Défense : l’excellence française se conjugue au mode européen

En juin dernier, au cours d’un exercice, un Rafale français a « abattu » un F35 américain. Plus qu’une anecdote, ce petit évènement en dit long sur les capacités d’une BITD qui place la France au 2ème rang des exportateurs mondiaux entre 2020 et 2024. Une excellence industrielle qui s’inscrit dans une logique de coopération européenne optimisée.

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By Hervé Duval Published on 12 septembre 2025 11h12
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Défense : l’excellence française se conjugue au mode européen - © Economie Matin
800 MILLIARDS €L'UE a annoncé un plan à 800 milliards d'euros pour la Défense européenne.

La nouvelle n’est pas passée inaperçue dans le Landerneau de la Défense. En juin dernier lors de l’exercice multinational Atlantic Trident de l’OTAN en Finlande, le Rafale français a (virtuellement) abattu le F-35A américain, au corps à corps. Cet épisode a naturellement marqué les esprits, et constitue la dernière démonstration en date de l’excellence des technologies développées par la France, dans une logique combinant approche strictement nationale et coopération européenne, un mouvement indispensable pour consolider l’autonomie stratégique du Vieux Continent.

Des avions et des missiles sur-mesure

Produit par Dassault Aviation, le Rafale est évidemment l’une des plus grandes réussites de l’industrie française. Mis en service en 2001, il n’est pas qu’un succès commercial avec ses 533 exemplaires commandés à ce jour. Le Rafale est surtout le symbole d’une certaine idée de la souveraineté, à la fois industrielle et géostratégique. « L’aviation de combat est un instrument crucial de la guerre moderne, considère Éric Trappier, directeur général de Dassault Aviation. Nos avions contribuent à une mission permanente depuis 60 ans : la dissuasion nucléaire aéroportée, actuellement assumée par le binôme Rafale-missile ASMP-A […] Clé de voute de la Défense française et ultime assurance-vie de la nation, en même temps qu’une marque de sa souveraineté aux yeux du monde. » À terme, le Rafale sera remplacé par le futur avion de chasse européen – le SCAF – développé par Dassault avec des partenaires allemand et espagnol. Livraison attendue au mieux en 2040.

Ce projet stratégique illustre une autre réalité : la France seule peut beaucoup, mais elle peut encore plus en conjuguant ses efforts avec ses voisins les plus doués. « Notre souveraineté industrielle se travaille au niveau national, mais aussi au niveau européen, estime en effet Jean-Michel Jacques, député du Morbihan et président de la commission de la Défense nationale et des Forces armées de l’Assemblée nationale. Pour rester dans la course et garantir notre autonomie stratégique, nous devons continuer à investir, coopérer entre européens dans certains domaines et optimiser nos dépenses de recherche & développement. » La feuille de route est claire mais des jalons sont déjà posés.

La France et ses partenaires peuvent ainsi s’enorgueillir d’être en pointe dans un secteur plus confidentiel mais tout aussi indispensable : celui des missiles. Le fabricant MBDA – filiale commune d’Airbus (37,5%), de BAE Systems (37,5%) et de Leonardo (25%) – a connu une année record en 2024, avec une production et des livraisons en hausse de 33%. Ses best-sellers, notamment déployés sur le champ de bataille ukrainien : le Mistral, l’Aster ou encore le Storm Shadow. « La mission première de MBDA est d’offrir à nos forces armées des capacités militaires décisives, pour garantir leur supériorité opérationnelle sur le terrain dans l’exercice de leurs missions, avance Éric Béranger, PDG de MBDA. Dans le monde occidental, nous sommes – en dehors des États-Unis – le seul groupe à offrir une gamme complète de systèmes et d’armes de décision jusqu’aux armes de saturation, adaptées aux nouveaux besoins. » Illustration de la dimension française de l’entreprise, celle-ci propose le Land Cruise Missile, adaptation, bientôt disponible, du missile de croisière naval (MdCN), pour combler le « trou capacitaire » préoccupant des frappes terrestres dans la profondeur, dont la portée annoncée dépasse 1000 km.

