Transparence : politiques, entreprises, à qui le tour ?

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Par Jean-Luc Fallou Publié le 24 octobre 2015 à 5h00
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2013La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique a été créée en 2013.

La démocratie se fonde sur l’idée de la légitimité de la communauté des citoyens, seule source de la légitimité politique, et de tous les liens sociaux.

Tous les individus se donnent le droit de juger les comportements de ceux qui détiennent l’une ou l’autre forme de pouvoir, qu’il soit politique, économique ou interindividuel. L’aspiration à une forme de transparence est donc structurellement liée à la société démocratique et à ses caractéristiques fondamentales.

La théâtralisation de la vie sociale

Les exigences démocratiques se sont accrues avec l’épanouissement de la démocratie que Dominique Schnapper qualifie d’« extrême ». Le respect des hommes et des institutions ne va plus de soi.. Ni la tradition, ni la nature, ni aucun Dieu ne légitiment ces institutions. Aucun pouvoir ne s’impose par sa seule existence.

L’évolution de la vie économique s’est accompagnée d’une transformation des modalités de revendication. Les individus démocratiques s’indignent moins contre le « système » abstrait ou contre les structures sociales liées au capitalisme, que contre les personnes et leurs comportements. La transparence devient alors la revendication première.

De l’impossibilité à l’illusion

La transparence complète est pourtant impossible, c’est une illusion et cette aspiration peut être un véritable danger. Si le principe du droit à contrôler les gouvernants est un acquis incontestable de la démocratie, dans l’ordre du pouvoir un certain secret est nécessaire.

D’abord pour des raisons techniques : les décisions politiques ne peuvent être prises qu’après une délibération et une réflexion dont les étapes ne sauraient être explicitées devant tous les citoyens. Mais, même par-delà cette obligation technique, tout pouvoir doit conserver une forme de secret pour être accepté et respecté. Le roi ne peut et ne doit pas être nu. Les responsables doivent garder une certaine distance, une apparence de dignité, nécessairement liées au secret, qui les distinguent des autres.

Plus profondément encore, toute existence humaine comporte une part de mystère. Nous ne sommes pas complètement transparents à nous-mêmes et nos plus proches ne nous sont pas non plus complètement transparents.

Qui souhaite se dénuder en public ? Personne Il ne s’agit pas de mensonge sur soi ou de volonté de tromper l’autre, mais simplement de la réalité des êtres humains, qui ne se connaissent jamais totalement, qui d’ailleurs se transforment avec le temps et qui sont inévitablement destinés à agir dans un monde instable qu’ils ne comprennent et ne maitrisent que partiellement.

Aussi l’aspiration à une « transparence » qui serait absolue risque d’être dysfonctionnelle et de devenir une pure idéologie qui rendrait monstrueuse toute forme de vie sociale. Ce sont les régimes totalitaires qui ont visé la transparence absolue de la vie sociale et personnelle. Les démocrates ne devraient pas les prendre pour modèles.

La juste transparence

Reste qu’il faut prendre en compte, dans la société comme dans l’entreprise, l’aspiration des hommes démocratiques à participer aux décisions et à ne pas se voir imposer des directives venues d’en haut, sur lesquelles ils auraient le sentiment de ne pas avoir été consultés ou même informés. Les responsables ne peuvent négliger cette aspiration.

Il faut trouver la voie étroite entre la complète transparence, qui est tout à la fois impossible et non-souhaitable, d’un côté, et, d’un autre côté, l’aspiration de l’homme démocratique à juger des décisions qui, même si elles sont inévitablement prises par d’autres, le concernent directement.

C’est une voie de crête qui ne peut être définie une fois pour toutes.. Il faut la penser au cas le cas, l’élaborer et la respecter tout en la faisant respecter par les autres, en tenant compte, chaque fois, des conditions et des circonstances, toujours particulières, dans lesquelles les décideurs prennent des décisions qui s’imposent aux autres et entraînent des conséquences sur leur destin

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Jean-Luc Fallou est diplômé de l’Insead ainsi qu'ingénieur de l’Ecole des Mines de Nancy. Il fut président d’Arthur D. Little France avant de prendre la tête de Stratorg Group (http://www.stratorg.com/) en 2002. Il a développé une approche managériale basée sur la confiance. Il est également le président du Trust Management Institute (TMI), qui est un fonds de dotation.

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