Désastre écologique ou clé de voûte d’un monde plus durable : comment le Bitcoin peut-il vaincre son paradoxe ?

Réduire la pollution plastique dans les océans, récompenser les utilisateurs de monnaies numériques pour leurs bonnes actions en matière de développement durable, financer des projets de transition énergétique…nombreuses sont les initiatives éthiques soutenues par les cryptomonnaies, montrant que ces dernières n’échappent pas au verdissement de l’économie et qu’elles s’engagent pour de vrai dans des projets à vocation durable et responsable.

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Par Eric Marin Modifié le 12 février 2023 à 13h39
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59,5%L’utilisation d'énergie durable par l'industrie mondiale du mining Bitcoin atteint 59,5 % au premier trimestre 2022

Mais si nous ne pouvons qu’encenser leur ambition de devenir vertes, la manière dont elles sont conçues questionne à plus d’un titre leurs louables intentions. En effet, la production de cryptomonnaies comme le bitcoin est extrêmement énergivore et va à l’encontre du caractère responsable que l’on adosse par exemple aux actifs labélisés ISR, qui ont pour but de fortifier l’économie réelle. Sans oublier que le bitcoin est aussi un actif très spéculatif, donnée qui va à l’encontre d’une finance durable et responsable. Alors de quoi est-il vraiment question lorsque nous parlons de Bitcoin ? D’une aberration écologique ? Ou au contraire d’une révolution technologique mise au service d’un monde plus durable ?

Le Bitcoin est-il aussi énergivore qu'on le prétend ?

Certes, l’impact néfaste de l’essor du Bitcoin sur l’environnement est indéniable. En effet, cette cryptomonnaie repose sur une chaîne de blocs exigeant une preuve de travail, c’est-à-dire un processus basé sur le « minage » et requérant une énorme puissance de calcul. De plus, ce même processus nécessite une alimentation fiable, bon marché et constante, un besoin qui, malheureusement, est mieux satisfait par des sources d’énergie disponibles en permanence, comme dans le cas des combustibles fossiles.

Selon les estimations du Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index, le Bitcoin utilise près de 136,38 térawattheures d’électricité par an (soit plus que les Pays-Bas, l’Argentine ou les Émirats arabes unis). Le site d’analyse spécialisé Digiconomist estime pour sa part ce volume à 204,5 térawattheures. Cela représente près de 2,145 kilowattheures d’électricité par transaction, soit l’équivalent de la consommation d’un foyer américain moyen sur deux mois et demi.

Cependant, Digiconomist nuance ces chiffres : « Toutes les estimations d'énergie, en fonction des hypothèses sous-jacentes, sont sujettes à des incertitudes. Et en particulier, en fonction des dispositifs de minage que l'on choisit d'intégrer dans l'analyse, car cette industrie travaille avec une forte culture du secret ».

Vers un écosystème de blockchain durable

Au-delà des chiffres un autre point de nuance est à soulever. Si l’on considère le Bitcoin et la technologie qui le sous-tend, de nombreux changements y ont été apportés depuis sa création. Ces dernières années, le réseau Bitcoin a fait l’objet de multiples améliorations qui contribuent beaucoup à perfectionner le système, comme c’est le cas d’Ethereum qui, avec son récent projet de « Merge » affiche l’ambition de s’affranchir d’une blockchain trop énergivore. Si ces premières solutions ne sont pas définitives, elles sont la preuve que d’autres innovations en faveur d’un monde plus durable ne manqueront pas d’apparaître. On pense par exemple au potentiel de la blockchain dans la protection de l'environnement, testé dans un certain nombre de projets de l’ONU. La plate-forme (CarbonX) a ainsi l’objectif de transformer les réductions d'émissions de gaz à effet de serre en une cryptomonnaie qui peut être achetée et vendue, fournissant aux fabricants et consommateurs une incitation financière à faire des choix plus durables. Preuve tangible de ces changements, la publication en juillet dernier du bilan trimestriel du réseau Bitcoin, le Bitcoin Mining Council. Il constate que l’utilisation d'énergie durable par l'industrie mondiale du mining Bitcoin atteint 59,5 % au premier trimestre 2022, soit une hausse de plus de 20 points comparée à la même période en 2021, ajoutant qu'il s'agit de « l'une des industries les plus durables au monde. »

Parallèlement, afin que des actions concrètes débouchent, ce verdissement de l’économie de la blockchain doit être appuyé par les gouvernements. Par exemple, en France, afin de mieux prendre en compte la problématique du coût environnemental des cryptomonnaies, la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur le développement des cryptomonnaies, ses enjeux et ses impacts environnementaux actuels et à venir. Le rapport traitera notamment de la question de l’exportation de consommation d’énergie fossile et d’émissions de gaz à effet de serre encouragée par le développement de sociétés de minage dans des pays tiers.

Ainsi, de la même manière que la technologie de la blockchain a créé des problèmes, elle peut également les résoudre. Les énergies renouvelables, les blockchains basées sur une preuve de participation, et d’autres outils émergents sont là pour répondre à ce besoin. La question n’est donc plus tant de savoir à quel point le Bitcoin est nocif mais plutôt de se demander s’il est prêt à répondre aux enjeux du développement durable.

Eric Marin 6 Retlarge (1)

directeur technique de VMware France

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