Le 22 avril 2025, une action collective a été lancée en France et en Espagne contre la plateforme de réservation d’hôtels Booking. Accusée d’imposer des commissions exorbitantes, la société voit son modèle mis à mal par une fronde juridico-commerciale aux ramifications continentales.
Booking assigné en justice : les hôtels veulent récupérer 1,5 milliard d’euros

Booking et les hôtels : une relation de force sous tension
Depuis des années, les hôtels dénoncent une dépendance croissante à l’égard de la plateforme Booking. En 2024, selon l’institut Statista, 67% des réservations hôtelières en Europe sont passées par des plateformes numériques, dont Booking reste l’acteur dominant en France. Une suprématie qui s’accompagne de pratiques commerciales de plus en plus contestées.
C’est notamment le cas des clauses de parité tarifaire que Booking imposait à ses partenaires : les hôteliers n’étaient pas autorisés à proposer de meilleurs prix sur leur propre site ou via d’autres canaux. Une aberration pour Marc Barennes, avocat à l’initiative de l’action, qui dénonce une entrave flagrante à la liberté tarifaire. « Les hôtels et autres hébergeurs ne pouvaient proposer ni prix plus bas ni meilleures conditions ailleurs », rappelle-t-il dans Libération.
Commissions excessives : la goutte d’eau numérique de trop ?
Les griefs sont nombreux, mais celui qui cristallise la colère, c’est le montant des commissions. En France, celles-ci oscilleraient entre 15% et 25%, voire davantage selon les options choisies. À l’échelle nationale, le préjudice global est estimé à 1,5 milliard d’euros, selon les avocats de Geradin Partners.
Booking face au Digital Markets Act : fin de l’impunité algorithmique
La régulation européenne a changé la donne. Depuis l’entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) en 2023, les plateformes « systémiques » comme Booking sont désormais soumises à des règles supplémentaires. L’interdiction des clauses de parité tarifaire, désormais applicable, ouvre une brèche juridique majeure.
Dans une décision de septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé le caractère illégal de telles pratiques. Les autorités de la concurrence espagnoles et italiennes abondent dans le même sens. Pour les avocats de l’action collective, ces décisions sont autant de fondements solides pour obtenir réparation.
L’action collective s’appuie sur un dispositif logistique redoutablement organisé. Un site dédié
(www.actioncollectivehotel.fr) a été lancé dès le 28 mars 2025 pour centraliser les témoignages et données comptables des hôteliers ayant utilisé Booking entre 2015 et 2024. L’objectif : établir un préjudice précis pour chaque établissement. Les frais de procédure, eux, sont pris en charge par un tiers financeur, qui ne sera rémunéré que si l’action aboutit, à hauteur de 25 à 30% des indemnités obtenues. Aucun risque financier pour les hôteliers donc. « Les hôtels indépendants pourraient percevoir des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros d’indemnisation. Pour les chaînes, les montants se chiffrent en millions », précise Libération.
Booking reste silencieux, mais pas serein
Interrogée par RTL, la plateforme assure n’avoir reçu « aucune notification formelle » à ce jour. Elle maintient une position officielle lénifiante : « Chez Booking, nous sommes fiers de la relation professionnelle que nous entretenons avec nos partenaires ».
Mais la fronde ne se limite pas à l’Hexagone. Des discussions sont en cours pour étendre l’action à l’Italie et au Portugal, dans le but explicite de créer un « front juridique européen » contre Booking. Et les précédents abondent : Marc Barennes est aussi à l’origine d’une action collective dans le secteur de la restauration contre les émetteurs de titres-restaurant.
Quoi qu'on dise, les hôtels restent largement dépendants de Booking
Ce mouvement pose une question de fond : peut-on contester frontalement Booking sans se tirer une balle dans le pied ? Les hôteliers eux-mêmes le reconnaissent : sans la plateforme, une grande part de leur visibilité numérique s’effondrerait. Mais à quel prix continuer à céder ? En 2024, seulement 33% du chiffre d’affaires en ligne des hôtels provenait de réservations directes. Le reste dépendait des plateformes — Booking en tête. En dépit de cette dépendance, la volonté de rééquilibrer les relations contractuelles s’affirme comme une nécessité stratégique.

