Une Union européenne réduite à deux… encore pour combien de temps ?

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Par Jacques Martineau Publié le 4 avril 2019 à 6h04
Europe Feuille Route France Allemagne 1
9%La France a un taux de chômage supérieur à 9% (plus de 6 millions de personnes en recherche d?emploi)

Dans l’Union européenne, au-delà du couple franco-allemand, l’existence de binômes n’est qu’occasionnels et par thématique. La notion et la répétition de mini-sommets parallèles à deux ou à trois n’ont jamais suffi à construire une véritable stratégie politique européenne commune et efficace. Même si la complexité du problème est incontestable, qu’il faille des initiatives, des propositions concrètes, jouer à deux ou à quelques-uns, n’est pas une solution viable à long terme. Une Union réduite à deux a-t-elle encore un avenir ?

L'exclusivité du couple franco-allemand

Placées sous l’égide d’une communication à tout prix, ces rencontres à deux s’assimilent à des élucubrations politiques sans effet, quels qu’en soient le prétexte, la raison, la forme ou le faste. On ne compte plus le nombre de sommets franco-allemand, à tout propos et en toutes circonstances. L’opinion publique les ignorent, quant aux autres partenaires européens, ils s’en sentent exclus, sans pour autant y percevoir le moindre préjudice puisqu’ils demeurent sans suite. La comédie du surplace n’a que trop durée. Les classements sont les mêmes, les problèmes demeurent et chacun finit par se boucher les yeux et les oreilles pour ne pas voir la vérité et entendre les critiques ! Au-delà des raisons profondes de la décision de Brexit du Royaume-Uni, il n’est pas difficile de comprendre que ce ménage permanent à deux n’était pas de leur goût…

Comment peut-on imaginer que l’avenir de l’Union européenne soit gérable avec deux pilotes à sa tête dont un commandant de bord reconnu (l’Allemagne) et un copilote dégradé (la France) ? Avec un déficit annuel de moins de 3%, une dette voisine de 100% du PIB (à hauteur de 2 250 milliards d’euros), un taux de chômage supérieur à 9% (plus de 6 millions de personnes en recherche d’emploi), c’est l’occasion d’un satisfecit pour la France. Une nouvelle amplement reprise dans la presse : 2018 est une année encourageante pour la maîtrise du budget ! Pour 2019, les perspectives s’avèrent encourageantes avec un taux de croissance prévu supérieur à celui de l’Allemagne, même si l’accroissement de la dette et du déficit sera plus important ! Quant au déficit commercial extérieur, il est préférable d’éviter d’en parler !

Chacun y trouve son intérêt

Cette relation franco-allemande à intérêts réciproques favorise la France au plan budgétaire et financier. La couverture bancaire germanique est essentielle et sert de cautin vers la BCE. La tolérance allemande peut aussi se comprendre. Les intérêts de notre voisin à entretenir ce tandem sont loin d’être négligeables. Garant de notre dette, l’Allemagne profite à l’intérieur de l’Union européenne d’un excédent de commerce vis-à-vis de la France. Avec un marché à l’export de 75% sur l’ensemble de l’Europe dont 60% dans la zone euro, l’Allemagne ne tient pas à des règles protectionnistes, pas plus qu’à un euro affaibli.

Au-delà de notre position géographique naturelle, l’Allemagne lorgne sur nos principaux atouts. Les ressources énergétiques de la France sont mondialement reconnues. Un parc nucléaire, des moyens stratégiques de défense, une armée opérationnelle et un important marché d’armement sont autant d’avantages cachés non évoqués qui intéressent l’Allemagne. L’industrie aéronautique et spatiale, l’industrie automobile, les chantiers navals avec une ouverture maritime exceptionnelle, sans oublier le développement récent du numérique. Comme puissance nucléaire, la France occupe un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. L’Allemagne et l’Union européenne, faute d’en obtenir un nouveau seraient tentées de proposer à la France de le partager ! Une requête surdimensionnée à sens unique !

Les limites d'un système à 27 sous une gouvernance bilatérale...

Dans tous les cas, les accords obtenus par le binôme à Bruxelles, concernent d’abord l’aspect économique. Les propositions politiques se limitent au sens politicien du terme au bénéfice des deux leaders affichés. La Commission européenne aux ordres du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement des États se charge d’apprécier ses recommandations et d’imposer à l’ensemble des membres les décisions qui en résultent. L’ingérence permanente dans le contrôle législatif des politiques des pays devient insupportable. Seule la distribution des bons points ou des blâmes occupe la presse économique au regard de leurs tableaux de bord.

On a trop souvent tendance à oublier que cette Union rassemble 27 pays, Brexit oblige, dont 19 d’entre eux appartiennent en plus à une zone euro, à monnaie unique. Il va de soi que ce montage, privilégiant la relation bilatérale ne pourra pas s’éterniser sans contribuer à l’explosion de l’Union européenne. À court terme, la naissance d’un début de gouvernance européenne financière et économique dans le contexte actuel n’est qu’un rêve lointain.

L’ensemble de l’équilibre fragile du système s’appuie sur le traité de Lisbonne, dépassé et obsolète, inadapté en situation de crise ou à l’occasion de tout progrès. Ce traité est un frein pour le passage à l’action. Sera-t-il modifié ? Quand, comment, par qui et pour quoi faire ? Est-ce la solution ? Les différences d’origines, historiques et culturelles, ne peuvent faire fi des identités nationales. Cela exclue toute idée de gouvernance fédérale face à une véritable Europe des nations. L’Union européenne est désormais au pied du mur, les futures élections européennes seront-elles à l’origine d’un basculement ? A suivre…

Image Jacques M

Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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