Vanguard, BlackRock, JPMorgan… : comment la finance alimente la déforestation

Alors que la déforestation s’impose comme l’un des moteurs majeurs du dérèglement climatique, le secteur de la finance continue de canaliser des flux massifs vers les entreprises qui la provoquent. Derrière les chiffres colossaux, se dessine une réalité inquiétante : banques et investisseurs contribuent, en toute connaissance de cause, à la destruction des forêts.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 20 août 2025 8h00
Vanguard, BlackRock, JPMorgan... : comment la finance alimente la déforestation
Vanguard, BlackRock, JPMorgan… : comment la finance alimente la déforestation - © Economie Matin
60%Selon l’étude de Forest 500, 60% des institutions financières n’ont aucune politique de lutte contre la déforestation.

Des milliards injectés dans l’économie de la déforestation

Le 14 août 2025, l’ONG Global Canopy a publié le rapport annuel Forest 500. Celui-ci révèle que la déforestation reste massivement financée par les grandes banques et institutions financières mondiales. Malgré les engagements climatiques répétés, les flux financiers atteignent des niveaux records, montrant que la lutte contre la perte de biodiversité reste un chantier largement négligé dans la sphère bancaire.

En 2024, 150 institutions financières ont apporté 8,9 trillions de dollars à l’économie de la déforestation. Ces fonds transitent vers les plus grandes entreprises de matières premières, responsables de l’abattage massif lié au soja, à l’huile de palme ou encore au bois. Cette somme dépasse de loin le PIB cumulé de plusieurs grandes économies émergentes et illustre la dépendance persistante de la finance à des modèles destructeurs.

Parmi ces flux, 864 milliards de dollars ont été alloués à des sociétés sans aucun engagement public contre la déforestation, qualifiées de corporate laggards par les analystes. Pire encore, trois géants financiers – Vanguard, BlackRock et JPMorgan Chase – ont à eux seuls injecté plus de 1,6 trillion de dollars dans ces entreprises, malgré l’absence de politiques robustes ou leur limitation à une seule commodité, comme le palmier à huile.

Des politiques encore largement insuffisantes dans les banques

Selon l’étude, 60% des institutions financières n’ont aucune politique de lutte contre la déforestation. Autrement dit, la majorité des acteurs de la finance n’intègrent toujours pas ce risque dans leurs décisions d’investissement. Cette inertie contraste avec les discours croissants sur la finance durable et la responsabilité climatique.

Même parmi les 60 institutions ayant adopté une politique, les mesures demeurent souvent symboliques : seulement 27 pratiquent un suivi systématique des engagements, 32 engagent un dialogue avec les clients non conformes, et 17 imposent une menace de désinvestissement assortie d’un calendrier clair. Quelques exceptions existent : BBVA, Deutsche Bank et Lloyds Banking Group appliquent des filtres sur toutes les matières premières à risque, une pratique encore trop rare dans le secteur.

Un risque systémique ignoré par la finance mondiale

La déforestation représente 11% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le rapport. Son financement par la finance accroît donc la probabilité de catastrophes climatiques et de pertes économiques globales. Pourtant, seule une minorité des institutions reconnaît ce danger : 37% d’entre elles considéraient la déforestation comme un risque commercial en 2024, à peine mieux qu’en 2023.

Cette sous-estimation choque alors que le World Economic Forum classe la perte de nature parmi les quatre principaux risques mondiaux de la prochaine décennie. De son côté, la Bank of England a récemment alerté : le changement climatique constitue une menace directe pour la stabilité économique britannique. En continuant de financer la déforestation, le secteur bancaire se place donc en contradiction avec les avertissements de ses propres régulateurs.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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