Grèce : le gouvernement Tsipras pèche-t-il par excès de frilosité ?

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Par Aurélie Cazenave Modifié le 29 novembre 2022 à 10h07
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950 MILLIONS €Le gouvernement grec va devoir rembourser 950 millions d'euros au FMI ce 12 mai 2015.

Privée d'accès aux marchés et bloquée dans ses discussions avec ses créanciers internationaux (Fonds monétaire international, Commission européenne, Banque centrale européenne), la Grèce risque d'être à court de liquidités dans les semaines à venir. Pourtant il existe d'autres moyens de consolider l'économie et d'assurer la relance, que le pays semble ignorer par manque d’ambition et/ou par crainte.

Prière d'accélérer et de passer la seconde ! C'est le message de l'Europe vient tout juste de délivrer à la Grèce. La zone euro s'est inquiétée du retard pris par la Grèce dans ses négociations avec ses créanciers et l'a sommée d'accélérer le processus engagé afin d'éviter une sortie de route. Les caisses du pays sont quasiment vides et un accord semble encore bien loin. Au départ, une réunion tenue à Riga vendredi dernier était censée sceller un accord entre Athènes et ses créanciers permettant de remettre sous perfusion financière le pays, privé de fonds depuis août. Sur la table, le versement de quelque 7,2 milliards d'euros bouclant le plan d'aide de 240 milliards prêtés depuis 2010. Pourtant aucun accord n'a été trouvé.

Le 12 mai, un premier remboursement de quelque 950 millions d'euros devra être versé au FMI, avant de verser salaires des fonctionnaires et les retraites à la fin du mois. L’échéance pèse sur les finances athéniennes comme une épée de Damoclès. L'épuisement des liquidités devient alarmant. A cela, s'ajoute le risque que la Banque centrale européenne revoie à la hausse les taux auxquels elle fournit des liquidités aux banques grecques - ces dernières sont vitales pour le refinancement du pays.

Réagissant aux articles relatant son isolement au sein de l'UE, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a publié sur Twitter une citation assez acerbe de l'ex-président américain Franklin Roosevelt : "Ils sont unanimes dans leur haine contre moi, et leur haine me réjouit." Mais malgré son côté « fort en gueule », le gouvernement d'Alexis Tsipras semble souffrir de pieds froids quand il s'agit de nager seul. L'hostilité affichée des Grecs aux investissements et implantations étrangères pénalise énormément l'emploi. Le groupe Abu Dhabi MAR, champion de la construction navale à qui on doit l'éclosion du port de Cherbourg, a multiplié les approches autour du site de Skaramangas, sans pour autant que cela ne mène à des accords pour l'instant. L'implantation du groupe émirien pourrait, en plus de créer de l'emploi dans un pays touché par un chômage endémique, enrichir l'état.

Au-delà de cet exemple, l'évolution des investissements directs étrangers (IDE) fait clairement apparaître la méfiance du parti Syriza quant à l'entreprise internationale. Après une croissance constante des IDE de 2010 à 2014, ceux-ci se sont retrouvés en berne avec l'élection du parti d'extrême gauche. De nombreux investisseurs ont exprimé leur intérêt à investir en Grèce, mais l'attitude du gouvernement est tout sauf accueillante. Un autre exemple est l'opposition rencontrée dans le cadre du projet porté par un consortium international qui souhaitait racheter l'aéroport désaffecté de Hellenikon pour le transformer en cité balnéaire touristique. Le Ministre de l'Environnement, de l'Energie et de la Reconstruction productive grec Panagiotis Lafazanis a parlé de rachat "scandaleux", alors que Tspiras lui-même a parlé d'opération "criminelle."

Pourtant, les investisseurs internationaux contribuent au développement grec, et de fait ne sont pas un facteur aggravant. Les accueillir permettrait au pays de renforcer ses secteurs de prédilection et dont tous les analystes s'accordent pour dire qu'ils sont loin de leur plein potentiel (le dernier en date n'est autre que le PDG du groupe d'investissement spécialisé dans le transport naval Eurofin, Anthony Zolotas). Deux secteurs majeurs en Grèce sont l'industrie de construction et d'armature navale, et le tourisme (28% du PIB à lui seul), tous deux visés par les exemples précités. Développer ces secteurs forts permettrait également de renforcer l'emploi. Aujourd'hui, non seulement le pays à besoin de plus de création d'emploi (avec un taux de chômage de 28%, qui grimpe même à 50% pour les moins de 25 ans), mais Siriza lui-même en a besoin pour rester au pouvoir - il a promis 300 000 nouveaux emplois et d'augmenter les revenus minimaux. Contraint par les accords passés avec l'UE, le secteur public ne pourra jamais seul permettre à Tspiras de tenir ses promesses.

Mais plutôt que de prendre le taureau par les cornes, le gouvernement Grec semble pour le moment plus intéressé par les aides européennes - cher payées en termes de liberté et bientôt peut être d'intérêts - plutôt que par une relance de l'emploi par l'entreprise. En refusant de voir les atouts grecs en face, et en ne les exploitant pas, le gouvernement retarde la reprise de son pays, alors que les indicateurs, déjà dans le rouge, flirtent avec le pourpre.

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Conseillère développement export et implantation d'entreprises à l'international, expertise secteur est-européen et Asie.

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