La liquidation judiciaire de Brandt, prononcée le 11 décembre 2025, referme brutalement l’histoire du dernier grand fabricant français de gros électroménager.
Brandt liquidé : pourquoi l’ultime fabricant français d’électroménager disparaît

Le 11 décembre 2025, la justice a prononcé la liquidation judiciaire de Brandt, révélant la fin d’un groupe encore considéré comme un pilier du gros électroménager en France. Cette décision met un terme à plusieurs années de difficultés, malgré des soutiens publics, des projets de reprise et un mot-clé central, Brandt, devenu synonyme de déclin industriel. Avec près de 700 emplois supprimés, l’impact humain et économique est considérable, alors même que le marché du gros électroménager traverse une contraction alimentée par la crise immobilière.
Un modèle industriel fragilisé et un marché en recul
Brandt arrive en liquidation judiciaire après une longue séquence d’alerte. Le groupe était placé en redressement judiciaire depuis le 1er octobre 2025, précisément pour tenter de retrouver une structure viable et attirer un repreneur. Pourtant, malgré cette procédure, les pertes s’étaient accumulées. La chute de la demande en électroménager, liée à un marché immobilier en forte décélération, a accentué les tensions : le secteur recule d’environ 3,9 %, ce qui rogne mécaniquement les marges d’un acteur déjà affaibli. Ce mouvement durable explique en grande partie pourquoi Brandt, pourtant propriétaire de marques emblématiques, n’a plus trouvé l’oxygène nécessaire pour maintenir son modèle industriel.
Dans ce contexte, la liquidation judiciaire apparaît comme l’issue d’un processus amorcé depuis plusieurs années. Le tribunal des activités économiques de Nanterre, chargé du dossier, a retenu que les conditions de poursuite ne pouvaient plus être réunies. Aucun projet concurrent n’a en effet été jugé suffisamment solide pour garantir la relance de l’électroménager Brandt. Parce que le groupe avait un chiffre d’affaires de 260 millions d’euros mais manquait d’investissements en amont, les besoins de financement, estimés entre 20 et 25 millions d’euros, ont découragé plusieurs acteurs industriels. Cette faiblesse structurelle, associée à une hausse des coûts de production, a rendu impossible la survie d’une entreprise qui, malgré ses marques historiques, souffrait d’un positionnement devenu trop vulnérable.
Une reprise avortée malgré un soutien rare des collectivités et de l’État
L’un des éléments les plus frappants de cette liquidation demeure la situation du projet de Scop, porté par les salariés pour sauver environ 370 emplois. Des collectivités régionales, l’État et plusieurs partenaires financiers s’étaient déclarés prêts à contribuer, notamment via un soutien public d’environ 5 millions d’euros. Pourtant, malgré cette mobilisation rarement observée dans l’industrie française, le tribunal a estimé que les engagements complémentaires nécessaires n’étaient pas réunis. Le ministre de l’Économie et le ministre chargé de l’Industrie ont déploré que « malgré cela, les autres acteurs indispensables n’ont pas souhaité se positionner pour sauver Brandt », une déclaration révélant l’isolement progressif du groupe face au marché.
Cette décision a provoqué une onde de choc dans les usines, notamment à Orléans et Vendôme. Les élus locaux ont rappelé l’ampleur du traumatisme. François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, a parlé d’« un choc et un coup très dur porté à l’industrie française », ajoutant : « On ne comprend pas, les soutiens étaient là, une mobilisation sans précédent avait été faite. » Alors que la filière électroménager comptait sur un redressement progressif des ventes, cette liquidation judiciaire confirme que certains segments du secteur n’ont plus la taille critique pour résister aux cycles économiques.
Un effacement industriel immédiat pour 700 salariés
L’un des effets les plus directs de la liquidation judiciaire de Brandt réside dans la suppression d’environ 700 emplois. Ces suppressions touchent l’ensemble du groupe et s’ajoutent à d’autres restructurations en cours dans l’industrie française. Parce que Brandt représentait l’un des derniers pôles nationaux du gros électroménager, cette disparition laisse un vide majeur, tant en termes de savoir-faire que de capacité de production. Les salariés avaient déjà subi plusieurs restructurations, mais la liquidation marque un degré supplémentaire de rupture, avec un avenir industriel désormais compromis sur les deux sites historiques.
La situation sociale s’en trouve profondément bouleversée. Les représentants syndicaux ont évoqué un « état d’esprit très, très bas » parmi les équipes, soulignant que le choc dépasse l’annonce officielle. Cette détresse s’explique en partie par le fait que Brandt incarnait encore une chaîne de valeur complète, de la conception à l’assemblage. La disparition de cette filière prive non seulement les salariés d’un emploi mais également les territoires d’une dynamique économique liée à un secteur autrefois porteur. Les 700 suppressions d’emplois représentent ainsi, au-delà d’un chiffre, un basculement dans la réalité d’un marché désormais dominé par des concurrents asiatiques et européens beaucoup plus capitalisés.
Quel avenir pour les marques et les produits Brandt ?
La liquidation judiciaire implique également des incertitudes sur les marques et les produits encore distribués sous l’enseigne Brandt, mais aussi sous Vedette, Sauter ou De Dietrich. Le tribunal a précisé que la gestion des stocks, la maintenance et le service après-vente seront assurés temporairement, mais sans garantie à long terme. Ces marques, bien que reconnues, nécessitent un acteur industriel capable d’assurer une continuité. Parce que la valeur de ces actifs dépendra du résultat des cessions futures, le marché pourrait assister à un morcellement du portefeuille, avec plusieurs rachats ciblés par des fabricants étrangers.
Cette perspective crée une double conséquence. D’une part, les consommateurs risquent d’assister à une transition complexe, avec des références retirées, modifiées ou réattribuées. D’autre part, l’industrie française perd un acteur capable d’investir localement, ce qui fragilise encore davantage une filière déjà sous tension. Le secteur du gros électroménager, déjà impacté par la baisse des achats, se retrouve privé d’un acteur historique alors que les défis de l’efficacité énergétique et de la compétitivité industrielle exigeraient au contraire des investissements massifs. La liquidation, parce qu’elle intervient dans une période d’incertitude économique, pourrait provoquer une intensification des importations et une dépendance accrue à des groupes internationaux.
Une disparition qui interroge la stratégie industrielle française
La liquidation de Brandt dépasse le seul cas d’entreprise. Elle marque la fin du dernier grand fabricant de gros électroménager français, une situation qui interpelle directement la politique industrielle. Les besoins de financement étaient connus, les soutiens étaient alignés, mais le marché n’a pas suivi. Parce que les cycles de ventes sont désormais très corrélés à l’immobilier et que les coûts de production sont tirés par la concurrence internationale, les fabricants de taille intermédiaire peinent à exister durablement. Brandt, malgré ses marques, a été rattrapé par cette logique économique.
Au niveau territorial, cette fermeture agit comme une onde de choc dont les effets seront durables. Les bassins de Vendôme et d’Orléans dépendaient fortement de cette activité. L’effacement de ces emplois spécialisés crée un risque de désindustrialisation supplémentaire, alors que la France s’est engagée à renforcer ses capacités de production dans plusieurs secteurs clés. La disparition de Brandt rappelle que certains segments industriels restent fragiles malgré des discours politiques volontaristes.
