Accompagner le plan « Usines du futur » par l’innovation managériale

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Par Thomas Peaucelle Modifié le 22 mai 2015 à 6h48
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2,5 milliards €Le Premier ministre a promis 2,5 milliards d'euros d?avantage fiscal pour les entreprises investissant dans leur outil productif au cours des douze prochains mois.

Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, a déclaré vouloir faire du plan « Usines du futur », 34ème et dernier volet du vaste projet de la « Nouvelle France industrielle », une priorité gouvernementale. Mais l’usine du futur n’existera pas en dehors de considérations managériales visant à rendre l’entreprise plus agile.

S’il est encore trop tôt pour juger des effets de cette initiative unissant acteurs publics et privés, on ne peut qu’approuver l’objectif annoncé : « relever le défi d’une double transition, e?cologique et e?nerge?tique d’une part, nume?rique et digitale d’autre part ».

Favoriser l'innovation en France

Il est effectivement bienvenu de tout mettre en œuvre pour favoriser la diffusion au sein du tissu industriel français des innovations cruciales que sont, par exemple, le prototypage rapide, la convergence des re?seaux sociaux, l’hyperconnexion des entités, les interfaces homme-machine, la robotique, la re?alite? augmente?e, l’impression 3D ou encore l’intelligence artificielle…

Ce chantier immense est d’autant plus enthousiasmant que ces technologies projettent une vision profondément renouvelée de l’entreprise et de son rôle au sein de la société. En effet, ces innovations ne permettent pas seulement de concevoir et proposer de nouveaux produits et services. Plus radicalement encore, elles conduisent à imaginer de nouvelles façons de travailler, l’objectif étant de rompre définitivement avec le modèle tayloriste qui prévalait auparavant. Car, on l’oublie trop souvent, l’innovation ne se résume pas à la technologie. Elle peut aussi être organisationnelle et managériale.

Mieux : les innovations technologiques appellent d’inéluctables innovations managériales. Ainsi l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication a déjà profondément transformé l’organisation et les processus de production de l’entreprise. L’internet et les réseaux sociaux, le coworking, le télétravail et le travail nomade ont profondément renouvelé les modes traditionnels d’organisation et de création de valeur.

Ne pas céder au french bashing

Sur ce terrain, il n’est pas question de céder à la passion française pour l’autodénigrement. Depuis de longues années, les entreprises françaises ont mené avec courage de profondes transformations visant à entrer de plain-pied dans un univers industriel post-taylorien. Elles ont abandonné leur ancienne propension au gigantisme, à la standardisation, à la centralisation, à la planification. À l’instar de Cofely Ineo, la plupart d’entre elles sont maintenant organisées en petites unités travaillant en « mode projet ». Elles ne visent plus à inonder des marchés de masse avec des produits standardisés, mais à la création sans cesse renouvelée de produits et services sur mesure à destination de clients singuliers.

Toutefois, le plan « Usine du futur » est probablement l’occasion d’aller plus loin encore dans cette mutation en rompant non seulement avec les structures organisationnelles du taylorisme, mais aussi avec ses structures mentales. Cela est absolument nécessaire car les innovations technologiques et les transformations organisationnelles ne produisent leurs effets bénéfiques que si elles s’accompagnent également d’une révolution managériale et d’un profond changement d’état d’esprit.

Un exemple : il est parfaitement avisé d’adopter un fonctionnement en mode projet et d’abandonner les structures hiérarchiques pyramidales d’antan afin de gagner en réactivité, en flexibilité. Mais encore faut-il ne pas brider cette nouvelle liberté par un surcroît de règles, de procédures, de process et de reportings toujours plus tatillons ! Sinon l’agilité recherchée ne sera pas au rendez-vous : l’organigramme pyramidal aura certes disparu mais ses pesanteurs persisteront.

Instaurer un esprit collaboratif

Pour que l’entreprise du futur exploite tout son potentiel de créativité, il ne suffit pas de se doter des derniers outils collaboratifs. Il faut insuffler un esprit collaboratif en renonçant réellement à un management de type « command & control ». Comme l’a bien noté Richard Collin, professeur et directeur de l’entreprise 2.0 à Grenoble Ecole de Management, « plus que jamais, l’entreprise devient une histoire de relations humaines. Nous sortons des logiques de processus pour entrer dans des logiques de conversations ». Dans l’entreprise du futur, chaque salarié doit ressentir qu’on lui fait confiance et qu’il ne sera pas apprécié pour sa conformité mais pour sa créativité et son ardeur à trouver de nouvelles réponses à des défis toujours renouvelés.

Cette révolution managériale n’est pas une utopie fumeuse. Au sein de Cofely Ineo, nous l’avons accomplie en nous appuyant sur la belle vertu qu’est la confiance. Le principe en est extrêmement simple : nous donnons des objectifs à nos salariés, mais nous leur laissons une vaste latitude pour imaginer les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Faut-il le préciser ? Nous n’avons jamais eu à le regretter. D’une part parce que les personnes qui accomplissent une tâche sont généralement les mieux placées pour y apporter des améliorations. D’autre part, parce que la confiance accordée ne libère pas seulement les salariés mais également les membres de la hiérarchie.

Il ne faut en effet pas se méprendre : dans une entreprise irriguée par la confiance, la hiérarchie reste nécessaire. En revanche, elle n’est plus accaparée par les fastidieuses tâches de contrôle. N’ayant plus à examiner dans le détail les tâches accomplies par chaque salarié, elle peut porter son regard plus loin en se concentrant sur ce qui relève vraiment de sa responsabilité : la promotion d’une vision d’avenir porteuse de sens, de valeur, et de cohésion.

Telle est la force de la révolution managériale par la confiance : tout le monde a à y gagner. Voilà pourquoi il nous semble que l’élan innovateur généré par le plan « usines du futur » mérite de se prolonger au plan managérial. L’entreprise du futur doit aussi être une entreprise plus humaine.

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Thomas PEAUCELLE a créé en 2016 la société KAIROS-c2i, société de conseil en stratégie et innovation qui aide les entreprises à transformer les défis actuels en opportunité de croissance par l’innovation et la transformation. A ce titre il effectue un certain nombre de travaux de prospective sur les transformations numériques et énergétiques, vues comme des opportunités pour résoudre les problèmes démographiques, d’urbanisation, de sécurité,…   Il intervient principalement sur trois segments de marché : l’énergie, les smart cities et la sécurité/défense.   Auparavant, il avait participé à la création de la société INEO, dont Il était devenu Directeur de la stratégie en 2008 puis Directeur Général Délégué en 2012 (CA de 2,4 Mds € et 15 000 salariés).

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