Taxer le foncier des GAFAM : une mesure qui séduit de plus en plus

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Par Rédaction Publié le 17 octobre 2019 à 19h14
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Alors que la taxe sur les surfaces commerciales ne s'applique pas aux géants du commerce en ligne, certains députés souhaitent que leurs entrepôts de stockage s'y soumettent, alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2020 vient de débuter.

Par choix ou sous la contrainte de la rue, qui voit la conscience verte citoyenne battre le pavé de plus en plus fréquemment, Emmanuel Macron et Édouard Philippe, mais également une grande partie des parlementaires, cherchent à verdir l'économie française. Alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2020 a débuté le 8 octobre dernier en commission des finances à l'Assemblée nationale, il est un sujet sur lequel tout ce petit monde pourrait plancher : celui de la fiscalité des géants du numérique.

« Dernier kilomètre »

À propos de celle-ci, Émilie Cariou, députée de la Meuse et nouvelle coordinatrice du groupe En Marche au sein de la commission des finances, a signé un amendement remarqué – avec notamment Matthieu Orphelin (député du Maine-et-Loire rattaché au groupe présidentiel) et Delphine Batho (députée des Deux-Sèvres et présidente de Génération écologie). Remarqué, non seulement parce qu'il veut soumettre les entrepôts et centres logistiques des géants du commerce numérique à la taxe sur les surfaces commerciales (dite « TASCOM ») que paient les hypers ou supermarchés. Mais également parce que pareille proposition avait déjà été faite dans le passé sans être adoptée.

Selon les auteurs de l'amendement, l'essor, ces dernières années, des entrepôts utilisés par les grands noms du e-commerce (ou commerce numérique), tels qu'Amazon par exemple, a entraîné une « artificialisation » des sols qui leur a permis de se soustraire habilement au règlement de la taxe. Celle-ci, pour rappel, selon la loi, « est due par les établissements commerciaux permanents, quels que soient les produits vendus au détail, situés en France (départements d'outre-mer compris), qui cumulent les caractéristiques suivantes » : un chiffre d'affaires annuel supérieur ou égal à 460.000 euros hors taxes ; une surface de vente dépassant les 400 mètres carrés.

Pour les députés, il s'agit là, ni plus ni moins, d'une inéquité fiscale absurde qu'il convient de gommer. D'autant plus que le tri, l'emballage des produits, la gestion des retours et le modèle du ‘‘dernier kilomètre’’ (être au plus près des consommateurs pour une livraison toujours plus rapide) nécessitant des centres de stockage et de triage locaux à proximité des grandes villes, sont fortement consommateurs de foncier. Ce qui sauve (pour l'instant) les géants de e-commerce ? Contrairement aux magasins « physiques », les consommateurs ne déambulent pas à travers les rayons – exigence requise par la loi pour qu'il y ait « achat » et donc « opération commerciale ».

Un rapporteur général adepte du temps long

Problème : si la nécessité de rééquilibrer la fiscalité fait consensus auprès de nombreux députés, le Rapporteur général de la commission des finances Joël Giraud ne semble pas vouloir accéder à leurs demandes. À rebours des pistes choisies par sa majorité politique, mais aussi un nombre important de députés de tous bords, ce dernier entend en effet temporiser, prétextant que l’Inspection générale des finances (IGF) doit remettre « prochainement » au gouvernement un rapport sur le sujet de la fiscalité numérique.

Une pusillanimité incompréhensible pour la plupart des députés, qui acceptent mal un nouveau report de la TASCOM, qui fait déjà l’objet d’ajournements successifs depuis deux ans. « Je regrette que l’on reporte encore ce débat que nous avons depuis la fin de l’année 2017 », explique Véronique Louwagie (LR) au média spécialisé Next INpact. « Tout le monde est d’accord pour constater qu’il y a un problème. Face à l’iniquité fiscale, notre devoir de parlementaires est de trouver des solutions et de légiférer. S’il n’y a pas de propositions idéales, il y a des corrections à apporter. ».

Même son de cloche du côté des députés socialistes, dont le Premier secrétaire du parti à la rose, Olivier Faure (Seine-et-Marne), George Pau-Langevin (Paris), Boris Vallaud (Landes) ou encore Luc Carvounas (Val-de-Marne), avaient signé au début du mois d'octobre un amendement allant dans ce sens. « Le commerce en ligne va à l'encontre de la lutte contre l'artificialisation des sols, le e-commerce requérant en moyenne 3 fois plus d'espace de stockage que la distribution traditionnelle », indiquaient-ils, tout en pointant du doigt « l'étalement urbain » des entrepôts de commerce en ligne.

Le député En Marche Benoit Potterie (Pas-de-Calais) y est également allé de son petit amendement. « À l'heure de l'émergence des géants du numérique, le commerce français, qui totalise aujourd'hui 47 milliards d'euros d'impôts et autres prélèvements, est sujet à une fiscalité obsolète, explique-t-il d'emblée. Reposant en grande partie sur le foncier, il ne peut rivaliser à armées égales avec ses concurrents. […] Les taxes locales, payées par les acteurs du commerce français, participent à l'aménagement du territoire dont bénéficient les "pure players" [les sites marchands type Amazon, ndlr] pour réaliser leur chiffre d'affaires ». Pourtant, souligne le député, « ces derniers n'y contribuent pas fiscalement ».

D'où la nécessité d'intégrer dans l'assiette fiscale (le montant qui sert de base au calcul d'un impôt) de la TASCOM les entrepôts de stockage de ces « pure players », « considérant qu'ils constituent le dernier maillon avant le consommateur et qu'ils réalisent à travers leurs entrepôts une véritable opération de vente commerciale, à l'image des magasins physiques », estime Benoit Potterie. Un rééquilibrage fiscal entre géants du numérique et commerces physiques serait bénéfique à triple titre, puisqu'il permettrait aux enseignes françaises de « rivaliser avec [leurs] concurrents », tout en accroissant les recettes fiscales de collectivités publiques. Ces dernières pourraient s'en servir, par exemple, pour réaménager, en le verdissant, l'urbanisme, ou rééquilibrer, là aussi, certaines inégalités sociales.

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