Droits de douane : l’OMC alerte sur un recul inédit du commerce mondial

Le 16 avril 2025, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a publié ses nouvelles prévisions sur l’évolution du commerce mondial. L’alerte est claire : un ralentissement significatif se profile à l’horizon, sous l’effet d’une instabilité croissante. L’institution tire la sonnette d’alarme, dénonçant notamment les conséquences de la politique douanière du président américain Donald Trump.

L’instabilité politique ébranle le commerce mondial

« Le volume du commerce mondial des marchandises devrait diminuer de 0,2% en 2025 », estime l’OMC dans son rapport annuel Global Trade Outlook and Statistics, publié le 16 avril 2025. Ce recul, qui semble modeste, représente pourtant une inflexion majeure par rapport aux perspectives initiales. Début 2025, les économistes tablaient en effet sur une expansion continue, portée par une stabilisation des marchés post-pandémie. Tout cela a volé en éclats.

Pourquoi ? En raison, essentiellement, d’un retour brutal du protectionnisme américain. Donald Trump a annoncé début avril 2025 des droits de douane réciproques sur plus de 180 pays, avec une surtaxe de 145% sur les importations chinoises. Face au tollé, il a suspendu ces mesures pour 90 jours. Mais les dégâts sont faits. « Les perspectives du commerce mondial se sont fortement détériorées en raison de l'augmentation des droits de douane et de l'incertitude de la politique commerciale », constate l’OMC.

La directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, dénonce : « Je suis profondément préoccupée par l'incertitude qui entoure la politique commerciale, notamment l'impasse entre les États-Unis et la Chine. [...] L'incertitude persistante menace de freiner la croissance mondiale ». L’alerte est formulée sans détour. L’incertitude, cette ennemie silencieuse, paralyse les décisions, retarde les investissements, décourage l’innovation.

Commerce mondial : Trump ravive les lignes de fracture

La politique commerciale américaine actuelle ne se contente pas de ralentir les échanges. Elle menace de provoquer un véritable choc. Si les droits de douane suspendus sont rétablis, l’OMC anticipe un effondrement de 1,5% du commerce mondial de marchandises en 2025. L'Amérique du Nord serait en première ligne. « Les exportations devraient chuter de 12,6%, et les importations de 9,6% », indique l’OMC dans son rapport. Ce recul impacte gravement les pays les moins avancés, dépendants de la demande extérieure pour survivre.

Le « découplage » entre la Chine et les États-Unis atteint un point critique : la directrice générale de l’OMC parle d’« un phénomène vraiment préoccupant ». L’OMC prévoit une chute des échanges entre les deux pays de 81 à 91%, hormis pour certains produits technologiques. Ce n’est plus une friction commerciale : c’est une scission économique.

Le risque est d’autant plus grand que les règles fondamentales du système multilatéral sont piétinées. Il faut garder en tête que le principe phare de l'OMC est, pour un pays donné, d'accorder un même traitement au niveau des droits de douane à l'ensemble de ses partenaires commerciaux membres de l'OMC. Autant dire que quand les États-Unis bafouent les règles qu’ils ont eux-mêmes contribuées à instaurer, c’est toute la légitimité de l’OMC qui vacille.

Vers une redistribution des flux commerciaux mondiaux

Pour la Chine, le conflit avec Washington devient une opportunité stratégique. L’OMC prévoit une hausse des exportations chinoises de 4 à 9% dans toutes les régions hors Amérique du Nord. Ce phénomène de « détournement commercial » crée de nouveaux équilibres, mais attise aussi la compétition avec d’autres pays exportateurs.
Certains pays en développement pourraient profiter de cette réorientation, notamment dans les secteurs du textile ou de l’électronique. Mais le modèle reste fragile : « les économies les moins avancées […] sont particulièrement sensibles aux chocs extérieurs », prévient l’OMC.

Les services ne sont pas épargnés. Leur croissance, pourtant dynamique en 2024 (+9%), devrait ralentir à 4% en 2025. En cause : la baisse des échanges de biens, qui réduit la demande en logistique et transport, et la prudence des consommateurs face à l’instabilité mondiale.