Une pédagogie insuffisante sur les chiffres du chômage

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Par Alain Desert Publié le 4 juin 2015 à 4h41
Chomage Courbe Emploi France Situation Travail
0,8%Le chômage a progressé chez les jeunes de moins de 25 ans de 0,8% en avril 2015.

On a vu en ce début de mois tomber les derniers chiffres du chômage, le rituel mensuel que les journaux de 20 heures commentent avec toute l’approximation qui s’impose lorsqu’il n’y a que quelques minutes d’experts à glisser dans une actualité souvent trop chargée. Les données du mois d’avril, comme pour les mois précédents, ont été présentées à travers 3 chiffres clés, toujours les mêmes, à la fois évocateurs pour caractériser l’ampleur du phénomène mais insuffisants pour en comprendre les ressorts.

  • 3540000 chômeurs en avril 2015: c’est le niveau du chômage de la catégorie A en France métropolitaine (chômeurs sans aucune activité).
  • +26200 : c’est la variation en valeur absolue
  • +0.7% : c’est la variation en valeur relative

C’est évidemment une énorme claque pour le gouvernement qui avait certainement inscrit dans son agenda quelques zones d’espoir, à la lecture de la croissance miraculeuse du premier trimestre (+0.6%).

Mais revenons vite aux chiffres. Les données citées précédemment sont tout à fait incomplètes pour analyser et comprendre correctement le phénomène. Pourquoi ne présente-t-on pas (ou que rarement) les variables de flux pour mieux appréhender les dynamiques ? Combien de créations et de destructions d’emplois dans le secteur privé (le flux) ? Y a-t-il eu création ou destruction nette d’emplois (le solde). Combien de chômeurs ont retrouvé un emploi et quelle répartition entre public et privé? On ne peut donc se satisfaire d’une vision statique du chômage. On ne peut comprendre le marché de l’emploi et le drame qui en résulte que dans une description dynamique faisant intervenir à la fois les variables de niveaux et les variables de flux. Malheureusement ces dernières ne sont que rarement citées.

Prenons un exemple pour imager les choses. Lorsque vous entrez dans un supermarché, vous avez la possibilité de voir tous les produits à la vente. C’est la partie la plus visible du magasin, comme la célèbre catégorie A des chômeurs, celle qui fait l’objet chaque mois d’un petit décryptage au journal du 20h. Vos yeux ignorent le stock à moitié caché mais toutefois visible tout en haut des rayonnages. Vous avez aussi le stock dans la réserve, le stock caché que vous ne verrez jamais, à l’image des chômeurs non inscrits.

Mais comment pourrais-je avoir une petite idée de l’activité de mon petit magasin si je me limite à la vision des stocks, si rien ne m’informe sur les composantes de flux, à savoir les ventes et les livraisons journalières. Si beaucoup de gens ont retenu qu’il y a eu 26000 chômeurs de plus en avril (je le répète, résultat d’un solde), qui sait combien de personnes ont retrouvé un emploi, et combien l’ont perdu ?

Quand je parle de dynamique, il faut évidemment le prendre au sens « dynamique des systèmes », car chacun l’a bien noté, le dynamisme du marché de l’emploi est plutôt atone dans notre pays contrairement à d’autres pays développés qui ont vu ces dernières années leur chômage baisser. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Grande Bretagne, des Etats-Unis, et beaucoup d’autres pays européens. Cette incapacité chronique de la France à résoudre son problème de chômage démontre bien la faiblesse des actions gouvernementales quels que soient les partis au pouvoir.

Le ministre du travail a aussitôt réagi et « pris les choses en main » en annonçant 100000 emplois aidés supplémentaires venant gonfler les 450000 existants. Le fait que la courbe du chômage ne se soit pas inversée avec un tel niveau d’intervention publique, doit être une réelle source d’inquiétude sur la capacité de la France à redresser son économie. Cette politique de cache misère, parfois nécessaire en période de crise, devrait être accompagnée, avec la même promptitude, de mesures fortes et efficaces, celles qui demandent un vrai courage politique.

Dans le traitement du chômage, tout ne pourrait être que bon sens et volonté, même si on doit rester conscient que rien n’est simple dans un monde compliqué, où les intérêts de chacun divergent, et où les comportements fluctuants de nos dirigeants, à l’image d’un bateau ivre, mélangent les chocs de simplification fortement « claironnés » et rarement concrétisés, avec les chocs de complexification judicieusement cachés mais toujours activés.

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Ingénieur en informatique, Alain Desert a longtemps travaillé sur des plates-formes grands systèmes IBM où il a eu l'occasion de faire de nombreuses études de performances. Il est un adepte de l'approche systémique.

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