Tiers-payant généralisé : les généralistes déjà à bout

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Par Patrick Crasnier Publié le 16 juillet 2016 à 5h00
Tiers Payant Generalise Medecins Generalistes
6,5 %Entre 2007 et 2014, le nombre de généralistes a chuté de 6,5 %.

Pendant que notre président s’apprête a fêter le 14 Juillet et nous faire des annonces électoralistes. Pendant qu’il se fait coiffer à près de 10 000 euros par mois. Les quelques médecins libéraux qui restent encore sur notre territoire n’en peuvent déjà plus, ce n’est pourtant que le début.

Le tiers payant, une des dispositions de la loi santé refusée en bloc par les médecins libéraux, retoquée par le conseil constitutionnel, se met en place envers et contre tout. Insidieusement, la CPAM s’est organisée pour que cette disposition devienne incontournable malgré le refus, « en force » des médecins, logiciels médicaux changés en amont par les sociétés de logiciels sur injonction de l’état, entre autre. Je vais essayer dans cet article d’y voir plus clair et surtout de comprendre les enjeux de cette affaire de « la carte forcée »

Marisol Touraine a fait de ce tiers payant généralisé son cheval de bataille, usant d’arguments plus que spécieux pour expliquer ses motivations. L’accès aux soins gratuits pour tous (sic) la facilité pour tous d’aller voir son médecin, et surtout la grande idéologie du tout gratuit (en apparence) des socialistes.

Côté médecins libéraux le refus est total et ils s’en expliquent aussi. Tout d’abord le tiers payant existe et il est pratiqué depuis longtemps pour les personnes en difficultés, pas besoin d’en rajouter. Le fait de créer cet « appel d’air » chez tous les patients va augmenter considérablement le nombre des consultations inutiles « puisque c’est gratuit » Mais l’argument majeur est bien plus grave, en installant ce système de « non paiement » de l’acte l’état rend les médecins dépendants totalement et financièrement de la sécurité sociale. Nous avons déjà de très nombreux exemples de personnel soignant qui s’est vu récupérer de soi- disant indus sur l’argent qui devait leur être payé, certaines affaires ont même été l’objet de procès perdus par la CPAM. Un rapport de subordination total qui, à terme, empêchera les médecins de soigner en toute déontologie mais seulement avec comme objectif l’argent et l’obéissance aux assurances. Toutes les preuves de ces dérives existent, les professions médicales qui sont contraintes au tiers payant le savent. On peut estimer au bas mot que plus de 10% du chiffre d’affaires est perdu par non paiement et tracasseries administratives du fait de ce tiers payant.

Les médecins libéraux se battent pour leur liberté de soigner (c’est à dire pour leur patients) ils se battent aussi pour être payés légitimement de leurs honoraires sans être obligés d’effectuer un travail kafkaïen de recouvrement. Aujourd’hui ce n’est que le début mais c’est déjà au bord de l’explosion tant ce système est inutilisable et ses méandres insolubles. Depuis le premier juillet ont été ajoutés au tiers payant (conseillé mais pas encore obligatoire) les ALD (affections de longue durée) et les femmes enceintes. Notons que les ALD bénéficiaient déjà de ce tiers payant très souvent, en ce qui concerne uniquement leur pathologie ayant nécessité la reconnaissance ALD, sans aucun problème. Rien de nouveau donc si ce n’est un effet d’annonce politique sans intérêt.

Les médecins n’ont pas changé leur position, dans certains cas ils ont toujours fait le tiers payant (et même selon leur déontologie des consultations gratuites) mais ils refusent cette systématisation qui leur est impossible à gérer. Les problèmes commencent à se multiplier dans les cabinets libéraux alors que nous n’en sommes qu’au début. Le nombre de personnes couvertes par la CMU mais qui arrivent en consultation sans aucun papier ni aucune carte sésame vitale est impressionnant. Bien sur la sécurité sociale ne fait pas son travail correctement en mettant plus de six mois pour renouveler ou délivrer une carte, ce n’est pas une raison. Ce n’est surtout pas au médecin d’en faire les frais alors que c’est ce qui se passe. Le médecin face à un patient comme celui là a toujours le recours de faire une feuille de maladie, a condition que le patient ait réellement la couverture qu’il affirme (aucun moyen de contrôle) Mais s’il fait cette feuille, il doit souvent l’écrire, l’envoyer pour être payé (s’il l’est) ce qui lui coûte du temps les timbres etc.

