Les titres-restaurant : un avantage gagnant-gagnant

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Par Déborah Attali et Paul Boussicault Publié le 1 avril 2021 à 6h30
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60%Si l'employeur opte pour une contribution patronale de 60%, cela correspondra à un titre-restaurant d'une valeur maximale de 9,25 euros.

Les titres-restaurants figurent parmi les avantages les plus fréquemment octroyés par les entreprises aux salariés et répondent à un objet clairement identifié: participer au financement de la restauration des salariés pendant leurs journées de travail.

Leur succès tient principalement au fait que l'octroi de ce titre est avantageux tant pour les employeurs, dont la participation bénéficie d'exonérations fiscales (notamment la taxe sur les salaires) et sociales, que pour les salariés qui voient ainsi une partie de leur coûts de restauration pris en charge par l'employeur.

Toutefois, leur octroi et utilisation font l'objet d'un encadrement juridique strict qui peut constituer un véritable chausse-trappe pour l'employeur.

Les bénéficiaires des titres-restaurants

Par principe, l'attribution de titres-restaurant est facultative, aucune disposition légale ne contraignant l'employeur à mettre en place un tel avantage. Toutefois, il peut volontairement décider de le faire via l'adoption d'une décision unilatérale ou encore la signature d'un accord collectif.

Ainsi, l'employeur dispose d'une très grande latitude tant sur le principe de la mise en place des titres-restaurant que quant à la définition des salariés qui en seront bénéficiaires.

Si l'ensemble des salariés ou encore les stagiaires dans une situation comparable peuvent se voir octroyer des titres-restaurant, rien n'interdit à l'employeur de fixer des critères restrictifs permettant de délimiter les bénéficiaires, pour autant que ces critères soient objectifs et exclusifs de toute discrimination prohibée.

A titre d'exemple, l'employeur pourra limiter l'attribution des titres-restaurant aux salariés ayant une ancienneté donnée, ou encore aux salariés dont le domicile est à une distance minimale. Il peut également s'agir de catégories professionnelles qui, en raison de leurs conditions de travail particulières, se voient octroyer de tels titres.

En tout état de cause, des salariés dans une situation comparable doivent être traités de façon comparable au regard de l'octroi d'un tel avantage.

Cette question a d'ailleurs connu une actualité récente concernant la situation particulière des télétravailleurs.

Depuis désormais plus d'un an, la crise sanitaire a bousculé les conditions de travail des salariés en France via un très fort développement du télétravail.

S'est posée naturellement la question de la possibilité de réserver l'octroi des titres-restaurant aux salariés travaillant au sein des locaux de l'entreprise et d'en exclure les salariés en télétravail pouvant se restaurer à leur domicile.

C'est la question qu'est venu trancher le tribunal judiciaire de Nanterre dans un jugement récent en date du 10 mars 2021 (Tribunal judiciaire de Nanterre, 10 mars 2021, n°20/09616).

Il faut rappeler que les télétravailleurs doivent bénéficier des mêmes droits et avantages que tout autre salarié travaillant dans les locaux de l'entreprise et se trouvant dans une situation comparable.

Le Tribunal Judiciaire questionne dans cette décision ce qu'il faut entendre par situation comparable vis-à-vis de l'attribution de titres-restaurant. En l'occurrence, il a considéré que « l'objectif poursuivi par l'employeur en finançant ces titres de paiement en tout ou partie, est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l'impossibilité de prendre leur repas à leur domicile ».

Dès lors, les télétravailleurs pouvant prendre leur repas à domicile, le tribunal considère que les télétravailleurs et ne sont pas dans une situation comparable à celle des salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise, de sorte qu'ils pourraient être privés de titres-restaurant.

Dans la mesure où il ne s'agit pas d'une jurisprudence clairement établie et où il ne s'agit en l'occurrence que d'une décision de première instance, il est nécessaire de l'interpréter avec précaution. Une juridiction de plus haut degré pourrait parfaitement retenir une analyse différente sur cette question précise, le jugement ayant d'ailleurs fait l'objet d'un appel. De plus, cette analyse semble contraire à celle adoptée par l'administration. Il est donc urgent d'attendre la position de la Cour d'appel et, éventuellement, de la cour de cassation sur le sujet.

Sur un autre plan, il faut également garder à l'esprit que tous les salariés qui prennent un repas pendant l'horaire de travail peuvent bénéficier des titres-restaurant.

C'est la raison pour laquelle les salariés à temps partiel peuvent également bénéficier de titres-restaurant dès lors que leur horaire de travail est entrecoupé d'une pause repas. Il s'agit donc de n'octroyer des titres-restaurant que lorsque le salarié doit effectivement se restaurer pendant son travail.

A l'inverse, les salariés absents ne bénéficient pas des titres-restaurant pour les jours d'absence (congés payés, maladie…).

Le salarié ne peut, en tout état de cause, recevoir qu'un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier.

Le financement et le montant des titres-restaurant

Aucun texte légal ne prévoit précisément la valeur des titres, l'employeur disposant, là encore, d'une très grande latitude.

