Budget Lecornu : premières mesures… et premières contestations

Surtaxe prolongée sur les grandes entreprises, nouvelle taxe sur les holdings, réduction symbolique des effectifs publics : les premières mesures du budget Lecornu, présentées le 14 octobre 2025, traduisent une ligne de prudence financière. Mais elles interrogent sur la capacité du gouvernement à réellement réduire la dépense publique.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 14 octobre 2025 11h56
Budget Lecornu 2026 Premieres Contestations
Budget Lecornu : premières mesures… et premières contestations - © Economie Matin

Un budget sous tension, entre contraintes et promesses

Présenté ce 14 octobre 2025 en Conseil des ministres, le budget Lecornu se veut celui du « réalisme » après une succession de chocs économiques et politiques. Le gouvernement vise un déficit ramené à 4,7 % du PIB en 2026, soit une réduction modeste mais symbolique dans un contexte de croissance atone. 29 mesures fiscales figurent au projet, mêlant hausse ciblée et allègements limités.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu a insisté sur une méthode de concertation, refusant le passage en force : « Je ne peux pas contraindre mon opposition », a-t-il affirmé selon l’AFP. Le geste est politique, mais la marge budgétaire, elle, reste étroite. Car si les recettes sont revues à la hausse grâce à de nouvelles contributions, les économies réelles demeurent fragiles.

Taxe sur les holdings et contribution des hauts revenus

La mesure la plus commentée est la création d’une taxe sur les holdings patrimoniales, censée rapporter entre 1 et 1,5 milliard d’euros. Présentée comme un correctif à certaines stratégies d’optimisation, elle cible les structures financières concentrant des patrimoines familiaux. Parallèlement, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus serait prolongée, mais à taux réduit, afin de ne pas freiner l’investissement privé.

Le gouvernement a également confirmé la poursuite partielle de la surtaxe sur les bénéfices des quelque 400 grands groupes réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. L’ensemble des mesures fiscales nouvelles représente environ 30 milliards d’euros d’ajustements, entre hausses et compensations. Soit un montant largement insuffisant pour revenir à un budget équilibré, sans même parler d'entraver la progression de la dette ou de baisser les impôts.

Des économies plus symboliques que structurelles

Côté dépenses, 3 119 postes de fonctionnaires seraient supprimés l’an prochain, une réduction jugée « symbolique » par plusieurs experts interrogés dans Les Échos. Les coupes toucheront principalement les services administratifs non prioritaires, sans remettre en cause les grands équilibres des ministères. Cette mesure, loin d’un tournant libéral, vise surtout à afficher un signal d’effort budgétaire.

La constitution du gouvernement envoie cependant un signal radicalement opposé. Le gouvernement Lecornu compte 34 ministres, un record depuis 2012. On peut craindre que ces ministres, au lieu de simplifier les normes et de baisser les impôts, rendant progressivement leur ministère inutile, ne multiplient les « conseils », « hauts-commissariats » et « secrétariats délégués » censés renforcer la coordination interministérielle. Une « armée mexicaine » de l’exécutif plus apte à produire des rapports et des postes qu’à réduire la dépense publique.

La France, toujours championne de la pression fiscale

Pour les ménages et les entreprises, les effets concrets du budget Lecornu seront contrastés. Les foyers modestes bénéficieront du maintien du bouclier énergétique et de quelques ajustements de barèmes, mais sans véritable baisse d’impôt, notamment parce que les aides accordées à quelques-uns dépendent justement des impôts qui pèsent sur tous. Les classes moyennes, elles, subiront indirectement la stabilité de la fiscalité locale et des taxes indirectes, souvent plus lourdes sur la consommation.

La France reste le pays le plus taxé du monde selon l’OCDE, avec une pression fiscale avoisinant 45 % du PIB. Or, selon tous les sondages récents, les Français réclament moins d’impôts et moins de dépenses publiques. Ils constatent également que leurs services publics restent médiocres, contrairement à ce que l'on pourrait attendre avec une fiscalité aussi importante. Les impôts sont en effet censés financer l'éducation, la santé, la justice, la sécurité, etc.

Pourtant, en France, tous ces domaines sont laissés à l'abandon, et les Français doivent se contenter d'une offre bas de gamme, ou se tourner vers le privé. Ils payent alors deux fois : pour le public dont ils n'ont pas voulu, et pour le privé qui leur convient mieux. Le budget Lecornu, tout en affichant une volonté de rigueur, ne rompt pas avec la logique d’un État hypertrophié – celui-là même qu’il prétend maîtriser.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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