Avec près de 3,3 millions de véhicules écoulés en octobre, la Chine concentre désormais 38 % des ventes mondiales et impose son tempo à toute l’industrie automobile. Cette domination statistique s’accompagne pourtant d’un ralentissement inattendu du marché électrique, révélant les fragilités d’un modèle longtemps jugé inarrêtable.
Chine : L’automobile sous influence

Une hégémonie commerciale qui rebat les cartes
En octobre 2025, Pékin a pulvérisé un nouveau record : 3,3 millions de véhicules immatriculés en un seul mois, soit « 38 % des ventes mondiales » selon les données des constructeurs. Avec 27,65 millions de voitures vendues depuis janvier, la Chine progresse de 12 % sur un an, et surclasse tous ses concurrents. Les États-Unis plafonnent à 13,88 millions d’unités, l’Inde à 4,56 millions, et l’Allemagne, longtemps baromètre européen, plafone à 2,61 millions. Ce rééquilibrage massif témoigne d’une recomposition géopolitique de l’industrie : la Chine n’est plus seulement le plus grand marché automobile, elle en devient le centre de gravité.
Pour les analystes, cette dynamique n’a rien d’un épiphénomène. Un économiste interrogé par Le Monde résume la situation : « La Chine pèse désormais plus que l’Amérique du Nord et l’Europe réunies. Cela signifie qu’elle dicte les standards, les prix et les technologies ». Cette puissance d’entraînement reconfigure l’ensemble des chaînes de valeur — de l’extraction de lithium aux gigafactories — et met sous tension les stratégies d’investissement des groupes occidentaux.
Les champions chinois de l’électrique imposent leur rythme
Le phénomène le plus marquant reste la montée en force des constructeurs locaux, dopés par une stratégie industrielle volontariste. BYD, Geely et Chery se classent désormais parmi les dix premiers constructeurs mondiaux. Leur progression est d’autant plus spectaculaire qu’elle s’appuie sur un basculement massif vers les véhicules dits « à nouvelles énergies ». En octobre, ces modèles — électriques, hybrides rechargeables ou à autonomie étendue — ont représenté 51,6 % des ventes du pays, soit 1,715 million d’unités. La presse chinoise y voit « un tournant historique où l’électrique n’est plus une alternative mais la norme ».
Cet appétit intérieur soutient une politique d’expansion internationale agressive. Les marques chinoises grignotent des parts de marché en Asie du Sud-Est, en Amérique latine et désormais en Europe, où leurs modèles affichent un rapport prix-technologie difficile à égaler. Pour les constructeurs occidentaux, souvent englués dans une transition électrique coûteuse, la concurrence devient de plus en plus frontale. Un dirigeant allemand cité par Handelsblatt reconnaît ainsi : « Nous ne parvenons plus à suivre le rythme chinois, ni en innovation ni en prix ».
Le ralentissement surprise du marché électrique refroidit les investisseurs
Mais derrière cette apparente toute-puissance, des signaux de fragilité émergent. Les résultats publiés par les grands constructeurs chinois au troisième trimestre ont surpris par leur faiblesse. « Une douche froide », selon Le Point, pour un secteur habitué aux croissances à deux chiffres. Leapmotor déçoit malgré la progression de ses volumes, Xpeng enchaîne les pertes, et même BYD voit sa rentabilité s’éroder.
Deux facteurs expliquent ce retournement. D’abord, l’essoufflement de la demande en véhicules électriques après deux ans d’aides massives. Le marché, saturé, digère difficilement la fin annoncée des incitations fiscales. Ensuite, la hausse inattendue des coûts de production, notamment des batteries, censées devenir moins chères grâce aux volumes. Un analyste de Caixin résume le dilemme : « La Chine a réussi à électrifier plus vite que tout le monde, mais elle se heurte désormais aux limites économiques de son propre modèle ».
Cette inflexion pourrait avoir un impact majeur en Europe. Bruxelles, déjà sous pression, verrait dans ce signal la confirmation qu’une transition trop rapide risque d’étrangler constructeurs et consommateurs. Les observateurs anticipent ainsi un assouplissement du calendrier d’interdiction du thermique. Comme le soulignait récemment un expert cité par Automotive News Europe : « L’électrique restera incontournable, mais certainement pas à la cadence prévue il y a encore deux ans ».
Entre accélération du marché automobile et ralentissement du segment électrique, la Chine impose plus que jamais son rythme — un rythme que le reste du monde n’a plus le luxe d’ignorer.