Un plan de relance pour un retour à l’esprit animal

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Par Jean-Luc Ginder Modifié le 13 décembre 2022 à 20h39
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2 220 milliards ?La France est endettée à hauteur de 2 220 milliards d'euros.

Le coût de l’action n’est rien comparé au coût de l’inaction. L’économie française est vacillante. Pour tenter de sortir la France du marasme, l’Etat devra inévitablement mettre de l’argent sur la table. La relance de l’économie française est urgente.

Le capitalisme est une idée brillante. Mais nous devons en constater les effets désastreux. La situation depuis 2 008 nous confronte au même problème que celui rencontré dans les années 30. Le capitalisme souffre d’un manque de contrôle adapté et le rôle de l’Etat est d’intervenir pour permettre à l’économie française de se retrouver sur les rails.

Notre économie déséquilibrée est le résultat d’erreurs de politique économique depuis de nombreuses années. Le gouvernement actuel ne doit pas penser lui aussi qu’il serait judicieux d’espérer que l’économie française se rétablira toute seule car ce serait une erreur au regard des chiffres actuels. Dans notre monde interconnecté, la politique du chacun pour soi est par essence vouée à l'échec. L’inconcevable et l’inimaginable doivent être envisagés afin d’imaginer en urgence les solutions incontournables.

Comment la France pourra-t-elle rembourser 2220 milliards de dettes ? Sachant qu’on ne peut pas s’acquitter d’une dette à partir de rien, il nous faut rétablir une économie en état de marche qui sera capable de créer de l’argent et de la richesse. Le déséquilibre économique actuel entraînera sans doute une sorte d'hyperinflation susceptible d’abîmer encore le fragile tissu sociétale par une baisse de plus en plus insoutenable du pouvoir d’achat.

Je constate que l’heure est venue pour nous de dompter notre fonctionnement économique et de mettre au service de la société l’outil capitaliste. Nous devons maîtriser l’imprévisible en apportant notre vision et notre volonté tenace d’inventer un monde économique apaisé au service de chacun. Ce qui apparaît fatalité aujourd’hui, souvenons-nous de l’implosion du système financier en 2008 malgré une longue croissance, ne doit pas être notre vision inéluctable et apeurée de l’avenir mais une leçon apprise et comprise pour avancer.

L’économie n’est pas une science exacte, elle est incertaine. Sa réalité est la vie des personnes et non une accumulation de chiffres auxquels on voudrait donner un sens. Puisqu’on n’est pas en capacité de prédire l’avenir le seul moyen d’observation à notre disposition est l’observation du comportement des hommes et l’analyse de l’évolution engagée. Les manuels d’économie nous décrivent le phénomène suivant : en période normale, plus une chose devient chère, moins les gens l’achètent et en période de bulle (nous y sommes) lorsque le cours d’une action ou de bien immobilier augmente les gens achètent plus avec l’idée que l’investissement va prendre de la valeur. Cela se vérifie un temps. Mais la bulle finit toujours par éclater car tout le monde pense la même chose et reste en dynamique d'achat. Ces comportements observés de masse relèvent d’une attitude non réfléchie et induit l’imprévisibilité du marché. Le rejet de la politique du chacun pour soi est plus que jamais d’actualité.

Le risque d'une crise systémique et d'une dépression (Rapport annuel 2016 du FMI) nous contraint à un état de prudence. Car, et il faut le savoir, le rétablissement d'un marché financier (donc de l'économie) n'est jamais automatique. En France aujourd’hui l’humeur économique est à la morosité (malgré la mesure positive du moral des ménages): le nombre de chômeurs augmente, les usines ferment, le pouvoir d’achat se dégrade…Notre économie n’est pas en bonne santé et notre société dite civilisée vit mal. L’heure économique est à la morosité. Nous vivons la récession depuis plusieurs années. Le pessimisme est incompatible avec la guérison espérée. Comment une économie pourrait-elle se stabiliser sans aide avec un moral aussi bas ?

La France est sur le point de tomber dans un piège d’où il lui sera difficile de sortir. En effet, si la peur gagne les industriels et les commerçants, s’ils stoppent leur production ou leur commerce faute de savoir s’ils pourront vendre leurs produits ou leurs services, le risque sera encouru dans un avenir proche. La synergie de perte du pouvoir d’achat national aux causes endogènes est un cercle vicieux pour l’industrie et le commerce français. En réalité, malgré les annonces de dites bonnes nouvelles, la situation économique française ne s’améliore pas. Car chaque Français ou Française qui perd son travail, se retrouve avec un pouvoir d’achat réduit donc ils dépensent moins et entraînent avec eux dans le chômage ceux qui produisent.

Le fameux esprit animal tend à disparaître du monde des affaires et semble vouloir toucher l’ensemble de la population française. Malgré les annonces de reprise, le commerce et l’emploi vont mal. Pourtant la recette d’une relance économique saine relève pour moi du simple bon sens : il faut créer de l’emploi pour financer la croissance. On constate que les investisseurs nationaux et internationaux se font rares en direction de la France et les banques ne jouent plus leur rôle au niveau des crédits aux entreprises. Les acteurs actifs de l’économie française, malgré leur bonne volonté, sont les financements dits alternatifs mais ils souffrent de leur faiblesse financière. Quelque chose peut et doit être fait, l’aide publique dans le secteur privé est urgente et indispensable.

