Financer la Tech, un impératif patriotique

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Par Euryale Chatelard Modifié le 6 février 2020 à 8h17
Consultation Internet Smartphone
80%En Russie, 80% des achats en ligne se font sur mobile.

La France doit miser sur ses start-up technologiques si elle entend ne pas se laisser distancer par les géants chinois ou américains. Les acteurs traditionnels, comme les nouveaux arrivants, doivent dépasser leurs craintes et rechercher les synergies.

En 2020, où se situe l'eldorado digital ? Si la révolution numérique est, à n'en pas douter, née aux Etats-Unis, au cœur de la Silicon Valley, il se pourrait bien que l'avenir du secteur se joue désormais à l'Est : en Chine, bien évidemment, ou encore en Inde, les deux pays-continents s'imposant comme de véritables pouponnières d'entreprises porteuses d'innovation ; mais aussi en Russie, où le secteur digital est porté par un certain nombre de facteurs favorables.

A commencer par le développement de l'e-commerce, qui devrait doubler au cours des prochaines années ; mais aussi du mobile, par lequel passent 80% des achats en ligne effectués par les consommateurs russes ; ou encore par la digitalisation intensive de l'infrastructure logistique et des paiements. Les start-up françaises et PME de la tech ne s'y trompent pas, elles qui a l'image de Criteo, Linagora ou News Republic sont plus d'une trentaine à miser sur la Russie.

En France comme ailleurs, « le futur va dépendre des start-up »

Et la France ? Notre pays peut-il rivaliser avec ces géants mondiaux ? A-t-il une carte à jouer dans cette féroce compétition globale pour devenir le champion numérique de demain ? La réponse est oui, trois fois oui : sur le plan économique, la France met, singulièrement depuis l'élection d'Emmanuel Macron, en effet tout en œuvre pour favoriser l'émergence de start-up capables de rivaliser avec les meilleures pépites internationales.

A raison, car « le futur va dépendre des start-up, estime dans Les Echos l'ex-patron de Cisco et ambassadeur de la French Tech John Chambers, que ce soit pour l'innovation, la création d'emplois ou la croissance économique. (…) Comme la numérisation et l'automatisation vont (…) détruire de 20% à 40% des postes, il faut que le moteur des start-up tourne à plein régime (…) pour générer des emplois ». Et ce, en dépit des résistances et corporatismes freinant parfois cette inévitable transformation.

Le cinéma français fait de la résistance

Des résistances et corporatismes, il n'en a pas manqué au sein du pays qui compte le plus de salles de cinéma par habitant. Longtemps, le cinéma français s'est opposé à Netflix, dont les productions sortent directement sur sa plateforme sans passer par les salles obscures. Une véritable hérésie pour les professionnels du secteur, qui oublient un peu vite que l'entreprise américaine est désormais l'un des seuls producteurs à laisser sa chance au cinéma indépendant, ou encore à des chefs d'oeuvres comme The Irishman, de Martin Scorsese, refusé par Hollywood.

Diaboliser Netlfix s'avère en effet contreproductif, et revient à nier les évolutions des habitudes des spectateurs. Non, Netflix et consort ne « tuent » pas le cinéma : c'est ce qu'a reconnu la toute puissante Motion Picture Association of America (MPAA), alors que jamais les Américains n'ont autant fréquenté les salles de cinéma. Et en France, il est tout à fait envisageable que Netflix produise un jour des films que les exploitants de salles diffuseraient, comme cela est d'ailleurs envisagé dans la future loi sur l'audiovisuel. De nouvelles alliances et nouveaux modèles sont possibles : il suffit de s'en emparer.

Quand les LegalTech bousculent le secteur du droit

Le monde du droit, quant à lui, est chahuté par l'émergence des LegalTech, ces nouveaux services démocratisant l'accès au système judiciaire, et ce au bénéfice tant des professionnels du droit que des entreprises ou des simples justiciables que nous sommes tous. Aux Etats-Unis, Bloomberg Law, dirigée par Greg McCaffery, fournit une plateforme complète de services juridiques depuis plusieurs années aux entreprises. Quant à James C. Smith, le CEO de Thomson Reuters, il multiplie les investissements et les acquisitions dans ce secteur. En France, de nombreuses startups – réunies, pour certaines, au sein de la French Legal Tech (FLT) – se développent, et associent Big Data et intelligence artificielle (IA) afin de faciliter l'usage du Droit et son ouverture au plus grand nombre.

Dépasser la peur du numérique

Ces Google du droit français, à l'image de Dotrine.fr, offrent de nouvelles opportunités permettant d'accroître la visibilité et la notoriété des juristes. Et, surtout, de surmonter la défiance grandissante des citoyens envers une justice perçue comme lente et peu efficace : en témoigne le débat ouvert par l’actrice Adèle Haenel sur la capacité d’action de la justice française face aux violences sexuelles faites aux femmes. Un collectif d'avocats rappelle que « la justice est rendue publiquement » et donc qu’« il faut pouvoir publier ces décisions sur Internet », d'innombrables « justiciables (renonçant) à exercer un recours avant même d'y réfléchir, sur la base d'une méconnaissance de la réalité ».

« C'est pourquoi, concluent les signataires, nous sommes favorables à ce que les citoyens puissent nous connaître, dans tous les domaines où nous pouvons intervenir. Au-delà de la visibilité de notre profession, c'est un enjeu de démocratie ».

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Entrepreneuse spécialisée dans le digital, elle est Directrice générale d'Ecritel Russie et Fondatrice d'Opal-Agency. Elle a vécu aux Etats-Unis, en Grèce, en Chine et vit à présent à Moscou.

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