Zone euro et Chine : la politique économique au coeur

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 26 juillet 2019 à 7h22
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5%Le déficit budgétaire de la Chine représente 5% de son PIB.

C’est dans un environnement économique toujours dégradé (cf. les enquêtes PMI de juillet) que la BCE réunit son Conseil des gouverneurs. La route menant à un réglage monétaire plus accommodant devrait être balisée. En Chine, le Bureau politique, qui doit se réunir dans les prochains jours, devrait insister sur la politique de soutien conjoncturel.

Ralentissement du PIB, droits de douane, inflation... : les incertitudes demeurent

La Zone euro va être au cœur des préoccupations aujourd’hui, avec le Conseil des gouverneurs de la BCE, dont la conclusion des travaux sera connue en début d’après-midi et commentée par Mario Draghi lors de la classique conférence de presse.

En préambule, la première livraison des enquêtes PMI de juillet a été publiée hier. L’indice composite, qui synthétise l’information en provenance des secteurs manufacturier et de services, a baissé de 52,2 à 51,5. Il y a sans doute trois messages à recevoir de ces chiffres : 1) une certaine stabilité, voire une très légère amélioration, est en place depuis le tournant de l’année nouvelle, et ceci au-delà des fluctuations au mois le mois, 2) le troisième trimestre commence en retrait, même si celui-ci est faible, par rapport au deuxième, 3) il est acquis que le PIB a ralenti en T2 par rapport à T1.

Il faut avoir à l’esprit, et c’est important, que tous ces messages sont entourés d’un halo de fragilité. L’activité manufacturière fait preuve de plus en plus de faiblesse. Pendant combien de temps encore l’activité dans les services pourra-t-elle « faire de la résistance » ? On ne sait pas très bien répondre. Même s’il est clair qu’à la genèse de la dégradation de la confiance dans le secteur manufacturier on trouve les incertitudes sur le commerce mondial, en relation avec les initiatives de renchérissement des droits de douanes (effectives ou redoutées) de l’Administration américaine. Par rapport à un déroulé cyclique classique, la part du subjectif dans les réponses des entreprises interrogées est probablement plus élevée.

Voilà pour le décor du côté de la croissance économique. En termes d’inflation, le panorama est aussi préoccupant. Depuis plus de deux ans, le glissement sur douze mois du noyau dur des prix à la consommation évolue autour de 1%, sans montrer de signes d’inflexion haussière.

Pour ce qui est des anticipations inflationnistes, si celles des consommateurs font plutôt preuve de stabilité, celles des marchés baissent de façon significative depuis la fin de l’an passé.

BCE : QE ou pas QE ?

La BCE est prête à agir, pour à la fois convaincre de sa volonté d’enrayer ces pressions baissières et créer les conditions de progressivement plus d’inflation. Elle doit apporter une contribution à la lutte contre les conséquences négatives de la montée des incertitudes. Comme la Fed, mais dans un environnement encore plus contraint, elle veut apporter des éléments de clarification : les conditions monétaires et financières resteront favorables.

Mario Draghi l’avait dit au sortir du Conseil des gouverneurs du 6 juin 2019 et redit avec beaucoup d’emphase quelques jours plus tard lors du colloque de Sintra. A côté du programme TLTRO 3, déjà prêt et qui sera lancé au sortir de la trêve estivale, la chronique devrait être la suivante : modification de la forward guidance (guidage prospectif) avec des taux directeurs potentiellement plus bas, baisse de ceux-ci et reprise des achats d’actifs (Quantitative Easing). L’ordonnancement précis n’est pas connu, et le caractère ferme ou conditionnel du redémarrage du QE est sans doute toujours l’objet de débats. Un cheminement « classique » suivrait le déroulé suivant : annonce sur le changement de forward guidance aujourd’hui et en septembre baisse des taux et positionnement par rapport à la question du QE.

Il faut garder à l’esprit ce caractère contraint des actions nécessaires que la BCE va être amenée à prendre. La baisse des taux directeurs et l’éventuelle reprise d’un QE, qui ferait la part belle aux achats de titres d’Etat, ne facilite pas directement la vie des banques : taux courts encore plus négatifs et courbe des taux peut-être encore plus plate. Il faudra prendre des mesures pour contrer ces effets défavorables. Le tiering en fait partie. In fine, trouver le bon dosage ne sera pas simple.

Chine : beaucoup de questions restent en suspens

A côté de l’Europe, il faut s’intéresser à la Chine. Surtout en ces derniers jours de juillet. La réunion trimestrielle du Bureau politique devrait se tenir très prochainement. Que faut-il en attendre ? Le communiqué, publié au sortir des travaux, devrait reprendre la trame des précédents. C’est sur les changements de fond qu’il faut s’interroger.

Sur les conditions de la croissance, les freins restent là : un environnement extérieur moins porteur d’abord, mais aussi et ensuite des facteurs cycliques et structurels moins favorables. En matière d’objectifs de croissance, il faudra sans doute distinguer le quantitatif du qualitatif. Pour le premier, un objectif de progression du PIB sera-t-il avancé ? Cela n’avait pas été le cas en avril dernier. Est-ce utile de le réintroduire ? Oui, pour envoyer un message volontariste : le Parti-Etat délivrera le dynamisme économique dont le pays a besoin. Non, si celui-ci estime qu’il n’y aura pas de déviation autre que marginale par rapport à la trajectoire déjà fixée. Le questionnement tourne donc autour du message de plus ou moins grande confiance qu’il est jugé nécessaire d’envoyer. Pour le second, à savoir l’élément davantage qualitatif, il faut se souvenir que la référence aux « six stabilités » avait été omise il-y-a trois mois de cela. Celles-ci, insistent sur la nécessité de réformes de structure. Ne pas les mentionner revenait à suggérer que la politique conjoncturelle est décisive à l’heure actuelle. Même si la nécessité du désendettement n’était pas oubliée. Que va-t-il en être cette fois-ci ? Il serait logique que l’insistance sur le soutien à l’activité soit amplifiée et que les préoccupations plus structurelles soient une fois encore un peu mises de côté. En termes de policy mix, l’emphase devrait rester davantage mis sur l’aspect budgétaire, relativement au monétaire. Et tant pis si le déficit budgétaire « complet » atteint des niveaux vraiment élevés.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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