Jean-Paul Périat : Innovation bancaire suisse, leadership de transformation des family offices

Représentant une figure rare dans la banque suisse, Jean-Paul Périat incarne un traditionaliste ouvert à l’innovation radicale. Fort de 50 ans d’expérience, de ses débuts comme apprenti jusqu’à son rôle de pionnier du trading d’options et fondateur d’Herculis Group, il a su transformer la banque privée en alliant les valeurs suisses séculaires à la technologie de pointe. L’entreprise qui porte sa vision gère aujourd’hui des milliards grâce à l’analytique IA, la tokenisation des cryptomonnaies et le trading d’or adossé à la blockchain, démontrant que la fiabilité helvétique et la flexibilité de la nouvelle économie peuvent se conjuguer harmonieusement.

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By La rédaction Published on 17 octobre 2025 11h01
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Jean-Paul Périat : Innovation bancaire suisse, leadership de transformation des family offices - © Economie Matin

Né dans le canton du Jura, au sein d’une famille catholique traditionnelle de sept enfants, Jean-Paul a tracé un parcours qui relie ses racines villageoises à l’innovation financière, illustrant l’évolution de la banque suisse. Après avoir maîtrisé le trading d’options aux États-Unis, à une époque où les produits dérivés étaient presque inconnus en Suisse, il a bâti sa carrière au sein d’institutions prestigieuses avant de fonder en 2009 Herculis Group, un tournant décisif. Aujourd’hui, il supervise cinq bureaux Herculis, au service d’une clientèle ultra-fortunée qui recherche à la fois discrétion et sophistication technologique.

En parallèle, à travers Action Margaux, Jean-Paul montre comment une épreuve intime peut devenir une force au service d’un impact social plus large.

Jean-Paul, en créant Herculis Group, vous avez choisi d’allier l’héritage bancaire suisse à la modernité de l’innovation. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce modèle hybride, et pourquoi avoir mis l’accent sur l’approche family office?

Jean-Paul Périat : Les familles fortunées que j’ai rencontrées partageaient un même défi : elles avaient besoin de structures financières sophistiquées, mais ne trouvaient pas de prestataires capables de conjuguer la discrétion suisse avec la complexité du monde moderne. Les banques traditionnelles se révélaient trop rigides, tandis que les acteurs plus récents manquaient de l’expérience approfondie qu’exigent ces clients. C’est ainsi que j’ai compris qu’il était possible de créer autre chose : un family office qui respecte les principes helvétiques de confidentialité et de vision à long terme, tout en intégrant pleinement l’innovation technologique. Car ces clients ultra-fortunés ne recherchent pas seulement une gestion d’investissement, mais de véritables stratégies globales de préservation du patrimoine, conçues pour traverser les générations. Notre modèle englobe ainsi la planification successorale, l’optimisation fiscale, les investissements alternatifs et les nouvelles classes d’actifs — le tout sous un même toit. La structure family office nous permet de placer le client, et non le produit, au centre. C’est une approche indispensable lorsqu’il s’agit de gérer un patrimoine générationnel, qui exige à la fois protection et croissance.

Vos racines dans le canton du Jura semblent avoir profondément influencé votre philosophie d'entreprise. Comment les valeurs suisses traditionnelles de votre éducation se traduisent-elles dans les pratiques modernes de gestion de patrimoine ?

Jean-Paul Périat : Avoir grandi dans le Jura, au sein d’une famille catholique de sept enfants, m’a transmis des principes fondamentaux qui guident encore Herculis Group aujourd’hui. Chaque soir, dix personnes partageaient la même table — mes parents, mes frères et sœurs, ainsi que ma grand-mère — et ce quotidien m’a inculqué des valeurs de communauté, de responsabilité et de protection mutuelle. Ces souvenirs ne sont pas seulement personnels ; ils se traduisent directement en principes d’affaires. En gestion de patrimoine, il ne s’agit pas de gérer des chiffres, mais d’administrer des héritages qui façonnent plusieurs générations. L’approche suisse repose sur la patience, la rigueur et une intégrité absolue. Quand les clients nous confient l’avenir de leur famille, ils attendent la même fiabilité que celle qui a forgé la réputation de la banque suisse au fil des siècles. Chez Herculis, nous bâtissons des relations qui se mesurent en décennies, pas en trimestres. Cette mentalité jurassienne — faite de délibération prudente avant l’action et d’une attention sincère au bien-être des personnes — constitue le socle de la confiance que cette clientèle exige. La technologie moderne vient renforcer ces liens, mais elle ne remplacera jamais l’engagement humain qui fait l’originalité et la force de la banque suisse.

Herculis Group a intégré l'analytique IA, la technologie blockchain et la tokenisation — assez progressiste pour la banque privée suisse. Comment intégrez-vous ces innovations tout en répondant aux attentes conservatrices des clients ultra-fortunés ?

