Apprentissage : les entreprises ont enfin le déclic !

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Par Philippe Poussin Publié le 4 novembre 2021 à 5h29
Apprentissage Ligne Formation Teachup
40%En 2020, le nombre de contrats d'apprentissage signés dans le privé a augmenté de 40%

Crise sanitaire, gestes barrières, management à distance, frilosité des entreprises en matière de recrutement… tout portait à croire que les organisations n’auraient que peu envie de recruter des apprentis. Or, c’est tout l’inverse : depuis un an, nous assistons à une véritable montée en puissance du nombre d’élèves en apprentissage au sein des entreprises. Simple effet conjoncturel lié aux aides d’État ? Non, car nous croyons fermement que cette tendance va s’inscrire dans le temps, tout simplement car elle accompagne une véritable prise de conscience et une forte volonté d’engagement sociétal de la part des entreprises.

Des motivations loin d’être purement financières

Avant même le début de la crise, le contexte législatif était porteur pour l’apprentissage : les récentes évolutions du code du travail et de l’organisation du baccalauréat facilitant les passerelles entre formation initiale scolaire et en apprentissage. Parallèlement à ces avantages sur le long terme, les aides ponctuelles allouées dans le cadre du plan de relance ne se sont pas arrêtées comme prévu à cette rentrée scolaire 2021. S’il ne faut pas négliger ces incitations financières, elles ne font pas tout. Nous assistons effectivement, tant du côté des entreprises que des jeunes en formation, à une prise de conscience de plus en plus aiguë que nous vivons une période de transition charnière. Cela implique, pour les entreprises, de réfléchir à la question du collectif et de repenser leur RSE dans le contexte spécifique de la formation. Les jeunes sont, quant à eux, conscients de la dureté du marché du travail en sortie de crise. Se former en apprentissage dans une entreprise leur permet d’accroître leurs compétences opérationnelles et leur capacité d’adaptation. L’apprentissage repose donc sur une logique gagnant-gagnant pour toutes les parties dont le succès illustre, d’une certaine manière, la crise de confiance envers les connaissances pures (analysées comme descendantes) et favorise l’hypothèse des compétences (le flux, noté supra). Le schéma devient malgré tout simpliste quand on les oppose alors qu’elles se complètent naturellement : des connaissances sont indispensables pour permettre l’expression de ses capacités à régler des problèmes en situation spécifique. Nous définissons là tout simplement l’employabilité.

Le travailleur et le citoyen sont une seule et même personne

Il s’agit ici de déconstruire une vieille croyance qui voudrait différencier la formation du citoyen de celle du travailleur. Nous aurions ainsi d’un côté la noblesse de la formation scolaire de l’individu citoyen, et de l’autre l’avilissement du travailleur et donc le dénigrement de toute entreprise de formation professionnelle. Or, cette dernière est une partie constituante de la formation de tout individu. La conscience citoyenne se développe aussi dans l’environnement de travail. Cette conception de l’humain comme étant une entité complexe composée de flux croisés, de (mise en) relation est en train de s’imposer dans la société. De plus en plus d’entreprises y adhérent et prennent cela en compte dans la construction de leur nouvelle organisation de travail. Nous assistons à un changement profond des cultures d’entreprises : non, accueillir un apprenti n’est pas juste un coût humain supplémentaire, mais bien un engagement de l’entreprise à l’échelle de la société. La dynamique de l’apprentissage est un vecteur d’intégration qui vient renforcer cette cohésion sociale, le jeune ne se retrouvant plus écartelé entre deux pôles que sont l’école et l’entreprise, mais bien accompagné, en cohérence, par les deux entités. On aura compris que si on veut favoriser l’acquisition de compétences personnelles, les équipes (école/entreprise) doivent également monter en compétences… Si le contexte entrepreneurial est celui de la RSE, nous assistons alors à l’apprentissage du métier de citoyen par le jeune !

Participer aux transitions : les entreprises s’engagent

Il serait réducteur de dire que l’apprentissage ne serait stimulé que par les aides financières et la réorganisation du travail, conséquence directe de la crise sanitaire. Il s’inscrit en effet dans une dynamique RSE plus globale, elle-même boostée par la crise écologique. C’est ainsi dans une démarche de responsabilité sociétale que les entreprises investissent de plus en plus leur place dans la société. Une entreprise n’est pas qu’un système d’exploitation, certaines peuvent l’être certainement, mais le sont -elles toutes, par définition ? La réponse est à nuancer. Elle est créatrice d’un produit ou d’un service qui sera utilisé, mais aussi de valeurs au sens large. Participer aux transitions d’une époque, c’est donc aussi accueillir un apprenti, l’accompagner dans son évolution et lui transmettre les outils et codes qui lui permettront d’être performant et épanoui sur le plan professionnel.

L’apprentissage serait-il en passe d’être enfin reconnu à sa juste valeur ? Très certainement, car il s’accompagne d’un véritable changement de paradigme vis-à-vis du travail. Les entreprises ont tout intérêt à s’engager pour les générations à venir, à repenser le collectif et à s’investir dans un projet de société qui met la personne dans son entièreté au cœur de tous les enjeux. C’est la direction que nous sommes collectivement en train de prendre, et c’est une bonne nouvelle !

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Philippe Poussin est Secrétaire Général du CNEAP (Conseil national de l'enseignement agricole)

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