Arrêts de travail en téléconsultation : l’interdiction est censurée

La mesure, intégrée au projet de loi de Finances de la Sécurité Sociale, n’avait pas manqué de créer la polémique. Le gouvernement voulait interdire aux Français de demander un arrêt de travail en téléconsultation, sauf conditions.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 21 décembre 2022 à 9h03
Arrets De Travail Teleconsultation Censure Conseil Constitutionnel
27%27%d es actes médicaux ont été réalisés en téléconsultation durant le premier confinement de 2020.

Officiellement, ce devait être pour lutter contre les abus. Mais la mesure est anticonstitutionnelle…

Arrêts de travail : compatibles avec la télémédecine

Avec l’avènement de la télémédecine, qui s’est développée massivement depuis la crise sanitaire de la Covid-19, de plus en plus de salariés demandent des arrêts de travail par ce biais. C’est pratique : une simple connexion Internet et le tour est joué. Idéal pour lutter contre les déserts médicaux, ou encore pour les personnes qui n’ont pas de médecin traitant.

Mais pour le gouvernement, c’était la porte ouverte aux abus. Dans le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale 2023 (PLFSS 2023), cette pratique devenait de fait interdite. Les arrêts de travail n’aurait pas pu être demandés en téléconsultation. Seules exceptions : si le médecin consulté est le médecin traitant ou s’il a été consulté en cabinet par le patient dans les 12 derniers mois.

Du moins, ça c’était la théorie de la réforme. Et très rapidement ont été pointés du doigt les divers problèmes qu’elle soulevait. Certains Français auraient eu des difficultés à demander un arrêt de travail… alors même qu’ils y avaient droit. Pour lutter contre les abus de certains, le gouvernement punissait donc tout le monde.

Une mesure tout simplement anticonstitutionnelle

S’il a été adopté par 49.3, comme la loi de Finances, le Budget de la Sécurité sociale est passé entre les mains du Conseil constitutionnel. Et ce dernier n’y a pas trouvé grand-chose à redire. La quasi-totalité du texte est validé.

Sauf… la réforme visant à dérembourser les arrêts de travail dès lors qu’ils étaient délivrés en téléconsultation. « Ces arrêts délivrés en visio par un médecin qui n’est pas le médecin traitant ne seront plus remboursés par la Sécurité sociale », avait expliqué, en septembre 2022, Gabriel Attal, ministre des Comptes publics.

Mais pour le Conseil constitutionnel, c’est non. Les Français ont le droit de demander des arrêts de travail via la télémédecine. Et l’État se doit de les rembourser. Pour les Sages, la mesure était contraire au 11e alinéa du préambule de la Constitution de 1946. « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence », rappelle-t-il au gouvernement.

Les arrêts de travail pourront continuer d’être délivrés en téléconsultation

On notera que, selon les Sages, l’exécutif n’est pas totalement dans l’erreur. Il a « souhaité prévenir les risques d'abus liés à la prescription d'arrêts de travail dans le cadre d'une consultation à distance ». Ce qui est une valeur constitutionnelle. Mais la disposition n’est pas applicable.

« Les dispositions contestées peuvent avoir pour effet de priver l'assuré social ayant eu recours à la téléconsultation du versement des indemnités journalières, alors même qu'un médecin a constaté son incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail. »

Le Conseil constitutionnel censure donc cet article. La réforme n’aura pas lieu, et les arrêts de travail établis en téléconsultation seront donc valables. Et ce quel que soit le médecin consulté.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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1 commentaire on «Arrêts de travail en téléconsultation : l’interdiction est censurée»

  • On peut déjà imaginer les abus que les bosseurs vont devoir financer.

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