Le Sénat vient de valider un arsenal inédit contre la fraude sociale, avec une mesure choc : l’impossibilité de toucher des allocations chômage si le compte bancaire n’est pas domicilié dans l’Union européenne.
Fraude sociale : le Sénat veut mettre sous surveillance les allocataires

Toucher des allocations chômage sur un compte hors-UE, c'est bientôt fini
Le 13 novembre 2025, le Sénat a adopté plusieurs dispositions clés du projet de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude sociale. Au centre du dispositif figure une mesure immédiate : la fin du versement des allocations chômage si l’allocataire utilise un compte bancaire situé hors de l'Union européenne. Deux éléments permettent de comprendre ce choix : d’une part, la volonté de réduire les zones d’ombre liées aux transferts hors de l'Union européenne ; d’autre part, l’objectif assumé de limiter les stratégies d’éloignement géographique visant à contourner l’exigence de résidence. En effet, cette condition de résidence en France préexistait déjà, mais manquait d’un mécanisme opérationnel robuste pour garantir son contrôle.
Ces ajustements reposent aussi sur des données chiffrées solides. En 2024, France Travail a détecté 136 millions d’euros de fraude liée à la domiciliation bancaire à l’étranger. Cette estimation justifie, selon l’exécutif, un durcissement des règles. Ainsi, le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou résumait cet enjeu en déclarant : « La possession d’un compte bancaire domicilié à l’étranger constitue un indice de résidence ou d’exercice d’activité à l’étranger potentiellement non déclarés à France Travail ».
Accès aux relevés téléphoniques : un outil controversé pour repérer la fraude aux résidences dissimulées
L’une des mesures les plus débattues concerne l’accès, sous conditions, par France Travail aux relevés téléphoniques des allocataires. Cette mesure vise précisément la fraude liée à la fausse résidence en France, un phénomène déjà documenté dans plusieurs avis officiels. L’opérateur public pourrait donc bientôt utiliser ces relevés pour déterminer si un allocataire passe en réalité l’essentiel de son temps hors du territoire national. Bien que l’ambition sécuritaire soit affichée, ce dispositif suscite une opposition idéologique forte, car il introduit une mécanique de vérification proche des techniques de renseignement. De plus, l’exigence d’un contrôle proportionné et encadré reste au cœur des remarques formulées par le Défenseur des droits dans son avis du 31 octobre 2025.
Les débats au Sénat ont montré une polarisation nette. Ainsi, le sénateur socialiste Jean-Luc Fichet a dénoncé un glissement inquiétant : « C’est franchir une ligne rouge, c’est introduire une forme de surveillance généralisée des demandeurs d’emploi assimilés à des fraudeurs potentiels ». Cette critique s’accompagne d’un double enjeu : préserver les libertés publiques tout en assurant l’efficacité du contrôle. Pourtant, les partisans de la mesure affirment qu’il s’agit d’une réponse proportionnée, justifiée par les économies attendues du plan de lutte contre la fraude, estimées à 2,3 milliards d’euros dès 2026. Ainsi, les législateurs favorables considèrent le contrôle des relevés téléphoniques comme un outil capacitaire plus que coercitif, conçu pour renforcer la cohérence territoriale des prestations versées.