Au plan international, les filiales française, britannique, et bientôt italienne de l’entreprise développent le Future Cruise/Anti-Ship Weapon (FCASW), un système innovant pouvant réaliser quatre missions différentes, de la frappe dans la profondeur à la destruction de cibles aériennes à haute valeur ajoutée, en passant par la frappe antinavire et la neutralisation des défenses aériennes. Il combine pour cela deux munitions aux caractéristiques complémentaires : le RJ10 supersonique et manœuvrable, le TP15, furtif et avec une très grande .  Emblématique de la coopération entre Paris et Londres consolidée en 2025 avec le traité de Lancaster House 2.0, le FC/ASW mettra en avant le savoir-faire européen en matière de missiles, tout autant que l’importance du partenariat franco-britannique dans cette filière hautement stratégique. Si la France et le Royaume-Uni restent à ce jour les deux puissances européennes crédibles à même de porter les sujets d’autonomie stratégique et de souveraineté – tant au plan industriel qu’à celui de la dissuasion nucléaire –, Paris et Londres doivent impérativement approfondir leur coopération militaire et industrielle. « Les états européens, qui sont des puissances moyennes, ne peuvent financer un tel effort sur une base nationale. MBDA est un outil de souveraineté et de coopération européenne précieux », rappelait déjà le PDG de MBDA en 2023.

Sur mer, la France marque aussi des points

En mer, la base industrielle et technologique de défense (BITD) française peut également se targuer de plusieurs succès, comme la version Block 3c du missile antinavire Exocet MM40, développé par MBDA , et compatible avec plusieurs types de navires équipant la marine française : frégates de défense aérienne (FDA), les frégates multi-missions (FREMM), les frégates La Fayette (FLF) ou encore les nouvelles frégates de défense et d’intervention (FDI) qui font leur apparition en 2025. Ces dernières seront d’abord destinées à la France et à la Grèce. Construites aux chantiers navals de Lorient par Naval Group, elles réunissent plusieurs équipementiers français comme Thales pour les radars et MBDA pour les missiles. Naval Group est par ailleurs aux commandes de la future 3e génération des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), annoncée en mars 2024 par Emmanuel Chiva, délégué général de la Direction générale de l’Armement (DGA), ainsi que de la construction des sous-marin d’attaque, nucléaires ou conventionnels. Là encore, la France se distingue par un savoir-faire précieux pour la défense européenne, et pour la balance extérieure française.

Qui plus est, à l’heure où l’ampleur des défis géopolitiques et du cout des programmes impose d’apporter des réponses collectives, l’offre navale française met en avant des partenariats industriels qui sortent les Etats acheteurs de la position de simple client. C’est le cas avec les quatre sous-marins Scorpène brésiliens, construits sur place dans le cadre d’un transfert de technologie qui pose pour le client les bases de son futur programme national de SNA. C’est aussi celui pour la 4ème FDI commandée par la Grèce, et qui devrait être construite sur place avec les transferts de technologies associés. En Pologne, l’offre de Scorpène dotés de Missile de croisière navals faite par Naval Group et MBDA est aussi reconnue comme telle, avec les contreparties industrielles les plus ambitieuses. Une autre façon de densifier et solidifier la BITD européenne.

Que ce soit pour les missiles à longue portée, les frégates ou les avions de chasse, l’État français avance une boussole en main : défendre un leadership européen et une indépendance industrielle sur des compétences clés, et consolider ses alliances . « Nous continuons à renforcer la coopération internationale et les partenariats avec nos alliés, expliquait en juin dernier Emmanuel Chiva devant la commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale. Cette coopération européenne constitue un des piliers stratégiques pour renforcer notre souveraineté. Nous assistons en ce moment à un processus de responsabilisation des États pour apporter des réponses communes, mutualiser nos moyens et démontrer notre capacité à agir ensemble et rapidement, en changeant de modèle. » L’évidence s’est aujourd’hui imposée aux principaux décideurs européens : certains comme la France et la Grande-Bretagne poussent à approfondir les accords bilatéraux existants, d’autres comme en Allemagne préfèrent s’arrimer aux États-Unis pour leurs achats d’équipements militaires ou pour établir des partenariats de production d’armements américains sur le sol européen, quitte à être à la merci de Washington. Un véritable choix de modèle, en effet.

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Hervé Duval, conseil juridique, Droit des affaires / Droit du travail - Conseil et contentieux - France et International. Recherches et veille juridiques, rédaction de notes sur des sujets touchant au droit pénal des affaires et notamment aux pouvoirs d’investigation des autorités judiciaires et des autorités administratives indépendantes.

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