoir.


Quand on impose aux entrepreneurs des plus-values à 60%, c’est aussi parce qu’il y a peu de représailles politiques possibles. Le coup réussi par les « pigeons » révèle l’arbre qui cache la forêt. Pour arriver à faire coexister l’idéologie socialiste avec la réalité, le pouvoir s’est embringué dans une usine à gaz dont le véritable effet sera de renforcer le pouvoir discrétionnaire de l’administration sur les entrepreneurs talentueux. Ah ce goût français des montages les plus tortueux pour permettre de passer en dessous des radars tout en satisfaisant en apparence aux grands principes idéologiques de fausse justice sociale !

« L’impôt juste, c’est l’impôt payé par les autres » : disait Raymond Barre. C’est d’autant plus vrai que le pouvoir actuel accentue tous les défauts du système français : sanctuariser le secteur « protégé » et faire peser tout l’effort sur les contributeurs du système exposés, eux à tous les risques.

Puisque l’adhésion à l’Euro prive le gouvernement de la dévaluation et que la résorption des déficits et le remboursement des dettes ne peuvent plus disparaître par la magie de l’inflation : sus aux riches ! Parmi nos fantasmes d’impunité, il y a l’idée de contraindre le contribuable du Nord de l’Europe à payer les dettes et le coût abusif du « modèle » français. La bonne idée pour cela ce sont les euro-bonds, autrement dit la mutualisation des dettes de la zone euro. L’idée est la même : faire payer les autres.

A propos de « rentiers » qui sont dans les collimateurs de la loi de finances, pourquoi ne pas s’intéresser aux titulaires de rentes de situation comme le rappelle la reprise du recrutement de fonctionnaires assortie du leurre des 10 Md€ de réduction de dépenses ?

A ce jeu, les entrepreneurs sont les victimes désignées d’avance à tous les ressentiments, donc à tous les prélèvements. En France, il vaut mieux être fonctionnaire, collectionneur d’œuvres d’art ou sportif de haut niveau voire gagnant du loto… Tous ont en commun d’être passés maîtres dans la neutralisation de l’agression fiscale qui frappe le pays.

En France, la reconnaissance sociale est inversement proportionnelle à l’effort et au risque entrepreneurial. C’est à l’encontre de tout ce qui se passe partout ailleurs. Faible avec les forts, fort avec les faibles, le pouvoir politique français deviendrait-il le champion de l’absolutisme improductif ?

Alain Fabre Sophie de Menthon

Economiste Président du Mouvement ETHIC

Conseil financier d’entreprises Membre du CESE

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Sophie de Menthon est la présidente du mouvement patronal Ethic. Elle est également membre du conseil économique et social (CESE), et auteur de nombreux ouvrages pédagogiques ou de vulgarisation pour la jeunesse.    http://www.sophiedementhon.fr/

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