Tiers-payant généralisé : impact et influences

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Par Ezeckiel Botbol Publié le 6 août 2017 à 5h01
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215 583Selon le Conseil national de l'ordre des médecins, la France compte aujourd'hui 215 583 médecins.

A travers la généralisation du tiers-payant, le système de santé français risque de subir des modifications majeures. Problème : ces changements sont masqués par de grands slogans et des évidences aveugles, mais que se cache-t-il derrière cette mesure ?

C’est quoi au juste, le tiers-payant ?

Mesure phare de l’ex-ministre de la santé Marisol Touraine, le tiers-payant généralisé est un dispositif censé dispenser les patients d'avancer les frais remboursés par l’assurance maladie obligatoire (AMO).

Cette mesure devait initialement s'étendre à la part dite « complémentaire » (AMC pour assurance maladie complémentaire), cependant dans sa décision du 21 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a supprimé l’obligation du tiers-payant sur la part complémentaire, mettant ainsi fin à l’obligation d’un tiers-payant intégral. À ce stade cette option n’est pas encore écartée.

L’objectif annoncé par le gouvernement Macron est de diminuer « le refus de soins lié au coût du traitement ».

Le tiers-payant sur l’AMO : une mesure plutôt symbolique…

À titre d’exemple, le paiement d’une consultation s’élèvera pour le patient à 6,90 euros au lieu de 23 euros (70 % étant payé directement au médecin par la Sécurité sociale). Raisonnablement ce n’est pas ce genre de montants qui empêcherait les patients à venir consulter.

Les actes dissuadant les patients sont ceux à dépassements d’honoraires or, la prise en charge de la Sécurité sociale ne varie pas quels que soient les honoraires demandés. Pour une couronne dentaire, le remboursement de la Sécurité sociale est de 75,25 euros, qu’elle soit facturée à 300 euros ou à 800 euros.

Ce n’est donc pas de cette manière que les patients seront bénéficiaires du tiers-payant généralisé, et ironie du sort, cette mesure met seulement en exergue le déremboursement qu’à opéré l’État en refusant d’estimer à leur juste valeur les soins prothétiques au fil des années.

Toutefois, il pourrait être avantageux pour le patient de ne pas avancer la part obligatoire dans le cas où de nombreux « soins conservateurs » (aux honoraires fixes) sont nécessaires. Mais quelles en sont les conséquences ?

Les conséquences réelles : du travail en plus et une hallucination collective !

Il revient au docteur de vérifier s’il a bel et bien été réglé, une étape de plus pour nombre de médecins et dentistes qui croulent déjà sous le labeur administratif, du temps médical est ainsi ôté et les premiers à en pâtir seront les patients et les soignants, particulièrement en zones rurales où les délais d'attente sont déjà importants.

Par ailleurs, en évitant d’avancer les frais, l’amalgame est rapidement opéré dans l’esprit du patient : « si je ne paie pas, c’est que c’est gratuit » , or le coût de la santé a un prix ! Et plusieurs répercussions sont générées par cette illusion :

D’abord, le mépris du travail du professionnel de santé, car quoi que l’on dise, un merci n’est pas suffisant quand il s’agit de « valoriser » un travail. Par exemple, pour de nombreux praticiens les bénéficiaires de la CMU honorent moins leurs rendez-vous, et bien que de nombreux facteurs puissent expliquer cette disproportion, indubitablement, un patient qui ne paie rien ne peut estimer un service à sa juste valeur.

Science sans conscience… et sans confiance…

Ensuite, le désintérêt pour le patient de son propre traitement : une fois dévalorisé, il ne peut être pris au sérieux. Étant en général l’acteur principal de sa bonne santé, le patient doit prendre conscience de la nécessité de son traitement, du suivi et de la maintenance (ne serait-ce par un brossage biquotidien). Le raisonnement (conscient ou non) est : si le soin est « gratuit » ou presque, pourquoi en « prendre soin » ? Il suffit de retourner chez le Docteur en cas de pépin.

Le dernier aspect est financier : les médecins et dentistes doivent avoir confiance en la Sécurité sociale pour le règlement de leurs honoraires, or cette dernière semble avoir disparu depuis quelques années.

Que dire alors si le tiers-payant était étendu aux mutuelles (tiers-payant intégral), dont les objectifs sont bien différents de ceux des soignants. Elles pourraient exiger une certaine orientation thérapeutique pour que le patient puisse être pris en charge ou exiger que le traitement soit effectué par certains praticiens: les patients perdraient (indirectement) le libre de choix de traitement et de praticien !

Une mesure qui peut porter ses fruits

Il ne faut toutefois pas négliger la possibilité effective d’un impact de cette mesure sur la population. Bien qu’en réalité la relation entre les deux parties sera biaisée, la médiatisation de la loi peut amener un individu à consulter en pensant être le bénéficiaire de ce changement, et en quelque sorte l’objectif gouvernemental aura été atteint.

D’autres part, en ne « payant rien » ou peu, bercés par l’illusion, certains patients ont tendance à revenir davantage. On entretient donc le mirage du « tout-gratuit » et on déresponsabilise le patient sur le coût de la santé pour la Sécurité sociale et pour lui-même mais on augmente le nombre de prises en charge. De plus, certains praticiens en difficulté de patientèle pourraient même être avantagés… reste la question du choix : quelle santé voulons-nous pour demain ?

Une santé durable, fiable et fidèle, responsabilisante et réaliste, ou l’illusion d’une « santé gratuite pour tous » dont le prix à payer est quelque fois le désintérêt et l’ingratitude mais aussi à long terme une précarisation des soins et des soignants.

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Ezeckiel Botbol est un jeune chirurgien-dentiste diplômé de l’Université de Strasbourg. Détenteur d’une licence en philosophie il partage son temps entre sa famille et ses deux passions.

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