Toutefois, en pratique, l'employeur limite le montant et le pourcentage de sa contribution aux titres-restaurant à raison des plafonds d'exonérations notamment de cotisations sociales et de contributions sociales. C'est alors en considération de ce plafond d'exonération qu'il fixera la valeur des titres.

En effet, afin de bénéficier d'une exonération de cotisations et contributions sociales, l'employeur devra prendre en charge entre 50% et 60% de la valeur du titre dans la limite d'un certain montant (5,55 euros par titre en 2021).

Dès lors, si l'employeur opte pour une contribution patronale de 60%, cela correspondra à un titre-restaurant d'une valeur maximale de 9,25 euros et de 11,10 euros pour une contribution patronale de 50%.

A défaut, s'il dépasse ces seuils d'exonération, l'employeur paiera des cotisations et contributions sociales sur la part excédante.

Le salarié prend lui en charge entre 40% et 50% de la valeur du titre-restaurant en fonction de la part prise en charge par l'employeur.

L'émission des titres-restaurant

Les titres-restaurant peuvent être émis:

  • soit par les entreprises elles-mêmes pour leur propre compte. Cette émission est prise en charge soit par l'employeur soit par le comité social et économique. Toutefois, en pratique cette option n'est plus utilisée de sorte que son abandon est actuellement envisagé;
  • soit par des entreprises spécialisées dans l'émission de titres-restaurant. Les titres sont alors commandés par l'employeur moyennant le versement de commissions.

Le principe est alors que l'émetteur des titres-restaurant a l'obligation de rembourser les titres qu'il a émis dès lors qu'ils sont présentés par les restaurateurs et commerçants les ayant acceptés.

L'utilisation des titres-restaurant

L'utilisation des titres-restaurant est très règlementée, bien que son contrôle soit difficile à effectuer en pratique par l'administration.

Les titres-restaurant ne peuvent pas être utilisés les dimanches et jours fériés puisqu'il s'agit de jours pendant lesquels les salariés ne travaillent théoriquement pas. Toutefois, il existe une exception lorsque les titres-restaurant portent une mention contraire pour les salariés travaillant pendant ces mêmes jours.

Ils ne peuvent alors être utilisés que dans les restaurants et organismes ou entreprises assimilées ainsi qu'auprès des détaillants en fruits et légumes, afin d'acquitter tout ou partie du prix d'un repas. Il peut s'agir d'un repas composé de préparations alimentaires directement consommables, à réchauffer ou à décongeler.

De plus, actuellement, les titres-restaurants ne peuvent être utilisés que pour un montant maximal de 19 euros par jour. Dans le cadre de la crise sanitaire, ce seuil a été relevé à 38 euros par jour jusqu'au 31 août 2021.

Cette utilisation est également limitée géographiquement et temporellement. En effet, les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que dans le département du lieu de travail des salariés bénéficiaires et les départements limitrophes, à moins qu'ils ne portent, de manière très apparente, une mention contraire apposée par l'employeur, sous sa responsabilité, pour les salariés qui sont, du fait de leurs fonctions, appelés à des déplacements à longue distance.

De plus, les titres ne peuvent être utilisés qu'au cours de l'année civile dont ils font mention et pendant une période de 2 mois à compter du 1er janvier de l'année suivante.

Aucun titre émis durant l'année en cours ne peut être utilisé par le salarié tant qu'il n'a pas écoulé ceux de l'année civile écoulée.

Les titres émis et non utilisés au cours de cette période de validité peuvent être rendus par les salariés à l'employeur au plus tard au cours de la quinzaine suivante et échangés gratuitement contre un nombre égal de titres pouvant être utilisés sur la période de validité suivante.

Bien que les règles d'utilisation des titres-restaurant soient nombreuses, on comprend bien, qu'en pratique, il n'est pas rare que les commerçants ne soient pas très regardants sur leur respect, l'administration ayant des moyens de contrôle très limités. Rappelons pourtant que le non-respect des règles d'utilisation des titres-restaurant est sanctionné pénalement par une amende de la 4ème classe.

Enfin, concernant le salarié qui quitte l'entreprise, ce dernier doit remettre à l'employeur, à son départ, les titres-restaurant en sa possession. Il est alors remboursé du montant de sa contribution à l'achat de ces titres.

S'il est admis que la mise en place des titres-restaurant peut être avantageuse, les employeurs souhaitant octroyer un avantage lié à la restauration à leurs salariés peuvent également légitimement se questionner sur la potentielle mise en place d'un restaurant d'entreprise ou inter-entreprises, ou même d'un régime hybride.

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Déborah Attali, avocate, associée au sein du bureau d'Eversheds Sutherland à Paris, est en charge du département droit social, ressources humaines et protection sociale. Elle assiste notamment des groupes français et internationaux dans leur gestion des relations sociales et des réorganisations.   Paul Boussicault est avocat au sein du département droit social, ressources humaines et protection sociale, du bureau d’Eversheds Sutherland à Paris. Il assiste des entreprises dans la gestion de leurs relations collectives et individuelles du travail. 

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