Jean-Paul Periat : Le secret consiste à montrer que la technologie n’est pas une fin en soi, mais qu’elle sert des objectifs traditionnels. Nos clients recherchent des rendements supérieurs avec un risque maîtrisé — exactement ce qu’ils ont toujours voulu. Lorsque j’explique que nos algorithmes d’IA optimisent la performance des portefeuilles tout en réduisant la volatilité, la technologie apparaît alors comme un outil au service d’objectifs conservateurs. Nous ne commençons jamais par des mots à la mode comme « révolution blockchain ». Nous démontrons plutôt comment l’or tokenisé offre la même protection d’actifs qu’ils recherchent depuis toujours, avec en plus des avantages de liquidité et de propriété fractionnée. À Lugano, notre équipe a développé des modèles avancés d’apprentissage automatique qui alimentent nos comités d’investissement hebdomadaires — mais ce sont toujours des experts humains qui prennent les décisions finales. La clé réside dans une pédagogie progressive : partir de concepts familiers, puis introduire des solutions technologiques qui apportent des bénéfices tangibles. La richesse conservatrice ne signifie pas refuser l’innovation, mais adopter uniquement celles qui ont fait leurs preuves et qui contribuent réellement à la préservation du patrimoine. C’est ainsi que nous avons su convaincre des familles traditionnelles d’intégrer les cryptomonnaies et les actifs tokenisés dans leur stratégie patrimoniale.

Le trading d'or en Suisse est notoirement exclusif, pourtant Herculis Group a réussi à entrer sur ce marché. Comment s'est passé ce parcours, et pourquoi les actifs alternatifs sont-ils si cruciaux pour les stratégies de préservation du patrimoine d'aujourd'hui ?

Jean-Paul Périat : Percer dans le marché de l’or suisse a demandé une persévérance exceptionnelle. Les activités liées à l’or sont concentrées dans seulement deux cantons, et nous avons essuyé deux refus avant de sécuriser notre premier compte de traitement. Chaque obstacle nous a permis de mieux comprendre les exigences réglementaires indispensables au succès. Une fois établis, nous avons procédé à une expansion stratégique : entités en Suisse, une société basée à Oman pour cibler les marchés émergents, et des véhicules spécialisés dédiés à la tokenisation de l’or. Aujourd’hui, les actifs alternatifs sont devenus incontournables, car les portefeuilles traditionnels ne garantissent plus une diversification suffisante ni une protection efficace contre l’inflation. Nos clients ont compris que l’incertitude de la politique monétaire exige des couvertures dépassant les titres conventionnels. L’or reste une valeur refuge éprouvée, tandis que sa tokenisation apporte des solutions modernes de liquidité et de propriété fractionnée. Nous développons actuellement de nouveaux partenariats avec des installations supplémentaires — un processus exigeant de neuf mois, clé de notre expansion internationale. L’effort consacré au trading d’or reflète parfaitement notre philosophie : identifier des actifs qui répondent à de véritables besoins de préservation du patrimoine, puis mobiliser toutes les ressources nécessaires pour y accéder avec professionnalisme. La gestion de fortune moderne ne peut plus se limiter aux approches traditionnelles : elle requiert des stratégies innovantes et audacieuses.

Vous vous étendez à travers l'Europe grâce à votre licence du Liechtenstein tandis que les réglementations suisses limitent le marketing direct à l'étranger. Comment cette stratégie fonctionne-t-elle, et quelles différences rencontrez-vous sur les marchés européens ?

Jean-Paul Périat : Les réglementations suisses créent un paradoxe intéressant : en raison de notre statut hors UE, nous ne pouvons pas faire de marketing direct à l’étranger. Pourtant, grâce à notre bureau au Liechtenstein, nous disposons d’un accès complet au marché européen — notamment en Italie, en Autriche, en Allemagne et en France. Chaque marché exige cependant une approche adaptée. Les clients allemands privilégient la documentation systématique et la transparence réglementaire. Les Italiens accordent de l’importance aux relations personnelles et à la planification centrée sur la famille. Les Français recherchent des stratégies sophistiquées d’optimisation fiscale. Quant aux Autrichiens, ils combinent la rigueur allemande avec une flexibilité culturelle propre. Notre force réside dans la constance des standards suisses : confidentialité et excellence demeurent immuables, mais la présentation s’adapte aux sensibilités locales. Cette stratégie d’expansion est d’autant plus significative que bon nombre de nos affaires actuelles proviennent d’Europe de l’Est, tandis que les familles fortunées, partout en Europe, se détournent progressivement de la banque traditionnelle. Elles recherchent désormais des alternatives : des structures plus agiles, capables d’offrir un service personnalisé tout en disposant de moyens institutionnels. La licence du Liechtenstein nous permet ainsi de conjuguer le meilleur des deux mondes : la tradition suisse et l’accès européen.

