Climat : la montée du niveau des mers submergera certaines régions bien avant d’autres

Certaines zones côtières et insulaires ne vivront pas la montée de la mer de la même façon. Selon les toutes dernières modélisations, l’élévation du niveau des eaux, due en grande partie à la fonte de l’Antarctique, pourrait dépasser largement la moyenne planétaire dans certains bassins, accentuant les inégalités géographiques face au risque marin.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 27 novembre 2025 17h30
Climat : la montée du niveau des mers submergera certaines régions bien avant d’autres
Climat : la montée du niveau des mers submergera certaines régions bien avant d’autres - © Economie Matin

Une montée des eaux très loin d’être uniforme

Le site Futura‑sciences a publié, le 26 novembre, une analyse qui vient bousculer l’idée d’une élévation uniforme du niveau de la mer. En réalité, la mer ne monte pas au même rythme partout, une variation qui pourrait bouleverser la manière dont les États envisagent la lutte contre le changement climatique. Les projections des scientifiques montrent que cette élévation différenciée est intimement liée à la fonte de l’Antarctique. Selon les modèles numériques les plus récents, le comportement du niveau marin est conditionné par plusieurs facteurs géophysiques.

L’un des plus méconnus reste l’effet gravitationnel. Quand une calotte glaciaire fond, elle perd de la masse et exerce moins d’attraction sur les océans, ce qui redistribue l’eau plus loin de la zone initiale. Des scientifiques ont intégré des modèles informatiques portant sur la calotte glaciaire, le climat mondial et la dynamique interne de la Terre pour analyser les liens complexes entre l’atmosphère, l’océan et les masses de glace.

L’avenir de l’Antarctique dépendra directement de nos émissions de gaz à effet de serre

Selon leur étude parue dans Nature Communications, l’évolution future de l’Antarctique est étroitement liée au niveau des émissions de gaz à effet de serre. « Leurs résultats montrent que, bien que l’eau de fonte froide de l’Antarctique ralentisse le réchauffement provoqué par l’activité humaine, elle entraînera également une élévation inégale du niveau de la mer ainsi que d’importants bouleversements climatiques à l’échelle mondiale, soulignant l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre », peut-on lire sur le site Phys.org.

La croûte terrestre, quant à elle, se redresse en réaction à la perte de glace, un phénomène appelé rebond isostatique. Cela modifie localement le niveau relatif de la mer. Enfin, les courants océaniques, la salinité et les variations thermiques jouent également un rôle dans la répartition des volumes d’eau. Conséquence directe, l’élévation du niveau de la mer observée à un endroit donné peut être jusqu’à deux fois plus élevée, ou plus faible, que la moyenne mondiale. Une inégalité naturelle, mais lourde de conséquences humaines.

Des hausses spectaculaires selon les bassins océaniques

Selon les projections établies dans un scénario d’émissions élevées (RCP8.5), la contribution de l’Antarctique au niveau moyen des mers pourrait atteindre environ 0,3 m d’ici 2100, en raison notamment de la fonte accélérée en Antarctique de l’Est. Sous un scénario plus modéré (RCP4.5), cette contribution serait d’environ 0,1 mètre en 2100 et dépasserait 1 mètre à l’horizon 2200. L’étude souligne également des disparités régionales marquées : dans certaines zones du Pacifique, l’élévation du niveau de la mer liée à la fonte antarctique pourrait être jusqu’à 0,9 mètre supérieure à la moyenne mondiale d’ici 2200.

Dans les scénarios les plus extrêmes, une fonte accélérée de l’Antarctique pourrait entraîner à long terme une élévation globale du niveau des mers atteignant jusqu’à 3 mètres, selon les projections scientifiques. Cette hausse, bien que peu probable d’ici 2100, pourrait survenir au cours des siècles suivants si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent sans ralentissement. Une telle augmentation aurait des conséquences catastrophiques pour de nombreux territoires côtiers, notamment dans les zones tropicales et insulaires, où la densité de population est élevée et l’altitude, très faible.

Des territoires vulnérables

Cette variabilité régionale soulève des défis économiques. Les régions les plus affectées sont souvent celles qui disposent des moyens les plus limités pour se défendre. Cela concerne particulièrement les États insulaires et les zones côtières densément peuplées. Submersions, recul du trait de côte, salinisation des nappes phréatiques, destruction d’infrastructures, déplacement des populations : la liste des effets potentiels est déjà bien connue. Ce qui l’est moins, c’est que certaines régions devront s’y adapter beaucoup plus rapidement et intensément que d’autres.

Les effets locaux de la fonte de l’Antarctique ne sont pas du tout symétriques. Cela rend la planification des investissements publics difficile. Construire des digues, relocaliser des populations, reconfigurer l’usage des sols : autant de mesures qui ne peuvent être mises en œuvre sans une anticipation fine des scénarios locaux.

Une incertitude qui complique les décisions politiques

L’une des principales difficultés pour les décideurs politiques réside dans la part d’incertitude qui entoure encore ces projections. Selon une étude de J. Caillet et al. publiée dans Earth System Dynamics, la variabilité naturelle du climat pourrait modifier de 45 % à 93 % les prévisions d’élévation du niveau de la mer liées à l’Antarctique d’ici 2100. Ce facteur rend les prédictions encore plus complexes à utiliser dans les politiques publiques. La montée des eaux ne dépend pas uniquement des émissions futures ou des décisions politiques mondiales : des processus internes au système climatique peuvent sensiblement faire varier les résultats.

Pour les scientifiques, cette incertitude ne doit pas paralyser l’action, mais au contraire favoriser une approche adaptative. Cela implique une forme de résilience planifiée, où les politiques d’aménagement prennent en compte les évolutions futures possibles, même les plus extrêmes.

La montée des eaux, un révélateur d’inégalités climatiques

Enfin, cette hétérogénéité géographique du phénomène interroge la justice climatique. Les territoires les plus menacés sont souvent ceux qui ont le moins contribué à l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cela pose un problème moral et stratégique à l’échelle internationale. Doit-on aider en priorité les régions les plus exposées ? Quels mécanismes de solidarité climatique peuvent être mis en place ? Faut-il réformer les critères d’attribution de l’aide internationale en fonction des projections locales d’élévation de la mer ?

Autant de questions que les instances internationales devront trancher rapidement. En attendant, une certitude s’impose : l’élévation du niveau de la mer ne sera ni homogène, ni équitable. Et ceux qui paieront le prix fort ne sont pas toujours ceux qui ont le plus pollué.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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