La taxe Tobin est un « énorme risque » pour le gouverneur de la Banque de France

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Par JOL Press Publié le 29 octobre 2013 à 13h13

Alors qu’un projet de taxation des transactions financières a été proposé par la Commission européenne, la taxe continue de susciter le débat. Cette fois, c’est Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, qui met en garde contre l’application d’une telle mesure. La fameuse taxe Tobin ferait courir, selon lui, "un énorme risque aux pays qui l’appliqueraient."

C’est une figure majeure du secteur qui fait part de ses réserves quant à la taxe sur les transactions financières. Le gouverneur de la Banque de France et membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), Christian Noyer, a fait savoir son désaccord sur le projet proposé par la Commission européenne et indiqué qu’il était souhaitable qu'il soit « entièrement revu. »

La naissance du l’idée d’une taxe sur les transactions financières

L’idée d’une telle taxe nous vient de l’économiste libéral américain James Tobin. Ce dernier la présente en 1972, lors d’une conférence organisée à l’université de Princeton. Le prix Nobel d’économie 1981 souligne le fait que l’application d’une telle mesure permettrait de « jeter quelques grains de sable dans les rouages de la finance internationale. » En soi, il s’agissait de décourager la spéculation à très court terme et donc d'assurer une plus grande stabilité des marchés financiers. Ce résultat pouvait être obtenu même avec un taux extrêmement faible, Tobin l’ayant imaginé à l’origine compris entre 0,05 % et 0,2 %.

Il est important de bien resituer le contexte économique de l’époque pour comprendre le sens de la mesure proposée par l’économiste américain. En 1971, Robert Nixon met, de fait, fin au système de Bretton Woods, en abolissant la convertibilité du dollar en or. Ce système monétaire avait permis jusqu’alors de garantir une relative stabilité économique.

Un précédent suédois peu encourageant

Une première expérience de ce type a été faite en Suède en 1984. Le pays instaure une taxation à hauteur de 0,5 % des transactions effectuées sur le marché des actions. Deux ans plus tard, en 1986, le taux est doublé et la taxe étendue aux obligations.

Le résultat est loin d’être convaincant. Les revenus générés ne sont pas à la hauteur, les capitaux ayant fui le pays vers d’autres places boursières. En 1990, la taxe est même abandonnée par le gouvernement suédois.

Une histoire chaotique en France

L’histoire de cette taxe « Tobin » a été pour le moins tumultueuse en France. Elle est tout d’abord évoquée par François Mitterrand en 1995, puis reprise la même année par Lionel jospin lors de la présidentielle. Ce dernier étant battu par Jacques Chirac, la mesure est provisoirement abandonnée.

En 1997, lorsque Lionel Jospin devient Premier ministre, il était logique de considérer que la taxe allait connaître une nouvelle actualité. Pourtant, il n’en sera rien, Dominique Strauss-Kahn, ministre des Finances à l’époque, s’étant prononcé contre.

Lors de la présidentielle de 2002, elle est à nouveau évoquée par Lionel Jospin, puis oubliée suite à la défaite de ce dernier.

La crise financière a naturellement conduit la taxe Tobin à retrouver le devant de scène. Elle est fortement défendue par Nicolas Sarkozy en 2011, qui déclare alors : « Une taxe sur les transactions financières est techniquement possible, financièrement indispensable, moralement incontournable. » Mais devant la résistance de nombreux pays dont la Chine et les Etats-Unis, et donc l’impossibilité qu’elle soit généralisée au niveau mondial, la taxe n’entre pas en vigueur.

Le projet proposé par Bruxelles en ligne de mire

Une nouvelle fois, la taxe sur les transactions financières semble pouvoir être appliquée, onze pays s’étant prononcés pour. La Commission européenne a présenté en ce sens un projet qui pourrait rapporter jusqu’à 35 milliards d’euros par an.

Pour Christian Noyer, ce projet représente « un risque énorme en termes de réduction de la production là où la taxe s'appliquera, de hausse du coût du capital pour les Etats et les entreprises, de délocalisation importante des activités de trading et de baisse de la liquidité des marché. » Toujours dans les colonnes du Financial Times, il précise : « Le projet de la Commission n'est pas viable et doit être entièrement revu. »

La critique du gouverneur de la Banque de France se poursuit : « Je ne pense pas que cela ait été à un quelconque moment l'intention du gouvernement français de faire quelque chose qui déclencherait la destruction de pans entiers de l'industrie financière française, provoquerait une délocalisation massive d'emplois et porterait atteinte globalement à la reprise. »

On peut aisément comprendre les doutes de Christian Noyer, car tant que les capitaux auront la possibilité de fuir vers d’autres pays, et donc que la taxe ne sera pas généralisée, il sera très dangereux de la mettre en place de manière locale.

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