Transition énergétique : Engie en pole position

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 24 décembre 2019 à 7h05
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35 MILLIARDS €La capitalisation d'Engie, fin décembre 2019, dépassait les 35 milliards d'euros.

L’énergéticien Engie donne des leçons de transition énergétique à ses concurrents. Grâce à l’achat d’un ensemble d’installations hydroéléctriques au Portugal, Engie conforte sa position de leader mondial de la production d’électricité décarbonnée non nucléaire. Et d’autres contrats innovants, notamment aux Etats-Unis, où Engie n’est plus seulement fournisseur, mais aussi et surtout expert es transition énergétique, lui donnent plusieurs coups d’avance sur ses concurrents.

Certaines victoires arrivent à point nommé : C’est le cas du dénouement mi-décembre de l’appel d’offres du portugais EDP dans lequel Engie, sur l’impulsion d’Isabelle Kocher, sa directrice générale, avait mis toute son énergie. Associé à Mirova (filiale de Natixis) et à Crédit Agricole Assurances, Engie remporte la mise, et ajoute 1,7 gigawatts de production d’électricité verte aux 20 Gw déjà dans son portefeuille.

Mieux encore : ces 1,7 Gw de capacité hydroélectrique, dont une partie est assurée par des centrales au fil de l’eau, viennent compléter efficacement les 1,1 Gw d’énergie éolienne qu’Engie contrôle déjà dans la péninsule ibérique, en plus de 50 Mw de solaire. L’énergéticien peut ainsi garantir une fourniture en continu d’énergie verte, en s’appuyant sur le vent et le soleil le jour, et l’eau, la nuit. Contrôler les trois sources d’énergie verte, le graal de la transition énergétique.

Engie est en train de changer de métier

Ce contrat survient quelques jours à peine après la signature d’une concession de 50 ans dans l’Iowa (Etats-Unis), concession par laquelle l’université de l’Etat confie à Engie sa transition vers le zéro carbone. Il faut dire qu’actuellement, les deux campus de l’université de l’Iowa sont chauffés et éclairés au charbon ! Engie promet d’organiser la bascule vers du zéro carbone d’ici à cinq ans, voire plus vite, si possible. Un deal à 1 milliard de dollars, calqué sur celui déjà remporté par Engie l’an passé, avec l’université Columbus, dans l’Ohio. D’autres universités américaines discutent avec Engie pour conclure le même genre de partenariat. On parle aussi d’un réseau d’éclairage public à réinventer, quelque part en Amérique du Sud, et pour lequel Engie serait dans la short list.

Nouveau métier pour Engie ? En partie, oui. Une voie audacieuse désignée par Isabelle Kocher à ses équipes, dès son arrivée, non sans susciter des résistances en interne. Mais une voie aujourd’hui largement couronnée de succès, grâce à ces deals, puisqu’elle permet de modifier considérablement non pas le mix énergétique d’Engie, mais son mix de sources de revenus.

Le mix énergétique change, le mix de revenus aussi

Car dans ce genre de deals, Engie n’est plus uniquement fournisseur d’énergie. Il part à la pêche aux solutions de production d’énergie locales, et évidemment, vertes, en plus d’installer, par exemple, des panneaux solaires sur le toit des bâtiments des campus étudiant. Engie ajoute à tout cela une couche de réseau intelligent, grâce à sa R&D interne, afin d’optimiser et réduire la consommation (à Colombia, l’objectif est de -25 %). Et quand on sait que ces deals sont signés pour 50 ans, et qu’ils comprennent une part de rémunération au succès..

On comprend mieux pourquoi ces victoires récentes pour Engie, bien qu’en quasi terra incognita -en tout cas, loin de ses bases européennes dont le groupe tire les deux tiers de ses revenus aujourd’hui- permettent à son capitaine Isabelle Kocher de tenir fièrement la barre. Le cap est manifestement bon, ce que le bon millier de cadres dirigeants du groupe ont applaudi lors du séminaire annuel du groupe, mercredi 18 décembre 2019. Elle a même eu droit à une standing ovation de dix minutes, totalement inédite pour un patron du CAC 40. Patron qui, rappelons le au passage, est la seule patronne du CAC 40.

Les ennemis d’Isabelle Kocher à la manœuvre

Autant dire que les rumeurs de sa possible éviction, ou plutôt, du possible non renouvellement de son mandat, orchestré en sous-main par des adversaires puissants à l’intérieur même du groupe, font plus que désordre. Depuis son arrivée aux commandes, le cours de Bourse d’Engie n’a-t-il pas repris des couleurs, après sept années de dégringolade ininterrompue ?

Pour ne rien simplifier, les connaisseurs du dossier ont remarqué qu’Isabelle Kocher a été conviée par Emmanuel Macron à l’accompagner lors de son déplacement en Côte d’Ivoire, vendredi dernier. Au détriment d’un autre poids lourd d’Engie, qui se targuait pourtant encore il y a peu d’être un proche du chef de l’État. Il se serait bien vu dans le fauteuil d’Isabelle Kocher dans l’avion présidentiel, mais aussi à la tête du groupe, en janvier prochain… Ce set a été remporté haut la main par Isabelle Kocher, mais la partie est toujours en cours. Dénouement attendu début 2020.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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