Face à une dette publique qui pourrait atteindre 235 % du PIB d’ici 2050, un effort considérable — évalué à 140 milliards d’euros d’économies d’ici 2029 — s’impose. Le rapport Institut Montaigne jette les bases de plusieurs scénarios de “budget base zéro” pour stopper l’emballement. Voici les voies possibles pour enrayer la dette — et leurs coûts.
Dette publique : les scénarios de l’Institut Montaigne pour sauver 140 milliards

En 2025, la dette publique de la France dépasse les 3 400 milliards d’euros et atteint environ 114 % du PIB. Pour retrouver une trajectoire soutenable, il revient à l’État de prendre des décisions radicales — comme le préconise l’Institut Montaigne. L’objectif : stopper l’augmentation continue de la dette — et éviter qu’elle ne devienne insoutenable.
Pourquoi 140 milliards d’euros d’économies sont nécessaires
L’Institut Montaigne estime qu’un effort de l’ordre de 140 milliards d’euros d’économies d’ici 2029 est requis pour stabiliser le ratio dette/PIB. Cet effort vise à ramener le budget sur une trajectoire d’équilibre primaire — c’est-à-dire un budget hors intérêts de la dette — ce qui empêcherait la dette de croître mécaniquement.
Aujourd’hui, la dépense publique — et notamment la dépense sociale — absorbe une grande part de la croissance budgétaire. Sans modifications structurelles, la trajectoire actuelle mènerait, d’après le rapport, à une dette colossale — jusqu’à 235 % du PIB à l’horizon 2050.
Les quatre scénarios de “budget base zéro” de l’Institut Montaigne
Pour atteindre l’objectif de 140 milliards d’euros, l’Institut Montaigne propose quatre scénarios — chacun impliquant des arbitrages profonds.
Le rapport part d’un principe : reconstruire le budget “ex nihilo”, c’est‑à‑dire repartir d’une feuille blanche, justifier chaque dépense, sans présupposer son maintien. L’enveloppe dédiée aux dépenses à répartir est fixée à 1 845 milliards d’euros.
Parmi les scénarios :
- Un “rabot global” uniforme : appliquer une coupe d’environ ‑8 % sur toutes les dépenses sans hiérarchisation ni discrimination. Selon l’Institut, c’est le scénario le plus “facile” politiquement — mais aussi le plus indifférencié, et susceptible de cristalliser les résistances sociales sans stratégie claire.
- Des réductions ciblées : revoir en profondeur les dépenses — en particulier celles devenues “incompressibles” : charge de la dette, défense, contributions à l’Union européenne. Ces dépenses forment à elles seules 13 % de “l’enveloppe disponible” selon le rapport.
- Réorganisation des services publics et rationalisation des dépenses sociales : l’Institut suggère de revoir l’ensemble des allocations, dépenses de santé, transferts sociaux, pour identifier les doublons, les inefficacités, et recentrer les aides. (Ce scénario implique un arbitrage difficile, mais pourrait permettre de dégager une part importante des économies totales sans couper uniformément.)
- Un mix stratégique, avec hiérarchisation des priorités : combiner coupes ciblées, gains d’efficacité, redéploiement des ressources et arbitrage politique. Ce scénario demeure le plus plausible pour conjuguer soutenabilité, équité et acceptabilité politique selon l’Institut.
L’Institut exclut explicitement toute hausse d’impôts dans son raisonnement.
Les risques et résistances — pourquoi ces scénarios sont lourds à mettre en œuvre
Ces scénarios supposent des renoncements forts. L’approche “rabot” généralisé risquerait d’être perçue comme une austérité aveugle, sans logique de réforme. L’Institut lui-même note qu’un tel scénario “cristalliserait les résistances”.
Quant aux coupes ciblées — dans le social, le fonctionnement de l’État, les services publics — elles soulèveraient d’importants enjeux d’équité et de justice sociale. Certaines dépenses sont “incompressibles” ou politiquement sensibles. De plus, l’option sans hausse d’impôts limite les marges de manœuvre : il faudra partager un gâteau plus petit sans en créer un nouveau.
Enfin, le scénario mixte exige une volonté politique forte, de la cohérence sur plusieurs années, et un consensus social difficile à bâtir — dans un pays attaché à son modèle social.
Un contexte aggravant — intérêt de la dette, déficit, perspectives alarmantes
Le contexte de 2025 accentue l’urgence. Au premier trimestre, la dette publique brute s’élevait à 3 345,4 milliards d’euros, soit 113,9 % du PIB, en hausse de 40,2 milliards par rapport au trimestre précédent.
Par ailleurs, le service de la dette — les intérêts payés — pèse de plus en plus lourd : selon un article récent, le coût du remboursement de la dette pourrait dépasser 100 milliards d’euros en 2029, contre 59 milliards en 2024.
À défaut de redressement, la dette continue de croître, avec un déficit public durable encore bien au‑delà des 3 % du PIB fixés par la règle européenne.