Le gouvernement tourne la page du projet Rhônergia, abandonné pour des raisons techniques et environnementales. Près de 300 millions d’euros initialement prévus pour ce barrage vont désormais financer des projets d’énergies renouvelables et de gestion durable de l’eau. Une décision qui soulève à la fois des espoirs pour la transition énergétique et des interrogations dans un contexte de déficit public et de flambée des prix de l’électricité.
Energies renouvelables : l’Etat a 300 millions d’euros à dépenser

De l’abandon d’un barrage controversé à une réorientation stratégique
Le projet Rhônergia devait voir le jour sur l’un des derniers tronçons naturels du Rhône. Porté par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), il promettait une nouvelle infrastructure hydroélectrique ambitieuse. Mais après des années d’études et de débats, l’État a mis un terme définitif au chantier à l’été 2024. Les raisons sont multiples : risques techniques liés à la proximité du futur réacteur nucléaire EPR2 de Bugey, incertitudes sur la sûreté, et forte opposition des associations écologistes.
L’abandon du barrage a libéré une enveloppe considérable : près de 300 millions d’euros. Plutôt que de la laisser inemployée, le gouvernement a choisi de la réaffecter à des projets durables. Cette réorientation marque un tournant dans la gestion du fleuve Rhône, et plus largement, dans la stratégie énergétique française. L’État souhaite désormais renforcer la production d’énergies renouvelables sans dénaturer davantage les milieux naturels.
Ces fonds seront déployés jusqu’en 2041, date d’échéance de la concession de la CNR. L’objectif affiché est double : consolider la souveraineté énergétique nationale tout en favorisant la transition écologique. Une partie de ces investissements concernera la modernisation des infrastructures existantes, notamment les barrages déjà en service, pour en accroître la performance et la flexibilité.
300 millions pour verdir le Rhône dans un contexte économique tendu
Sur la totalité des crédits redirigés, près de 250 millions d’euros seront consacrés à des projets d’énergies renouvelables. Les priorités sont claires : améliorer la production hydroélectrique, stocker plus efficacement l’électricité et sécuriser le réseau face aux pics de consommation. Parmi les pistes envisagées, l’augmentation de la puissance du barrage de Génissiat, dans l’Ain, occupe une place centrale. D’autres projets prévoient l’installation de systèmes de batteries dans les centrales hydroélectriques du Rhône, capables de restituer l’énergie lorsque la demande explose.
Le reste des fonds, environ 33 millions d’euros, sera orienté vers des projets locaux de gestion durable de l’eau et d’irrigation agricole. Ces initiatives visent à soutenir les territoires confrontés au stress hydrique croissant, tout en encourageant des pratiques agricoles plus sobres. Une part marginale de l’enveloppe pourrait aussi être consacrée au développement du fret fluvial, afin de réduire la dépendance au transport routier.
Cette répartition suscite cependant des débats. Alors que le déficit public atteint des niveaux préoccupants, le choix de mobiliser plusieurs centaines de millions d’euros dans les énergies renouvelables interroge. Les factures d’électricité des ménages ne cessent d’augmenter, en partie à cause du coût croissant des investissements dans la transition énergétique. Certains observateurs estiment que ces fonds auraient pu servir à alléger la pression sur les consommateurs ou à renforcer la sécurité du réseau existant.
D’autres, au contraire, voient dans cette décision un pari d’avenir. En modernisant le parc hydroélectrique et en renforçant les capacités de stockage, la France pourrait limiter sa dépendance aux importations d’énergie et stabiliser les prix à long terme. L’enjeu dépasse le Rhône : il s’agit d’un test grandeur nature pour la politique énergétique nationale.