Herculis Group, qui est inextricablement lié à votre nom, gère des milliards d'actifs avec seulement 15 employés — une structure remarquablement légère pour une telle échelle. Comment construisez-vous et maintenez-vous la confiance avec les familles ultra-fortunées tout en gardant une attention si personnelle dans notre monde de plus en plus numérique ?

Jean-Paul Périat : Croître sans perdre l’intimité exige des choix délibérés en matière de développement et de sélection des clients. Notre priorité est la profondeur, pas le volume. Chaque membre de l’équipe acquiert une connaissance approfondie des états financiers complets de nos clients, de leurs dynamiques familiales et de leurs objectifs générationnels. Cette clientèle ultra-fortunée recherche des conseillers capables de comprendre leurs situations uniques à travers plusieurs entités — pas de simples gestionnaires de comptes. Je participe personnellement à la sélection de chaque membre de l’équipe afin de garantir que chaque recrutement reflète notre engagement envers l’excellence. Dans la gestion de patrimoine générationnel, les clients veulent l’assurance que des professionnels expérimentés supervisent directement les décisions majeures. Les outils numériques — notamment nos modèles d’analytique IA — enrichissent nos capacités, mais les décisions restent avant tout humaines. Nos clients valorisent l’accessibilité du leadership senior, et non l’intermédiation par des gestionnaires juniors. Grâce à une structure volontairement compacte, nous offrons une agilité que les grandes institutions ne peuvent égaler. La confiance se construit par la démonstration constante de compétence, d’intégrité et d’attention sincère aux résultats sur le long terme. L’attention personnelle n’est pas un luxe d’un autre temps : elle constitue l’élément essentiel pour administrer des fortunes complexes qui requièrent une compréhension nuancée.

Pour changer de registre, votre engagement philanthropique à travers Action Margaux — créée après la bataille de votre fille contre le cancer — met l’accent sur le soutien aux patients atteints de cette maladie. En quoi cette épreuve personnelle a-t-elle transformé votre vision du succès en affaires et de la responsabilité sociale ?

Jean-Paul Periat : La perte de ma fille a profondément transformé ma vision de la réussite. Elle avait refusé le statut d’invalidité, déterminée à préserver son identité professionnelle malgré les traitements. Pourtant, trouver des employeurs capables d’offrir à la fois flexibilité et dignité de carrière s’est révélé d’une difficulté extrême. C’est ce constat qui a inspiré la création d’Action Margaux, dont la mission est d’éduquer les employeurs au soutien des personnes atteintes de cancer — par des horaires adaptés, des options de travail à distance et une approche respectueuse de leur valeur professionnelle. Nous encourageons activement l’embauche de ces individus, car leur détermination est immense. Pour moi, la réussite ne se limite plus à des métriques financières : elle inclut désormais la capacité à générer un impact positif durable. Le travail n’est pas seulement une source de revenus ; il apporte un but, une identité et de l’espoir — autant d’éléments essentiels à la guérison que la société néglige trop souvent. La force de ma fille m’a appris que préserver la dignité humaine exige des changements systémiques, pas de simples élans de sympathie. Cette philosophie imprègne aujourd’hui la manière dont nous traitons nos employés, nos clients et nos partenaires chez Herculis Group. La véritable richesse, c’est aussi de contribuer à résoudre des défis universels. Une tragédie peut nous briser ou nous inspirer : j’ai choisi d’en faire une source de sens et d’engagement.

Après cinquante années passées dans le secteur bancaire, quelle est selon vous l’évolution à venir de la banque privée ? Et quel message souhaiteriez-vous adresser à la nouvelle génération qui s’engage dans ce domaine, tout en préservant l’excellence bancaire suisse ?

Jean-Paul Périat : La banque privée se situe aujourd’hui à la croisée des chemins entre tradition et transformation. Les fondamentaux demeurent immuables : les clients fortunés recherchent confidentialité, expertise et vision à long terme. En revanche, les modes de prestation évoluent rapidement. Demain, la technologie deviendra la norme, avec l’analytique IA et la blockchain succédant aux innovations d’aujourd’hui. Mais paradoxalement, plus l’automatisation prend en charge les tâches routinières, plus la valeur de l’élément humain s’accroît. Les jeunes banquiers doivent donc exceller dans ces deux univers : maîtriser les outils avancés tout en cultivant des compétences relationnelles qu’aucune machine ne peut reproduire. La rigueur suisse a toujours signifié minutie, discrétion et éthique irréprochable. Mon conseil est simple : bâtissez la confiance par la compétence et l’intégrité. Considérez les innovations technologiques comme des instruments au service de la relation client, et non comme un substitut aux compétences traditionnelles. Voyez la conformité réglementaire non pas comme une contrainte, mais comme un avantage compétitif. Enfin, n’oubliez jamais que derrière chaque portefeuille se trouvent les rêves d’une famille et les aspirations d’un héritage. Les outils évolueront, mais la mission reste intemporelle : préserver le patrimoine générationnel. Réussir demain signifie adapter les méthodes tout en restant fidèle aux valeurs fondamentales.

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