Les limites du modèle paternaliste face aux défis de la transformation

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Par Aïda Collette-Sène Publié le 19 mai 2020 à 6h06
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9%Les inégalités hommes-femmes de salaire sont environ de 9%.

Les entreprises sont aujourd’hui confrontées aux défis de la transformation digitale. Gagner en agilité et en flexibilité est devenu un impératif pour réduire le time-to-market et accélérer l’innovation, mais aussi pour attirer les talents de demain. Dans les ETI et grandes PME, où le modèle paternaliste domine encore souvent, le succès s’est bâti autour d’un homme ou d’une femme et de sa vision.

Les responsabilités sont peu partagées et la transversalité peine à exister. Il y a pourtant nécessité et urgence à faire évoluer ce modèle, en prenant garde à préserver ce qui fait sa force : la stabilité et l'expérience des collaborateurs. Un changement qui passe par une remise en question du dirigeant lui-même.

Quand l’ancienneté prévaut sur la compétence

Dans une période hyper tendue en matière de recrutement, le modèle paternaliste a ses avantages. Dans ces entreprises, la fidélité au dirigeant conduit à un turn-over très faible. L’ancienneté des collaborateurs assure à l’organisation la présence à long terme d’expertises précieuses.

Mais chaque médaille a son revers. Dans ce type d’organisation, les salariés peuvent être réfractaires au changement. La peur de perdre la maîtrise de leur domaine de compétences les conduit à craindre l’évolution de leur métier, tuant dans l’œuf toute tentative de transformation. Dans le contexte actuel où repenser ses pratiques n’est plus une option, cette situation fait courir des risques certains à l’entreprise.

D’autant que cette ancienneté des salariés peut générer une prévalence de la dimension émotionnelle sur l’analyse objective des performances. Le « favoritisme » peutalors être de mise entre collègues de longue date, se traduisant par le fait de privilégier ou de promouvoir des personnes dont le mérite est fonction de l’ancienneté plus que de la performance. Des pratiques qui peuvent générer frustration, sentiment d’injustice et démotivation, notamment chez les nouveaux entrants. Ces derniers éprouvent des difficultés à trouver leur place du fait d’une culture de l’oral très marquée, dont seuls les initiés ont la clé. Ces obstacles d’intégration compliquent la rétention des talents dans un contexte de l’emploi tendu.

Poser un cadre et décentraliser la prise de décision

Dans une entreprise de type « paternaliste », il n’est pas rare que les collaborateurs aient pris l’habitude de déborder du cadre qui leur était alloué, au risque d’empiéter sur le périmètre d’un collègue et, in fine, de créer des tensions.

La formalisation d’un parcours d’intégration, de fiches de poste précises autour d’un périmètre de responsabilités clairement énoncé et d’une grille d’évaluation impartialedoivent être mis en place. Une évidence dans beaucoup d’entreprisesqui se heurtentencore à une forte culture de l’oral. Une situation d’autant plus perverse qu’elle a tendance à rendre les personnes « irremplaçables ». A leur départ, en effet, celles ou ceux qui reprendront leur périmètre ne pourront s’appuyer sur aucune base documentaire pour appréhender leurs nouvelles fonctions.

Enfin, et c’est sans doute le plus critique dans le cadre d’une transformation, la prise de décision est généralement entièrement déléguée au dirigeant et à sa garde rapprochée, ce qui concourt fortement à reproduire les mêmes effets et à déresponsabiliser les managers, qui n’ont plus qu’à appliquer ce qui a été décidé. Ce procédé freine également la production d’idées neuves. L’entreprise doit donc s’ouvrir à un modèle plus participatif, où les prises de décisions sont décentralisées, où la remontée d’informations est encouragée et où les managers jouent pleinement leur rôle.

La responsabilité du dirigeant en question

Les freins de cette organisation pyramidale ne deviennent réellement tangibles pour le dirigeant que lorsque celui-ci cherche à transformer son entreprise ou, dans d’autres cas, à la céderou trouver des investisseurs. Sans toujours s’en rendre compte, le dirigeant a lui-même cultivé cette dimension paternaliste, en prenant l’habitude d’être consulté tout le temps et sur tout, sans que personne jamais ne challenge ses décisions. Or, être un bon dirigeant ne signifie pas détenir les réponses à tous les problèmes. Son rôle est d’abord de porter une vision et de savoir s’entourer d’experts dans leurs domaines, à les écouter et à les accompagner pour faire appliquer leurs recommandationset ainsi accélérer la transformation.

Privilégier l’intérêt collectif au détriment de ce sentiment personnel d’être indispensable demande au dirigeant un certain courage managérial. C’est pourquoi dans les entreprises paternalistes, la gestion du changement devrait constituer à elle seule un programme de la transformation. Il s’agit ni plus ni moins de porter un projet d’entreprise où régnera la culture de l’excellence, de l’innovation et de la rigueur, propice à la transformation et à la performance.

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Directrice Générale de Generix Group

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