Alors que l’année 2025 s’achève sur des sommets inédits en matière de concentration de richesses, un mouvement discret mais massif est à l’œuvre : l’émergence de nouveaux milliardaires issus de l’héritage. Derrière les chiffres impressionnants, une recomposition silencieuse des puissances économiques familiales, sur fond de transition générationnelle.
Héritage : 91 milliardaires en plus en 2025 dans le monde

Une vague intergénérationnelle de milliardaires héritiers
Les grandes dynasties économiques mondiales entament un vaste transfert de fortune, modifiant profondément l’architecture du capital familial, comme le constate le rapport "Billionaire Ambitions Report 2025" publié par UBS. « Une nouvelle génération de milliardaires est en train d’émerger à l’échelle mondiale, combinant héritiers et créateurs de richesse autodidactes », selon UBS. Dans ce panorama, les États-Unis dominent toujours en nombre absolu, avec 924 milliardaires, soit près d’un tiers du total mondial. Cependant, c’est la structure même de cette richesse qui évolue : 74 % des milliardaires américains sont encore des entrepreneurs autodidactes, mais un basculement s’opère.
En effet, 2,8 trillions de dollars — soit plus de 2 600 milliards d’euros — devraient être transférés aux héritiers américains dans les quinze années à venir. Une transmission colossale, représentant plus de 40 % du patrimoine actuel des ultra-riches américains, estimé à 6,9 trillions de dollars en 2025. Derrière ces chiffres, ce sont des noms, des lignées, des entreprises. Le rapport ne cite pas de familles précises, mais confirme que « le transfert intergénérationnel de richesses s’accélère et redéfinit les dynamiques de pouvoir familial et économique ».
Quand les fortunes héritées redessinent la carte mondiale du capital
Le phénomène n’est pas cantonné aux États-Unis. À l’échelle mondiale, la transmission patrimoniale transforme la géographie des milliardaires, tant en nombre qu’en origine des fortunes. En Asie, notamment en Chine et en Inde, les héritiers de grandes fortunes technologiques ou industrielles commencent à prendre les rênes d’empires bâtis dans les années 2000–2020. Bien que les données chiffrées manquent dans le rapport d’UBS, l’analyse qualitative évoque une « transformation de la manière dont les familles connectent, collaborent et débloquent des opportunités au-delà des frontières », selon UBS, dans une déclaration traduite de l’anglais.
L’Europe, pour sa part, voit un retour en force de ses vieilles fortunes industrielles. Les héritiers de groupes familiaux historiques dans l’automobile, le luxe ou la chimie accèdent à des niveaux de capital inégalés. Si l’on ignore pour l’instant le nombre exact de nouveaux milliardaires européens liés à l’héritage, les grandes maisons suisses, françaises et allemandes y jouent un rôle structurant. En parallèle, l’Amérique latine et certaines monarchies du Golfe enregistrent aussi une recrudescence de milliardaires d’origine héréditaire, souvent adossés à des fortunes immobilières, pétrolières ou minières.
Le capital familial sous tension : héritiers stratèges ou gestionnaires passifs ?
Ce vaste transfert de richesses ne se limite pas à une simple passation. Il soulève des enjeux complexes de gouvernance familiale, de gestion d’actifs, et de transmission de valeurs. UBS souligne que cette génération d’héritiers se distingue par une approche plus collaborative et transnationale, en rupture avec la logique patriarcale et centralisée du passé. L'enjeu ne se résume donc pas à recevoir, mais à incarner une vision stratégique capable de pérenniser, voire d’amplifier les dynasties familiales. À ce titre, la gestion des patrimoines héréditaires devient un terrain d’innovation, notamment via des structures de family office plus souples, connectées à des enjeux environnementaux ou sociétaux.
Ce renouveau s’accompagne néanmoins de tensions. Certains héritiers se retrouvent aux prises avec des attentes contradictoires : maintenir l’unité du capital, préserver l’image de la famille et affirmer leur propre légitimité entrepreneuriale. L’équilibre entre héritage et autonomie devient dès lors un art stratégique à part entière. Dans cette nouvelle ère, les milliardaires héritiers ne sont plus de simples figures passives : ils incarnent désormais une force économique structurante, façonnée par le poids du passé et les défis du présent.