Didier Guillaume, la FNSEA et l’inconscient appel à travailler dans l’agriculture

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 25 mars 2020 à 14h46
Salon Agriculture Succes 1
50%Une étude estime à 50% le nombre de personnes contaminées par le coronavirus et qui sont asymptomatiques

Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, a appelé le 25 mars 2020 les Français sans activité à aller prêter main forte aux agriculteurs en manque de personnel. Si la situation dans l’agriculture est grave, cet appel est d’autant plus grave car il va entraîner une multiplication des cas de coronavirus sur le territoire. Explications.

200.000 emplois directs… et autant de risques de contamination

200.000… tel est le nombre d’emplois directs qui seraient disponibles dans l’agriculture et que Didier Guillaume et la FNSEA voudraient combler. Un chiffre énorme pour lequel le ministre de l’Agriculture a lancé un appel « aux femmes et aux hommes qui aujourd'hui ne travaillent pas, un grand appel à celles et ceux qui sont confinés chez eux dans leur appartement ou dans leur maison, à celles et ceux qui sont serveurs dans un restaurant, hôtesses d’accueil dans un hôtel, aux coiffeurs, à celles et ceux qui n’ont plus d’activités. »

Il leur demande de se mobiliser, d’aller au contact d’autres personnes, de se retrouver pour du travail… alors que le mot d’ordre du confinement est « Rester chez soi ». Or, Didier Guillaume et la FNSEA semblent oublier un détail : on estime à 50%, selon une étude publiée sur Medrxiv le 5 mars 2020, le nombre de cas potentiellement asymptomatiques. Ce sont des personnes qui n’ont pas de symptômes mais qui peuvent véhiculer le virus et donc le répandre.

Aucun test sur les travailleurs… car on ne teste pas en masse

Le seul moyen d’identifier ces porteurs asymptomatiques serait de les tester, et ce régulièrement. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas le coronavirus Covid-19 un jour qu’on ne peut pas l’avoir le lendemain. Or, en France, il n’y a aucune stratégie de tests massifs : on ne teste même pas toutes les personnes qui ont des symptômes mais seulement les personnes dans un état grave.

Le risque d’avoir des porteurs asymptomatiques parmi la masse de travailleurs à laquelle fait appel Didier Guillaume est donc réel. Et les faire se déplacer va donc augmenter le risque que le virus se déplace.

Une fiche de la MSA pour les mesures sanitaires…

Le ministère de l’Agriculture et la FNSEA ont pensé à tout : la MSA donne des conseils pour éviter les contaminationsce qui révèle déjà que le risque est bel et bien existant, autrement il n’y en aurait pas besoin. La fiche précise même ce qu'il faut faire si un travailleur a été testé positif au Covid-19 après son embauche...

Cette fiche présente « les gestes barrières » mais on remarque des lacunes. Il semblerait que la question de la survie du coronavirus sur les surfaces inertes ait totalement été oubliée, alors qu’on sait que le virus peut survivre plusieurs heures voire jours en dehors du corps humain.

Ainsi, on ne demande pas de laver tous les outils après chaque utilisation, alors qu’ils devraient être désinfectés ; seuls les nettoyages en début et fin de journée sont recommandés. Selon cette fiche, le « lavage régulier des mains » suffirait. Pour le passage des charges « pratiquer la pose et la dépose » lit-on sur la liste des gestes à pratiquer, comme si le virus ne restait pas sur un carton ou une boite et que seul le contact direct entre les personnes le transmettait. Et que dire des vestiaires où il n’y a pas de nettoyage après chaque utilisation de la part d’un salarié ? Ou encore du nettoyage « au moins 3 fois par jour » des poignées et des interrupteurs ?

Un exemple en Italie : le confinement d’un médecin en cas de déplacement

Pour faire une comparaison éloquente, voici quel est le procédé de sécurité mis en place en Italie… pour les médecins. Dès lors que le médecin est appelé dans une autre région, et on parle de médecins donc d’une personne connaissant la situation, les gestes anticontamination dans des espaces chirurgicaux et les risques du virus, il peut s’y déplacer. Mais il ne pourra prendre son service qu’après une période de quarantaine imposée de 14 jours minimum qui commence dès son arrivée dans la nouvelle région. Et cette quarantaine s’applique également s’il retourne chez lui par la suite.

Pour ce qui est des autres métiers, c’est simple : désormais, et depuis que le gouvernement a fermé toutes les usines sauf celles stratégiques, aucun déplacement inter-urbain n’est autorisé sauf pour motif valable.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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