Le temps de l’incertitude, puis celui de l’attentisme

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 26 juin 2019 à 11h25
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L’incertitude sur le front de la politique fait son œuvre au niveau de l’économie. Le ralentissement s’installe. Au point que la dynamique du marché de l’emploi américain pourrait s’essouffler. La Fed trouvera ici une raison de plus pour agir. Vers une baisse du taux directeur aux Etats-Unis à la fin juillet ? Quelle en sera l’ampleur ?

Comment les relations sino-américaines vont-elles évoluer ?

N’est-ce pas l’Ecclésiaste 3 qui rappelle qu’il y a un temps pour semer et un temps pour récolter ? Eh bien, sur les marchés, il y a eu un temps pour les questions et il y a maintenant le temps de l’attente des réponses. Un attentisme, empreint de prudence, se met en place. De fait, c’est vendredi et samedi prochains que se tiendra à Osaka le Sommet du G20, au cours duquel les Présidents Trump et Xi doivent se rencontrer ? Comment les relations sino-américaines vont-elles évoluer ? Avec quelles conséquences sur l’économie mondiale ? Une économie mondiale, dont on scrute les pulsations : est-elle vraiment en train de ralentir ? Si oui, avec quelle ampleur ? Dans ce cas, que vont faire les banques centrales et d’abord la Fed, qui réunira son comité de politique monétaire le 31 juillet (en n’oubliant pas le Conseil des gouverneurs de la BCE, le 25 du même mois) ?

Américains et Chinois se sont employés à calibrer les anticipations en matière de résultats de la rencontre entre leurs chefs d’Etat respectifs. On comprend que les deux partis n’iront pas à la rupture, tout en n’enregistrant aucun progrès significatif dans les négociations en cours. Le temps de la résolution, sous une forme ou une autre, des problèmes soulevés de part et d’autre n’est simplement pas venu. Au marché de devoir faire avec ; l’incertitude est là pour durer. Bien sûr, avec une psychologie ainsi calibrée, toute avancée un tant soit peu positive ne pourra qu’être reçue positivement. Un « coup de chapeau » sur le prix des actifs risqués en résulterait. Il nous semble pourtant que la trajectoire est bien à une négociation qui dure, avec d’inévitables phases de progrès et de blocage (voire de régression).

La faiblesse observée dans le secteur manufacturier commence à s’élargir à celui des services

Si le scénario central est bien celui-ci, quelles en seront les conséquences sur l’activité économique ? Incertitude politique et attentisme dans les projets d’investissement ou d’embauche doivent aller de pair. Qu’observe-ton à l’heure actuelle ? La publication de la première estimation des PMIs de juin pour un certain nombre de pays ou de zones (Etats-Unis, Zone Euro et japon), permet de se faire un début d’idée sur le profil le plus récent de la croissance mondiale. Deux choses ressortent. D’abord, le momentum se serait stabilisé de mai à juin. Cela conforte l’idée d’un ralentissement de l’activité entre les premier et deuxième trimestres de l’année en cours et cela suggère une poursuite de la tendance au cours de l’été. Ensuite, et même si une confirmation est nécessaire, il apparaît que la faiblesse observée dans le secteur manufacturier commence à s’élargir à celui des services. Autrement dit, le moindre dynamisme des exportations s’étendrait à la demande intérieure. La liaison prenant la forme d’un ralentissement de l’investissement et des créations d’emplois.

La baisse inattendue de la confiance des ménages américains pour le mois en cours renforce cette impression. Elle a chuté de près de 10 points par rapport à mai. Il s’agit du plus fort repli depuis 2015. Il faut particulièrement noter l’impression exprimée d’une plus grande difficulté à trouver un emploi. Simple épiphénomène ou début d’une inflexion durable et marquée ? On ne sait évidemment pas répondre ; mais le point est d’importance et donc à suivre de près. L’économie américaine va-t-elle enregistrer au cours des prochains mois et trimestres une détente sur le marché du travail ? Si oui, la banque centrale n’y serait pas indifférente.

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Puisqu’on évoque la Fed, parlons-en ! Le Président du Board s’est exprimé hier devant un Think tank. Il semble que l’objet recherché de l’intervention était de modeler les anticipations de baisse du taux directeur. Le principal changement opéré est le suivant, en sachant que le marché continue d’attribuer une probabilité de 100% à la perspective d’une réduction lors du comité de politique monétaire du 31 juillet : avant-hier, l’équilibre était 62% pour un geste de 25 centimes et 38% pour un de 50 centimes ; ce matin, la balance est de 76% contre 24%. Pourquoi ce rééquilibrage ? Sans doute avant tout au titre d’une petite phrase, pointant qu’il vaut mieux « une once de prévention qu’une livre de guérison ». Face à un choc d’incertitude, la rapidité dans la réponse apportée est une bonne chose. Reste la question du bon dosage : léger ou plus conséquent ? Powell propose une réponse. Je ne suis pas convaincu que cela soit la plus appropriée. Mais il a reçu l’appui de James Bullard, le Président du district de Saint Louis. Malgré une réputation de super-dove, il considère que 25 centimes est plus indiqué que 50 centimes. Alors !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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