Trump : un nuage au-dessus de la planète Fintech

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Par Cédric Teissier et Arthur de Catheu Modifié le 13 décembre 2022 à 20h39
Fintech Etats Unis Donald Trump
51 %51 % des startups les plus valorisées aux Etats-Unis ont été fondées par des immigrés.

Après des mois d’engagement contre la présidence d’un homme défiant à l’égard des nouvelles technologies, la scène tech a été ébranlée par le sacre du Donald. Après la gueule de bois américaine, l’heure est à la réflexion pour l’avenir de la scène Fintech européenne.

Celui qui veut fermer « certaines parties d’internet » a été élu, le 8 novembre dernier, 41e président de la première puissance du monde. Magnat de l’immobilier et star de la téléréalité, il compte désormais parmi les hommes politiques les plus influents aux côtés de Poutine et Xi Jinping. De quoi faire trembler toute la planète tech. Sa candidature avait déjà suscité une levée de boucliers sans précédent des acteurs high tech, désignant Trump en bête noire de la Silicon Valley. Pas moins de 150 personnalités du secteur - entrepreneurs, développeurs, investisseurs – avaient affirmé sans détour, dans une longue lettre ouverte mise en ligne l’été dernier, que l’élection de Trump serait un « désastre pour la tech et l’innovation ».

Remise en cause de la neutralité du net, renforcement du contrôle du web, exploitation des données par les forces de police, etc. la liste est longue et représente autant de sujets d’inquiétude pour toutes les entreprises des nouvelles technologies, qu’elles soient GAFA ou simples startups. Trump a toutefois souhaité les assurer de son profond soutien en conviant récemment la crème du secteur au cours d’un tech meeting hautement médiatisé. Bref, une navigation en eaux troubles qui laisse planer de nombreux doutes. Il a même pris la grogne à contrepieds en annonçant le 14 décembre dernier la nomination d’Elon Musk, patron de Tesla, et de Travis Kalanick, DG chez Uber comme membre de sa nouvelle équipe consultative économique.

Coup dur pour la Fintech

Et l’incertitude est également de mise du côté des Fintech, qui craignent les répercussions de l’élection du milliardaire : investisseurs frileux, difficultés de recrutement au-delà des frontières et tout espoir de régulation dédiée qui s’évapore. Le républicain s’est engagé à démanteler la loi Dodd-Frank, clé de voûte de la réglementation de la finance instaurée par l’administration Obama après 2008, et à abolir le Consumer Finance Protection Bureau (CFPB), l’une des institutions américaines les plus « Fintech-friendly ». Ces revirements seraient un coup dur pour le secteur de la Fintech qui appelle depuis longtemps à bénéficier d’un environnement réglementaire dédié.

Enfin, l’accès aux talents pourrait lui aussi être compromis. La politique anti-immigration prônée par Trump représente un véritable danger dans un secteur qui recrute massivement à l’étranger, et notamment en Europe. D’après une étude de la National Foundation for American Policy, la majorité (51%) des licornes américaines, à savoir des startups valorisées à plus d’un milliard de dollars, a été fondée par des immigrés. Lancée par deux frères Irlandais, la startup Stripe, spécialisée dans les moyens de paiement, est aujourd’hui une vraie star de la Fintech : après une levée de fonds réussie en novembre dernier de 150 millions de dollars, elle a porté sa valorisation boursière à 9,2 milliards de dollars ! Reste à espérer que ces success stories internationales ne soient pas les dernières sur le sol américain.

L’Europe politique doit se réveiller

Au lendemain de l’élection de Trump, le Web Summit s’est tenu entre stupeur et révolte auprès de plus 50 000 personnes à Lisbonne. David McClure, créateur de l’accélérateur 500 Startups, a rompu la torpeur qui y régnait en s’exclamant : « C’est notre devoir et notre responsabilité en tant qu’entrepreneurs et citoyens du monde de nous assurer que ce genre de merde n’arrive pas. Maintenant, cette merde ne doit pas durer. Levez-vous pour défendre vos droits ! ». Aux pays européens d’entendre cet appel et d’agir. Car sur le vieux continent également, le temps électoral est incertain. Dans l’hexagone, le mois de mai est sur toutes les lèvres.

Porter ces sujets sur le devant de la scène présidentielle est désormais capital pour éclaircir enfin l’horizon des startups et des entrepreneurs innovants. Il est notamment crucial que, quelle que soit l’issue de la prochaine campagne, l’encouragement de l’innovation dans le secteur de la technologie financière ne soit pas coupé dans son élan sous couvert d’une diabolisation de la finance au sens large. Au contraire, l’expérimentation se doit d’être encore davantage facilitée, notamment par l’intermédiaire d’une rationalisation de l’approche de proportionnalité mise en application par les régulateurs afin de coller au mieux aux contraintes liées à ce secteur. Des propositions concrètes allant dans ce sens sont attendues prochainement du Forum Fintech de l’AMF et de l’ACPR, qui a récemment été saisi du sujet.

Et au-delà de nos frontières, c’est à l’Europe entière qu’il appartient maintenant de décider, de manière unie, des règles du jeu permettant de faire cohabiter les startups de la Fintech aux côtés des acteurs traditionnels. « Comment stimuler l’innovation tout en anticipant les déséquilibres qu’elle suppose ?», question légitime à laquelle la Task Force Fintech fraîchement mise en place par la Commission Européenne est invitée à répondre au cours du premier semestre 2017.

Les recommandations qui seront formulées permettront d’y voir plus clair sur la position que l’Europe politique souhaite voir occuper par la scène Fintech européenne sur l’échiquier mondial. Sans soutien de Bruxelles, il est probable que la folle croissance de la Fintech asiatique ne puisse être endiguée. Il est temps de se réveiller. Il est temps de s’engager.

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Cédric Teissier et Arthur de Catheu, dirigeants fondateurs de Finexkap

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