Le voeu de vérité

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Par Jacques Bichot Modifié le 2 janvier 2019 à 9h06
Retraites Personnes Agees Voeux Macron
0,3%Les pensions de retraite ne seront revalorisées que de 0,3% en 2019 et 2020.

En adressant aux citoyens ses vœux pour la nouvelle année, le Président de la République en a formulé plus spécifiquement trois. Le premier d’entre eux fut le vœu de vérité. « On ne bâtit rien sur des mensonges », a-t-il affirmé, ni sur « un déni parfois flagrant de réalité ». Il a souhaité « que nous acceptions enfin les réalités ».

Ce vœu tombe à pic, puisque la plus importante des réformes en cours, celle de la retraite par répartition, concerne une institution bâtie sur un déni flagrant de réalité, sur un mensonge.

Pourquoi nos retraites sont actuellement bâties sur un mensonge

Les régimes de retraites par répartition attribuent en effet les droits à pension en fonction de « cotisations vieillesse » qui servent à payer les pensions des retraités actuels, et en aucune manière à préparer les pensions futures des cotisants. Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a même promis une réforme aux termes de laquelle cette caractéristique serait renforcée, de façon que chaque euro cotisé donne les mêmes droits à pension. Or, comme le démographe Alfred Sauvy l’a expliqué en son temps, « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ». Chaque génération est en effet prise en charge, dans sa vieillesse, par ses descendants ; ses cotisations vieillesse, elles, ont servi à entretenir ses ascendants, et elles n’ont pas miraculeusement une seconde vie.

Autrement dit, la République Française, comme d’ailleurs quasiment tous les pays du monde, a édifié un système de retraites qui ne tient quasiment pas compte de la réalité, à savoir que nous préparons notre future prise en charge en tant que personnes âgées en mettant au monde des enfants et en contribuant de diverses manières à en faire des hommes et des femmes capables de produire non seulement ce qu’ils consomment, mais aussi ce que consomment leurs « anciens ».

Comment faire la vérité

Si le premier vœu du Président est sérieux, il doit de toute urgence modifier la feuille de route du Haut-commissaire à la réforme des retraites. Passer d’une quarantaine de régimes à un seul est bien, mais nullement suffisant. Adopter pour ce régime unique un calcul des droits à pension sous forme de points, comme à l’AGIRC-ARRCO, est bien, mais nullement suffisant. Pour être dans la vérité, pour ne pas persévérer dans le mensonge, il faut impérativement que ces points soient attribués au prorata des contributions apportées à la génération suivante, dont les membres payeront les pensions des cotisants actuels. Les cotisations vieillesse que versent ces actifs servent uniquement à entretenir les retraités actuels, elles ne préparent pas l’avenir.

Les contributions à prendre en compte pour l’attribution des points de retraite, si l’on respecte le vœu présidentiel de passage du mensonge à la vérité, ce sont en premier lieu la mise au monde des enfants, suivie par leur entretien et leur éducation. Au passage, disparaîtra le mensonge budgétaire – hélas non dénoncé par la Cour des comptes » - qui consiste à considérer comme « non contributifs » les maigres droits à pension attribués actuellement aux parents ès-qualité.

L’entretien et l’éducation des enfants repose à la fois sur l’activité des parents, et sur les contributions monétaires de tous les actifs, qu’elles soient destinées aux familles ou au système d’enseignement, ou encore, subsidiairement, à l’assurance maladie, car une petite fraction des cotisations maladie des actifs sert aux enfants et aux jeunes en formation. Réunir tous ces prélèvements dans une « contribution jeunesse » serait conforme au vœu présidentiel de vérité : cotiser pour la santé des enfants, pour celle des actifs, et pour celle des retraités, sont trois choses différentes, et ignorer cette différence est une forme de mensonge institutionnel.

Pour plus de détails sur la réforme à réaliser pour faire sortir du mensonge notre système de retraites par répartition, et finalement notre sécurité sociale, dont toutes les branches sont imbriquées, le lecteur et le Président trouveront beaucoup de choses dans mes livres et articles. Un bon début serait le Plaidoyer pour la jeunesse paru dans Futuribles en novembre 2018.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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