Twitter peut-elle lever un milliard de dollars en n’étant pas rentable ?

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Par JOL Press Modifié le 7 octobre 2013 à 11h33

C'est certainement l'entrée en bourse la plus scrutée depuis celle de Facebook en mai 2012. Twitter fera en effet prochainement son entrée sur les marchés financiers, avec l'objectif de lever 1 milliard de dollars. Il s'agira pour Twitter de ne pas connaître la même débâcle que l'entreprise de Mark Zuckerberg, avec l'effondrement rapide du cours de l'action et de multiples problèmes techniques.

Malgré la notoriété du site de microblogging, des doutes subsistent puisque la présentation des documents d'entrée en bourse a également été l'occasion d'apprendre que la société, fondée il y a huit ans, n'était toujours pas rentable.

Les détails tant attendus du projet d'entrée en bourse de Twitter ont enfin été révélés. On y trouve les premiers éléments concernant la situation financière de l'entreprise et la structure de ses revenus.

Un objectif d'un milliard de dollars

Le projet d'introduction en bourse du célèbre site de micoblogging a été publié jeudi 3 octobre et est disponible sur le site internet de la Securities and Exchange Commission (SEC), l'organisme fédéral de régulation et de contrôle des marchés financiers aux Etats-Unis. Aucune date précise n'a cependant été indiquée, il était simplement précisé que l'opération aurait lieu « aussi tôt que possible ». Pour l'heure, on ne sait pas non plus si l'introduction en bourse se fera sur le Nasdaq, la bourse des valeurs technologiques, ou sur le New York Stock Exchange. Le symbole de cotation sera quoi qu'il en soit « TWTR ».

Les chiffres ne sont évidemment pas encore parfaitement précis, mais le montant de la levée de fonds pourrait monter jusqu'à un milliard de dollars. Au-delà de toutes ces informations concernant l'opération elle-même, ce sont les données financières de l'entreprise qui étaient réellement attendues.

Une capacité à devenir rentable encore incertaine

La croissance de l'entreprise est impressionnante. En 2012, son chiffre d'affaires a été multiplié par trois par rapport à 2011, pour atteindre 317 millions de dollars. Il dépasse déjà, sur le premier semestre de l'année en cours, les 250 millions de dollars.

Mais malgré cela, l'entreprise qui compte près de 2 000 employés n'est toujours pas rentable. Elle a en effet perdu 80 millions de dollars pour 2012 et déjà 69,3 millions sur le premier semestre 2013.

La capacité de Twitter à devenir rentable reste encore aujourd'hui très incertaine, comme le souligne d'ailleurs le documents d'entrée en bourse : « Nous pourrions ne pas être capables de devenir ou de rester rentables.» Il est de plus précisé : « Notre performance financière est et restera déterminée de manière importante par notre capacité à augmenter le nombre d'utilisateurs et leur niveau d'engagement sur notre plateforme, de même que le nombre de publicités. »

On en apprend plus aussi sur la structure des revenus de la firme. 65 % des revenus publicitaires générés proviennent par exemple des smartphones et tablettes. Twitter dépend très largement de la publicité, qui représentait 85 % de son chiffre d'affaires en 2012, et qui en représente 87 % sur les six premiers mois de l'année.

Comment une entreprise qui perd de l'argent pourrait-elle lever un tel montant ?

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le schéma est souvent le même pour les réseaux sociaux, même si chaque histoire conserve bien sûr ses spécificités.

Dans un premier temps, ils s'attachent à augmenter leur nombre d'utilisateurs, sans accorer trop d'importance à la monétisation du site. A ce stade, l'entreprise réalise des pertes et survit grâce à ses fonds propres. Des investisseurs « flairent » le potentiel de l'entreprise et apportent les fonds nécessaires, quasiment dès le début de l'aventure. Les montants levés ne sont pas encore colossaux, mais représentent tout de même souvent plusieurs millions d'euros. En France, une telle situation n'est que difficilement envisageable. Les Business Angels capables de prendre des risques et de mettre de l'argent dans une entreprise à fort potentiel mais sans réel business model sont évidemment beaucoup plus nombreux outre-Atlantique.

Si des entreprises comme Facebook et bientôt Twitter parviennent à lever des sommes colossales, c'est parce que les investisseurs anticipent la deuxième partie de la stratégie : la monétisation des services. Car oui, avant d'être des réseaux sociaux, il s'agit avant tout d'entreprises, dont le but est aussi de dégager une rentabilité. A partir d'un nombre important d'utilisateurs, le potentiel de chiffre d'affaires est énorme. D'une part, si l'entreprise parvient à convaincre une petite partie de ses utilisateurs de payer pour avoir accès à un service supplémentaire, le potentiel de revenu est déjà substantiel. D'autre part, et c'est le point principal pour les réseaux sociaux, une telle audience intéresse naturellement les annonceurs publicitaires. Une publicité sur un réseau social influent a un impact colossal. Raison pour laquelle les entreprises sont prêtes à dépenser des sommes importantes pour qu'une de leurs bannières soit présente. C'est à ce moment là que l'entreprise peut véritablement devenir rentable et tirer profit de son nombre important d'utilisateurs.

Les réseaux sociaux affinent (ou bien construisent, tout simplement) leur business model une fois seulement que l'audience est importante. Ce qui explique pourquoi il n'est pas impensable de voir Twitter espérer lever 1 milliard de dollars alors que l'entreprise perd de l'argent. Les investisseurs vont parier avant tout sur un potentiel de croissance et de revenus.

L'exemple d'Instagram, bien que quelque peu différent, est, à ce titre, significatif. Après avoir élargi au maximum son nombre d'utilisateurs, l'entreprise n'a certes pas fait une levée de fonds fracassante, mais a été rachetée par Facebook pour la coquette somme d'un milliard de dollars. Elle était parvenue à tenir jusque-là grâce à plusieurs levées de fonds (de plusieurs millions de dollars tout de même).

On l'a appris jeudi, l'application de partage de photos a décidé d'entrer pleinement dans la phase de monétisation de ses services. Dans les six prochains mois, pour les utilisateurs américains du moins, les annonces publicitaires vont faire leur apparition. Si l'entreprise n'a pas été rentable jusqu'ici, les investisseurs ayant cru en son potentiel et apporté des fonds pourraient rapidement se frotter les mains d'avoir pris un risque qui aurait été considéré comme insensé en France.

In fine, même si Twitter n'est pas encore rentable, étant donné le potentiel incroyable de revenus publicitaires que constitue son audience, il n'est pas si étonnant qu'un montant d'un milliard de dollars soit évoqué pour l'entrée en bourse du site de microblogging.

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