L’UEFA et le FPF : plus financiers que fair-play

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Par Valentin Nonorgue Publié le 22 mai 2019 à 6h04
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1,2 MILLIARD €Sur les dix dernières années, Manchester City a investi plus d'1,2 milliard d'euros sur le marché des transferts.

A l’heure où les bruits de couloir annoncent l’exclusion de Manchester City pour la prochaine Ligue des Champions, les opinions à l’égard du fair-play financier divergent toujours davantage.

Dans un premier temps, rappelons que Michel Platini, instigateur du fair-play financier lorsqu’il était président de l’UEFA voulait réduire le risque de faillite des clubs et d’endettement des propriétaires... Pour ceux qui mettraient en avant la notion d’équité par rapport au FPF, l’objectif de base était que la compétition ne soit pas faussée par des acteurs potentiellement insolvables et non pas 1 pseudo équité dans 1 compétition hétérogène socialement, fiscalement et avec des monnaies différentes.

Un fair-play financier anachronique

La mise en oeuvre du fair-play financier s’est faite en 2011 avec des données du marché des transferts des années 2000 bien inférieures à celles du mercato des années 2010.

Intégrer un déficit de 45M€ sur trois ans était plausible dans les années 2000. Or, avec les explosions du prix des transferts, les clubs voulant construire une équipe compétitive se retrouvent bloqués par ce montant qui semble désormais dérisoire. A titre d’exemple, sur les dix dernières années, Manchester City a investi plus d’1,2 milliard d’euros sur le marché des transferts, d’après cette infographie Statista. Par ailleurs, on parle d’une enveloppe avoisinant les 500 millions d’euros pour le mercato estival en ce qui concerne le Real Madrid.

C’est un fait, les grands clubs européens ont tiré de l’histoire une rente de position. Depuis 2005, un fossé s’est creusé entre les clubs qui trustent les places en quarts de finale européens, et ceux qui pouvaient y faire une apparition occasionnelle. Alors que l’OM et Liverpool faisaient presque jeu égal en 2005, avec des revenus avoisinant les 100M€, un fossé s’est creusé entre les Marseillais (aujourd’hui à 150M€) et les Reds (513M€ de revenus en 2018)Le problème de ce “fair-play” financier se situe dans la cristallisation du succès chez les clubs historiques. Sur les dix dernières années, le vainqueur de la C1 était toujours dans le Top10 des clubs les plus riches au moment de sa victoire. Suivant cette logique où l’aléa sportif est réduit par la puissance économique, la finale de Ligue des Champions qui arrive respecte les règles : Tottenham est 10e quand Liverpool se trouve en 7e position de la Football Money League du cabinet Deloitte.

Le palmarès des grands clubs réalisé à crédit

Si nous voulons être équitable dans les dépenses - comme le FPF veut l’être avec les transferts - soyons le à tous points de vue. Impossible lorsque les charges, la fiscalité et la monnaie varient d’un pays à l’autre. Prenons les charges sociales salariales et patronales par exemple. Comment expliquer que le SCO Angers, modeste 13e de Ligue 1, paie chaque année 12 fois plus de cotisations patronales que le Real Madrid, vainqueur de 4 des 5 dernières Ligues des Champions ? Que dire de la situation du PSG qui, à lui seul, débourse plus en charges sociales que les clubs de Bundesliga, Serie A et Liga réunis (source : étude Première Ligue). Rien qu’avec les charges patronales, le club de la capitale s’acquitte d’une somme équivalente à 77 millions d’euros pour le régime social français. Un handicap significatif dans la course à la compétitivité saine.

Or, le palmarès de grands clubs aujourd’hui érigés en modèle, a en partie été financé à « crédit » voire par des procédés limite frauduleux. Souvenons-nous de l’opération ‘Salva Calcio’ - lancée en 2002 par Silvio Berlusconi alors président de l’Italie et propriétaire du Milan AC - qui a permis aux clubs italiens de rembourser les charges et impôts qu’ils avaient “oublié” de payer dans les années 90. Quant au puissant Real Madrid, n’oublions pas qu’il était criblé de dettes à la fin du et ne doit son salut qu’à la requalification de son ancien centre d’entraînement en terrain à bâtir. Son président Florentino Pérez (géant du BTP espagnol) a su convertir cette opportunité “royale” en manne d’argent pour financer sa politique des Galactiques (Zidane acheté 75M€ en 2001…en plus des quelques Beckham, Figo et Ronaldo).

Au vu des antécédents de ces géants aux pieds d’argile, leur volonté d’instaurer un fair-play financier relève du fameux adage “Faites ce que je dis, surtout pas ce que j’ai fait.” Car ce FPF n’a, au fond, pas grand chose de fair-play : certains peuvent y voir, légitimement, une forme de protectionnisme vis-à-vis des clubs dominants lors de son entrée en vigueur. Ceux-ci ayant alors le loisir de profiter de leur position initiale. Leurs potentiels rivaux, souvent qualifiés de “nouveaux riches”, se sont trouvés empêchés d’investir suffisamment et puissamment pour se mettre à la hauteur de la concurrence déjà établie.

Les mauvaises langues répondront qu’il n’y aurait plus de limites sans fair-play financier. Rien ne priverait alors un multimilliardaire d’investir dans un club pour en faire un onze All-Star, ne regardant ni prix ni salaires des joueurs.

Il faudrait plutôt trouver une formule pour réguler les écarts entre les mastodontes du football et ceux qui tendent à le devenir afin de préserver la glorieuse incertitude du sport : soit en limitant la puissance des premiers; soit en laissant les seconds tenter de challenger les “gros”; ou bien en redistribuant des moyens financiers vers les moins dotés… mais dans un schéma d’ascension/relégation, cette dernière solution relève de l’utopie.

Voilà pour ce qui est de la dimension financière du fair-play. Laissons de côté les affaires de corruption, de dopage ou autres démarches frauduleuses et attendons la prise de position officielle de l’UEFA vis-à-vis du cas Manchester City…

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Etudiant en journalisme et passionné de sport, Valentin Nonorgue est un membre de l’Observatoire du Sport Business. Il est également co-fondateur de Legendary, podcast vidéo sur les légendes de la NBA, et chroniqueur pour Parlons Basket.

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