Le pire maintenant ce sont les patients appelés ACS qui bénéficient de la sécurité sociale comme les CMU mais avec en plus une couverture mutuelle. Là encore c’est à la fin de la consultation que les patients sans carte en informent le médecin et ajoutent « nous ne payons pas c’est notre droit » Dans ce cas le médecin, s’il en à la possibilité, doit là encore écrire une feuille de maladie, mais aussi photocopier les éléments de la mutuelle (si le patient a ses papiers sur lui) envoyer la feuille de soins a la CPAM (un timbre) puis trouver la mutuelle en question, chercher dans leurs méandres administratifs a qui envoyer le dossier pour recevoir le complément de la sécurité sociale. Bien sur il faudra aussi photocopier la feuille de soins pour la mutuelle sans aucune certitude que quelqu’un paiera un jour, on ne sait quand.

Comme on peut le voir pour récupérer le complément du montant de la sécurité sociale, environ 7 euros, le travail pour être payé, les correspondances, coups de téléphone, timbres coutent plus que les sommes à recouvrer. On peut même penser que l’état et les assurances privées comptent là-dessus pour gagner de l’argent. Le conseil constitutionnel a retoqué ces dispositions en particulier sur la part revenant aux remboursements des mutuelles car « trop compliqué » Marisol Touraine s’en fiche, elle compte passer en force.

Aujourd’hui plus de 450 mutuelles auprès de qui les médecins vont être obligés de courir, d’attendre d’être payés quelquefois plusieurs semaines, sans moyen de contrôle. Rappelons quand même que leur charges sociales sont prélevées automatiquement a date fixe, si pas approvisionnés c’est immédiatement 10% de pénalités qui sont appliquées, pour les impôts aussi. Bien sur ils doivent aussi payer leur loyer, leur électricité du cabinet et tout ce qui est nécessaire au fonctionnement médical et cela comptant. J’ajoute qu’ils doivent aussi payer leur coiffeur et aux prix pratiqués aujourd’hui !!!!!

Voila donc le quotidien des médecins alors que seule votre santé doit rester le centre de leur préoccupation, il ne sont plus sereins, ils angoissent a l’idée de l’avenir et sont bien impuissant devant tant de mépris. Imaginez un salarié a qui on dirait vous serez payé on ne sait pas quand ! on ne sait pas combien ! et si nous voulons nous ne vous paieront pas !

Jamais un médecin refusera de vous soigner même si tout ce que je viens de décrire devrait les conduire a cela. Leur honneur de médecin, le serment d’Hippocrate qui est aussi leur base de fonctionnement, leur déontologie, en sont le garant.
C’est bien sur ce respect de leur art et leur sérieux que le ministère de la santé compte pour imposer tout ce qu’il veut. Ils savent que pour le médecin libéral soigner passera avant tout et c’est la grandeur de leur profession.

Pourtant les banques sont en train de se « mettre sur ce créneau » juteux, proposant des cartes bancaires d’avance de soins, pour faire entrer la médecine libérale dans le carcan. Sachez que pour les accepter le médecin devra avoir un terminal carte bancaire, les frais occasionnés par ce moyen de paiement sont d’environ 3% du prix de la consultation. Impossible à un cabinet libéral dont le prix de consultation est si bas d’assumer ces frais en plus. Ou alors tous les médecins devront facturer aux patients des dépassements d’honoraires systématiques « appelés frais de paiement de la consultation » Et là vous verrez que l’état leur interdira.

C’est a nous patient de les aider en leur montrant que toutes ces « obligations administratives » nous nous en fichons, l’important devant rester la qualité du tissus de médecine libérale, reconnu par tous et indispensable a la santé en France. Refusons nous aussi le tiers payant chez le médecin, n’aidons pas l’état à tuer la médecine libérale.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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