Les faibles taux de crédit ne sont pas un signal assez puissant dans le climat de morosité ambiante. Les entreprises ne trouvent pas d’intérêt à investir et les ménages hésitent à emprunter quel que soit le taux d’intérêt. C’est pour cette raison que l’Etat doit remettre la machine économique en route en augmentant les dépenses publiques.

En effet si l'Etat empruntait pour créer de l'emploi et non pour payer son train de vie, les Français dépenseraient plus, la confiance dans l'économie française serait restaurée et la relance économique française se rétablirait. Les dépenses de l'Etat pourraient s'accompagner d'une hausse des recettes fiscales et donc les comptes publics pourraient s'équilibrer. Alors qu'équilibrer les comptes de la France en réduisant les dépenses et en reformulant le code du travail (même avec des allègements de charges) ne suffit pas, il faut créer de l'emploi. La preuve est que si l'on réduit les dépenses de l'Etat pendant une récession (et cela est bien ce que nous vivons) la demande diminue et le chômage augmente…un cercle vicieux et non vertueux. Comment donc retrouver la confiance alors que les entreprises vont mal et que le chômage français augmente dans la réalité non statistique? Cela est impossible sans investissement publique dans l'économie réelle privée.

La France a besoin d'action. Elle doit très vite avoir des projets emblématiques nationaux. De grands projets – à la hauteur d'une grande nation – dans le domaine de l'énergie, de l'industrie, de l'environnement, en un mot de grands travaux créant de grandes recettes nationales tout en créant de l'emploi par centaine de milliers, de nouvelles vies, et de l'argent à dépenser en France. Des millions d'investissements publiques peuvent engendrer une croissance nationale de plusieurs milliards d'euros grâce à l'effet démultiplicateur.

A contrario, et cela semble logique, lorsque les particuliers et les entreprises arrêtent de dépenser leur argent et que l'Etat se met à réduire ses dépenses l'économie s'effondre. De fait, le but de soutenir l'investissement de l'Etat est de restaurer la confiance ou l'esprit animal en soutenant l'investissement privée et la consommation. L'allègement seul des charges n'est plus suffisant et favorise l'emploi "low cost" à court terme sur fond de prétexte de compétitivité. C'est pourquoi à la lecture du programme économique à venir je trouve dangereux que la France fasse le choix de l'austérité à dominante sociale au regard des risques estimés : affaiblissement de l'économie nationale, hausse du chômage réel engendrant son lot de souffrances inutiles.

Les Français et leur France attendent un vaste programme d’investissements publics en plus de voir la politique d’exportation de services et de biens placée au cœur de la politique économique française car ils attendent une augmentation du nombre des emplois nationaux et des salaires, pour changer leur vie et celle de millions de concitoyens. Ce choix impliquera de creuser le déficit qui est à ce jour de 75 Milliards (3.5% du PIB) et l’objectif de se débarrasser de la dette reste l’enjeu. Les emprunts et dépenses devront être judicieux et les choix raisonnés. C’est une mission de longue haleine, il n’existe pas de solution miracle et nous sommes tous dans le même bateau.

Je suis très inquiet de l’augmentation des inégalités en France et de la contraction de la classe moyenne. La probabilité d’un repli et d’une attitude de chacun pour soi m’inquiète. Je ne souhaite pas que les circonstances aboutissent à un état de conflit urbain ou nationaliste larvé. L’imagination et l’optimisme doivent éclairer et guider notre vision de l’économie. Je garde une foi immuable en l’humanité des Français et j’ai la conviction que l’Etat et la société peuvent être des alliés pour venir en aide aux plus défavorisés, classe moyenne comprise.

A tous niveaux, il est urgent que nous nous posions les bonnes questions. Nous devons explorer les causes profondes des échecs successifs de tentative de relance de la croissance, nous devons comprendre ce que nous pouvons modifier dans notre comportement et dans notre vision de l’avenir et savoir clairement vers où nous voulons tendre et l’expliciter. Personne n’a le pouvoir de prédire l’avenir mais chaque individu porte la responsabilité de ses pensées et de ses actes. Le défi que nous avons à relever pourrait être de dompter enfin notre économie, d’y pénétrer avec intelligence et finesse afin de le contraindre à être à notre service et non l’inverse.

Nous ne pouvons donner notre pouvoir à des chiffres seuls car ce serait oublier que l’économie n'est pas une science et que nous voulons apporter des solutions à des hommes. Notre défi est de dompter le pouvoir de l’argent afin de l’utiliser à notre avantage dans un monde où l’économie sera toujours imprévisible. Un investissement fort de l’Etat dans l’économie réelle saura soulager les souffrances en garantissant une réelle dynamique. L’avenir doit être meilleur et nos différences peuvent être réduites.

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Jean-Luc Ginder est économiste et essayiste spécialiste de la macro économie ainsi que de l'économie de l'Energie. Il est l'auteur du livre « Phobiamanagement » mettant en avant les effets de la peur en économie et du livre « Réflexions Economiques » (Éditions Corps et Ame, février 2018).

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