Alerte rouge : il manque 11,5 milliards de recettes fiscales en 2014

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 3 décembre 2014 à 6h05

11,5 milliards d'euros, rien que ca. C'est la somme qui manquera dans les caisses de Bercy à la fin de l'année, par rapport aux prévisions initiales. Autrement dit, en théorie, 11,5 milliards d'euros à trouver ailleurs : soit, en les économisant, en rabotant encore un peu plus les budgets partout où cela est possible (essentiellement en fait, en faisant mariner les fournisseurs de l'Etat, pour renvoyer le problème à plus tard). Accessoiremment, en taillant un peu plus non pas dans les dépenses publiques, mais dans des trucs comme les allocations familliales par exemple. Le quotient famillial pourrait ainsi passer de 1500 à 2000 euros, et faire économiser encore quelques centaines de millions d'euros à l'Etat. Théoriquement !

Car sur le lot des 11,5 miliards d'euros manquants, plus de la moitié provient de l'impôt sur le revenu, dont le rendement est largement inférieur à ce qui était attendu. Pensez ! Il manque pas moins de 6,1 milliards sur les 68 milliards prévus, autrement dit, l'erreur est de 8 % ! L'erreur, ou l'excès d'optimisme, ou encore la naiveté. Car bon nombre de contribuables ont décidé d'arrêter de se laisser tondre sans réagir, et ont optimisé leur situation. Les solutions sont nombreuses : Les professions libérales peuvent ainsi reporter un mois de facturation d'une année sur l'autre, pour réduire leur revenu imposable. Reporter un mois de facturation, ou décider d'arrêter de travailler ou du moins de travailler officiellement ! Quand on sait que le saut d'une tranche d'imposition peut coûter plus au contribuable que la somme différentielle gagnée, le calcul est vite fait pour certain. Payer 6000 euros d'impôts supplémentaires pour 5000 euros de gains déclarés en plus, rares sont ceux à l'accepter.

Du côté du gouvernement, on tente de noyer le poisson. Il manque bien 6,1 milliards explique le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, mais c'est normal. Sur le lot, 1,8 milliard d'euros seraient dûs à un rattrapage de l'impôt sur le revenu 2013. Mystère et boule de gomme, l'explication est incompréhensible. 3,3 milliards, une broutille, seraient dû à "une importante moins-value sur les revenus des capitaux mobiliers", et sur les plus-values immobilières. Gros gros écart entre les prévisions et la réalité tout de même. Eckert consent aussi à admettre qu'une partie de la somme manquant à l'appel proviendrait de la baisse des bénéfices des artisans et professions libérales. De même, ceux qui touchent des dividendes de leurs participations dans des entreprises ont pu demander à moins toucher, laissant les dividendes en trésorerie, ce qui leur évite de payer l'impôt dessus. Nous y voilà. Comme la croissance 2014 n'était pas celle attendue (0,4 % au lieu de 0,9 %), la boucle est bouclée.

Problème : l'impôt sur le revenu 2015 devrait rapporter, selon le projet de loi de finances voté la semaine dernière à l'Assemblée, 1,2 milliard de plus que ce qui était prévu pour 2014. Mais comme il manque déjà 6,5 milliards, ce sont au moins 8 milliards, soit plus de 10 % de l'impôt, qui risquent de manquer à l'appel l'an prochain !!! L'impôt qui ne rentre pas, ou plus, est l'illustration parfaite du matraquage fiscal et de ses conséquences, théorisées par Lafer et sa fameuse courbe....

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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